5-2- Réflexion à partir des fractals

5-2-1- Une sous-hypothèse dans le domaine psychologique

L’hypothèse initiale serait celle d’une construction continue de l’appareil psychique non pas en ligne droite mais en cercles concentriques. Ces cercles ne sont pas disjoins les uns des autres si bien qu’on parlera plus volontiers de spirales (à effet centripète ou centrifuge). Les manifestations affectives et représentatives de l’appareil psychique se développeraient en spirales et toutes les formes trouvées à un niveau de représentance (originaire, primaire, secondaire dans la théorie de P. Aulagnier) se retrouveraient dans les niveaux supérieurs et inférieurs. On retrouverait dans le langage le poids des choses, de l’hallucinatoire, comme on pourrait repérer déjà en germe dans l’hallucinatoire des traces favorisant des niveaux de complexité supérieur.

D’une unité à une autre se retrouverait ensuite des rapports similaires à ceux qui passent des groupes internes d’un sujet face à une idéologie groupale : ces rapports se marqueraient soit par homomorphie, soit par isomorphie. R. Kaës ( 1993) reprend ces termes des mathématiques pour les définir ainsi : là où le pôle isomorphique est bijectif, là où le ou les groupes internes du sujet trouvent une assignation point par point à la réalité groupale, le pôle homomorphique implique l’écart et la conflictualité entre les deux.

Dans le premier pôle, l’individualité ne subsiste pas, tout écart est banni au profit d’une logique groupale prévalente. Un attracteur spécifique devient central, occupe toute la place. Mon parallèle prend ici en compte les systèmes psychiques et métapsychologiques eux-mêmes dans leur écart. Je pense que la pensée qui se rapproche le plus de la structure fractale en tant qu’elle est isomorphique est celle des psychoses les plus archaïques. Par aplatissement du système préconscient (comme le remarque P. C. Racamier) les systèmes originaires, primaires et secondaires sont « tassés », reliés les uns aux autres, le mot est beaucoup plus proche de l’image et de la sensation. Il vaut mieux qu’il y ait le moins de similarités possibles entre les systèmes pour que le fonctionnement devienne réellement transitionnel, qu’une transitionnalité interne puisse se jouer. L’isomorphie renvoie aux pôles imaginaires et indifférenciés de l’appareil psychique, au syncrétisme, dans le registre inter-instanciel, il ne permet pas la constitution d’une aération psychique propre à la circulation et à l’associativité des représentations-choses et représentations-mots. Un pôle est égal à un autre sans espace suffisant pour provoquer écart et conflit éventuel.

Dans le deuxième pôle au contraire, des lois différentes et des fonctionnements différents sont possibles. Dans le pôle homomorphique, il subsiste donc des distinguos entre psychisme individuel et groupal. R. Kaës (1993) note que : « L’identité complète, imaginaire, entre l’appareil psychique groupal et l’appareil psychique individuel n’est plus visée, entretenue et maintenue de force » (p 218- 219). C’est un pôle de différenciation des rôles, des places et des tâches de chacun. Il ménage des espaces ouverts avec possibilité qu’une parole libre survienne.

Dans une comparaison inter-instancielle, il serait possible de reprendre le concept de transitionnalité interne mis en avant par R. Roussillon (1998, 1999). La similarité due à la fractalisation s’étendrait ainsi. Des signifiants de démarcations permettent l’écart et l’enveloppement des idées.

Comme le précise R. Kaës dans le lien entre les appareillages individuels et groupaux, l’un ou l’autre de ces deux pôles n’apparaît jamais tel quel, une tension dialectique s’amorce qui amène plus de l’un ou plus de l’autre. Le pôle ismorphique représente un ciment, le pôle homomorphique un espace nécessaire. Faute d’isomorphie suffisante, le groupe ne peut se constituer ; faute d’homomorphie minimale, le groupe s’étouffe, chacun s’aliène à l’autre, le manque d’écart détruit l’individu.

Les productions issues de l’appareil psychique entretiennent donc des rapports de fractalisation comprises dans cette tension dialectique

B. Chouvier (1997) écrit à ce sujet : « une des meilleures figurations du symbole est l’objet fractal . Le monde du langage, le monde des structures mentales et le monde des images définiraient entre eux des rapports de fractalisation, tels qu’en attestent aujourd’hui les sciences de la forme ». Et B. Chouvier de préciser qu’une gestalt originaire (un cercle par exemple) peut former une forme contenante, sécurisante puis s’associer à des mots pour créer un ballon, un soleil. Il montre aussi comment des formes peuvent être choisies de façon privilégiées par certains peintres, faisant ensuite découler de ce primat formel une succession de formes construites et socialement reconnues (maison, arbres, voitures, etc…). C’est autour de ces éléments que je cernerai mes questions tout en proposant de dialectiser ce qui se retrouve d’une dimension à l’autre au sein de la dialectique homomorphie / isomorphie.

D’une fractalisation de l’appareil psychique et des lois qui le régissent ?

Voyons à présent de plus près ce que le terme fractalisation de l’objet métapsychologique, donc de toutes les lois qui régissent le fonctionnement de l’appareil psychique, peut révéler. Pour cela, définissons les termes employés.