5-2-6- Exemple d’une logique fractale : sur une existence pré-Oedipienne, intracorporelle, de la fonction tierce.

D’un aspects génétique ?

J’ai souligné plus haut comment M. Klein fractalisait en quelque sorte les processus psychiques en faisant par exemple intervenir un surmoi avant la période oedipienne ou encore comment l’œdipe lui-même était devancé dans le temps dans sa théorisation.

J’aimerai à présent partir d’une petite étude connexe montrant comment l’expérience de la triangulation peut exister de façon embryonnaire et intra-corporelle bien avant que le complexe d’œdipe n’intervienne. Je me suis appuyé sur des théories post-kleiniennes pour cela. Le but est de souligner une fois de plus les manifestations propres aux structures fractales. La théorie, ébauchée plus haut par Mandelbrot (1975) lui-même, de la coexistence de cascades descendantes ou remontantes pour expliquer la genèse des étoiles et d’autres objets célestes, est une fois de plus proche de cette constellation psychique dans laquelle coexistent des signes et processus en apparence paradoxaux.

Mais penchons-nous sur notre question. Il s’agit de souligner comment des recherches modernes ont postulé l’existence d’une ébauche d’internalisation des fonctions parentales dans les tout premiers rapports du bébé avec son corps. Nous nous dirigerons vers ces psychanalystes observateurs de ces niveaux initiaux d'intégration. Au tout début de sa vie, nous apprend G. Haag (1988), un bon portage doit favoriser les contacts structurants d'arrière plan, conceptualisés par Grotstein et développés par F. Tustin, et tendre à éviter les angoisses corporelles primitives de chute et de liquéfaction. S’ajoute à cela l'enveloppe sonore et la fonction d'attention par le regard, devant mener à une interpénétration. Ainsi un premier sentiment d'enveloppe peut prendre corps.

Néanmoins la fonction de portage bien assumée se déroule aussi bien sur le plan physique que visuel. Le regard peut ainsi revêtir des fonctions enveloppantes ou pénétrantes, contenantes ou persécutives. Le rôle de l’objet est bien sûr déjà ici central et il est déjà remarquable de constater la fonction de ce regard qui tendra toute la vie durant, pour peu qu’il ait été suffisamment structurant dés ces premiers instants, à influencer la dynamique psychique. Il existe donc dés lors un processus qui se répétera plus tard en prenant des formes diverses mais comportant une matière interne commune.

Mais continuons à avancer dans notre approche de l’intériorisation des premières fonctions parentales. Dans l'un des premiers articles de G. Haag (1985) sur le clivage vertical, elle écrit qu'après que ce contact d'arrière plan associé au regard a été en partie introjecté par le bébé, celui-ci est en mesure de s'identifier à la mère dans l'un de ses hémicorps et jouer son propre rôle dans l'autre. Bien évidemment, on suppose ici que le bébé s’identifie aux fonctions de maintien et de portage de la mère ainsi qu’à la façon dont elle se comporte avec lui. Le processus se développe ainsi sur le plan spatial puis topique (topique de l’appareil psychique) d’avant en arrière puis sur les côtés. La question est alors : quid du père au sein de cette dyade ?

Le postulat de la géométrie fractale implique au moins une forme d’existence primitive de la fonction paternelle. Or nous retrouvons cette notion en suivant l'évolution de la pensée de cet auteur. L’on s'aperçoit alors que G. Haag (1996) évoque dans des écrits ultérieurs que l'axe articulé autour des deux hémicorps assume une fonction paternelle pour le bébé alors que l'hémicorps dominant est compris dans une identité adhésive avec les fonctions maternelles. Qui plus est elle fait donc découler cet axe de la présence d'arrière plan d'identification primaire qui arrive génétiquement avant ce clivage vertical. La conscience d'un objet maternel ne survient donc que dans un second temps, qu'après la construction d'un axe, entre le devant et le derrière, qui permettra secondairement l'intégration de l'environnement maternel. Or l’axe est surtout un lieu pivot qui organise une première série de rythmicité intracorporelle, un hémisphère se rapproche ou s’éloigne de l’autre, ce qui implique en terme psychique qu’une fonction, de portage par exemple, doit pouvoir petit à petit s’incorporer dans le fonctionnement psychique du bébé afin que celui-ci ait accès à la verticalisation. La fonction paternelle serait alors une fonction de transformation . Elle revêtirait une fonction de transitionnalité interne et renverrait ainsi à une première forme de symbolisation interne, forme de symbolisation intra-corporelle. Dés ces premiers mois d’existence tout se passe comme si un engramme initial avait permis un développement ultérieur fondé sur des relations interpersonnelles.

La ligne médiane articulaire est en l’occurrence considérée comme représentante de cette fonction paternelle qui réunit les pôles d'opposés disparition / apparition, aller-retour pour ouvrir sur la séparation, la castration, et soutenir le processus représentatif. Dés les premiers moments d'unification du moi corporel, une sorte d'ébauche très archaïque de la fonction paternelle puis maternelle se mettrait ainsi au travail.