D. Dumas (1999), psychanalyste exerçant à partir des principales théories de J. Lacan, s’est particulièrement penché sur la question paternelle. Il souligne combien le statut de père est une nécessité dans une famille ou un clan afin qu'une coupure entre les générations puisse avoir lieu. Pour lui, la fonction symbolique, régie par le langage et la pensée, se constitue à partir de la fonction paternelle. Il rappelle que le rôle du père est de venir faire scission dans la dyade mère-enfant, d'opérer à une coupure de ce cordon ombilical métaphorique qui réunit la mère à l'enfant. Le Nom du Père, selon les concepts Lacaniens, devra permettre à l'enfant de prendre appui sur une base structurale (représentée par une famille) qui favorisera par la suite une séparation et une individualisation. L'enfant ne conquerra ainsi un prénom (une identité) qu'à partir du moment où il sera parti d'un patronyme (un groupe primaire) pour s'instituer une parole prise sous les effets du refoulement et de la castration symbolique.
Le père occupe aussi une fonction relationnelle dés les 2-3 premières années de l'enfant. Des études récentes ont montré des difficultés prononcées chez des enfants aux pères absents pour alimenter des contacts sociaux avec leurs compagnons de jeu. Cela va donc dans le sens des concepts de J. Lacan quand il avance que la fonction centrale du père symbolique (en rapport au père Imaginaire et au père Réel) est de rompre la dyade mère-enfant pour renvoyer à la loi et aux interdits via le complexe de castration.
En résumé ses principaux rôles sont ceux de tiers, d’ouverture au langage parlé (intronisateur), et de porteur de loi. Le tiers symbolique, le pivot, le lien entre deux instances se retrouvent ici dans une forme plus ou moins décorporée, plus psychisée, plus symbolisée. Sur le plan social, la loi fait office de colonne vertébrale dans les systèmes démocratiques. Sur le plan psychologique, il s’agirait de sortir de ce que la fonction maternelle 14 a créé, avec ces liens peau à peau, sa dimension tactile, son en-deçà de l’interdit du toucher, ses relations de sensualité, sa communication infra-verbale, pour rentrer dans quelque chose de l’ordre de l’ouverture, l’espace, l’aération, le jeu.
J’ai essayé de montrer que cette opération, au travers d’auteurs spécifiques, était beaucoup plus précoce que ce qui est habituellement établi 15 . L’intérêt est aussi ici de voir que dans les traces graphiques également, peuvent apparaître des limites posées par nos patients polyhandicapés, autistes et psychotiques déficitaires. Certes dans un deçà des concepts de Nom du père, Loi du père et d'accession à la fonction symbolique, il reste que ces notions demeurent en germe à l'intérieur du sujet.
Je précise bien entendu ici qu'un père, un homme, peut remplir cette fonction comme une femme peut également remplir la fonction paternelle.
Sur cette hypothèse, le texte très récent de D. Houzel (2003) en donne une confirmation. Il conceptualise en effet, à partir des écrits de F. Tustin, l’idée d’une bisexualité psychique archaïque constituée par la dualité réceptivité féminine / pénétration masculine ou encore sur le bipôle bionnien contenant/ contenu. Pour D. Houzel, une relation encore plus archaïque ferait rencontrer dans des caractéristiques indifférenciées contenant accueillant et solidité de celui-ci. Réceptivité et consistance en serait les éléments primordiales. C’est dire combien ces deux fonctions entrent en scène de façon très précoce. Par rapport à la notion d’ambiguïté telle que la conçoit J. Bleger, on pourrait voir là une première fusion qui doit se faire avant d’entrer dans une phase où la différenciation commence à se faire et où les objets partiels, avec les fantasmes primitifs qu’ils génèrent, commencent à agir. Ce processus initial de dissociation très archaïque se serait passé trop précocement pour les autistes, à une époque où la peau psychique n’aurait pas encore été constituée. Là encore l’on constate que ces fonctions préexistent à une future extension de manière embryonnaire dans le psychisme. On retrouve au passage ici la symbolique élémentielle. L’élément terre aurait aussi, en complémentarité de sa fonction maternelle des caractéristiques de solidité, plus paternelle, pouvant solidifiée et rendre possible les premières représentations.