5-3-2- Les enveloppes psychiques : attracteurs et fractals

Si quelques auteurs se sont ainsi inspirés de la théorie du chaos, ce fut surtout dans la mouvance des travaux de D. Anzieu sur les enveloppes psychiques qu’ils utilisèrent ces modèles et à partir par exemple de la théorie des catastrophes, conceptualisée par R. Thom.

D. Houzel (1987, 2000) fait partie de ces auteurs. De façon théorique, il situe le concept d’enveloppe psychique sur une interface entre plusieurs modèles épistémiques et conçoit l’utilité de ce système en psychologie clinique pour aborder aussi bien des fonctionnements psychiques de nourrissons, d’enfants, d’adolescents, d’adultes que des fonctionnements groupaux, familiaux, institutionnels. Il situe aussi le tournant épistémologique de la psychanalyse en cela qu’elle quitte les courants positivistes et essentiellement rationnels d’une certaine époque. La théorie du chaos ouvre sur un mouvement de dessaisissement écrit-il, de nouvelle emprise peut-être rajouterai-je, par rapport à certaines certitudes ; certitudes dont les théories uniquement structuralistes représentent une forme d’apogée. Sans investiguer, il laisse entrevoir dans la fin de son article de 1987, l’utilité de modèles tels que les théories des catastrophes, de la turbulence, de l’ordre par fluctuation ainsi que des objets fractals. Il n’établira pourtant ici son investigation que sur la théorie des turbulences comprenant le modèle d’attracteur.

Je propose de rentrer dans le détail de ces rapprochements afin de nous positionner, de préserver certaines idées et d’en rajouter d’autres.

D. Houzel va donc utiliser le concept d’attracteur pour modéliser les théories sur l’enveloppe psychique. Dans son approche, les termes topiques et économiques des enveloppes psychiques représentent respectivement les formes prises par celles-ci ainsi que leur force respective. Il qualifie ainsi le concept d’attracteur comme un sous-système invariant venant jouer un rôle dans un système dynamique donné. La force passant non loin de l’objet subit les conséquences de l’attracteur en se moulant dans sa courbure et ses points d’inflexion. Ainsi retrouve-t-on le modèle physique présenté ci-dessus au travers de son interprétation digitalisée des mouvements des planètes. Mais pour D. Houzel, il y a plus puisque ce modèle est particulièrement utile dans notre champ pour saisir les manifestations les plus archaïques touchant aussi bien les bébés que les pathologies autistiques et psychotiques. Par exemple, écrit-il, le concept de turbulence nous donne des clés pour comprendre comment le concept de mamelon-sein, développé depuis M. Klein par W. R. Bion et E. Bick, représente un attracteur des pulsions orales primitives.

Dans son dernier ouvrage collectif, A. Ciccone (2003) précise à ce sujet que le concept d’attracteur est l’une des métaphores de la limite de l’appareil psychique. L’attracteur crée une consensualité là où les sens étaient éparpillés, démantelés. En devenant un vecteur unique, il devient en quelque sorte un récipient de l’objet contenant optimal «  mamelon-dans- la -bouche ». En cela, « l’attracteur est une partie stable d’un système dynamique » (p 34). Et cela représente bien ce que nous recherchons dans notre travail avec sujets psychotiques et autistes : des parties stables sur lesquelles nous reposer et éviter la désorganisation psychique.