5-4-3- Une réponse en terme d’appareil de mémoire ?

R. Roussillon (2001) 17 tire ce premier constat de l’appareil de mémoire conceptualisé par S. Freud : « Potentiellement, dans la « seconde métapsychologie », on perçoit tout, même si on perçoit en fonction de l’état de l’appareil psychique du moment, même si on perçoit relativement à une organisation psychique donnée » (p 120). Cette phrase souligne d’emblée ces dimensions diachroniques/ synchroniques qui s’accompagnent à son tour d’une certaine ambiguïté (au sens de J. Bleger, voir en partie 2) de par sa complexité même. Cette ambiguïté se prolonge dans les analyses suivantes : « On garde trace de tout, on conserve tout tel quel et en même temps on transforme tout, du moins tout ce que l’on peut transformer, on réarrange, on réinterprète après coup, on symbolise et resymbolise l’expérience antérieure en fonction des données nouvelles, ce qui n’empêche pas de conserver en même temps trace de l’expérience ancienne ».

Or si l’on réarrange et resymbolise constamment, cela ne se fait pas n’importe comment, des données en attirent certaines ou en repoussent d’autres, des forces centripètes d’attractions s’opposent à des forces centrifuges de répulsion 18 . Mais tous ces éléments, qu’ils s’unissent ou non, vont en fin de compte créés des transformations. La transformation est un point pivot, central dans les manifestations psychiques. R. Roussillon nous dit en fin de compte que l’appareil psychique travaille en continu selon cinq grandes fonctions que sont l’enregistrement, la conservation, la réactivation, la transformation et l’oubli. La pierre angulaire qui fait passer le système de l’ambiguïté apparente au paradoxe, au sein duquel les données ne se jouent pas au même niveau, est la capacité de transformation qui rend possible d’oublier tout en conservant.

Notes
17.

Dans l’article : « Une métapsychologie de la trace et de l’appareil de mémoire »

18.

Je m’aperçois que, si j’ai jusqu’ici insisté sur la dimension d’attraction, je n’ai en revanche pas abordé la force antagoniste, de répulsion. Certes, l’analogie avec le monde physique, et notamment le champ magnétique, est flagrante et j’aurais pu, dans ce chapitre, rapproché cette force du travail du négatif (déni, dénégation, négation, refoulement, forclusion, etc…) tel qu’il a été conceptualisé ces quelques dernières années dans le champ analytique. Quoi qu’il en soit, cette force antagoniste s’unit dans un point paradoxal avec la force agoniste en cela que tout ce qui peut réapparaître dans un lien donné à été préalablement oublié, laissé en suspend. Mais cela ne veut pas dire que ce laissé en suspend, cet oublié, ne soit pas une force attractrice. Si je me focalise surtout sur la force attractrice c’est moins pour le manque d’importance de son pendant que pour l’apparition de celle-ci dans les traces. Il y a donc là un point de vue orienté sur le plan théorico-clinique. Les apports kleinniens, jouxtant en permanence sur le plan synchronique les aspects psychotiques et névrotiques de la personnalité, me semblent en adéquation avec cette vision agoniste/ antagoniste des choses de par leur ordre d’apparition successif.