La transformation des données se réalise en continu sur deux plans, diachronique et synchronique.

Sur le plan synchronique, les informations sont enregistrées à trois niveaux : un niveau archaïque suivant une « logique de contiguïté et de simultanéité » (p 123) et renvoyant à une inscription mnésique perceptive ; un niveau infantile suivant les « caractéristiques du narcissisme et de l’animisme infantile » à l’origine d’une inscription mnésique représentative inconsciente ou représentations-choses et enfin un niveau actuel, historique, fonctionnant avec les représentations-mots et renvoyant à la création de traces préconscientes.

Sur le plan diachronique, ces traces, enregistrées et conservées dans différentes instances, sont réactivées et transformées en fonction de la logique dominante du fonctionnement actuel. A chaque nouvelle transformation opère un nouvel enregistrement si bien que «  Notre bagage de traces mnésiques perceptives, de traces inconscientes et de traces préconscientes continu donc de s’enrichir, de se combiner et s’associer à ce que nous avons déjà en mémoire dans chacun de nos systèmes mnésiques » (p 124).

Viennent s’ajouter à ce modèle les achoppements à la symbolisation, la non transformation des vécus perceptifs en trace dans l’appareil de mémoire. Ces « fueros », selon le terme que S. Freud leur donne, ont gardé les « caractéristiques de leur époque ». Ils se diviseraient selon deux types : l’un équivaudrait à un défaut de symbolisation primaire, donc de traduction de la trace mnésique perceptive en trace mnésique inconsciente, ce premier type serait issu d’un clivage. Quant au second, il serait issu d’un refoulement et se caractériserait par un défaut de symbolisation secondaire ou défaut de traduction de la trace mnésique inconsciente en trace mnésique préconsciente.

Mais, si la trace mnésique perceptive est essentiellement de nature hallucinatoire, alors, comme le dit R. Roussillon, il existe aussi une « mémoire de nature hallucinatoire » (p 127). Celle-ci exercerait à mon sens une force d’attraction particulièrement importante dans le psychisme et la grapho-motricité, représentée dans les traces graphiques. C’est du moins l’hypothèse que j’en fais : celle d’une densité particulière de certains contenus internes qui ne peuvent surgir qu’en fonction de l’apport d’un certain matériel.

Nous reviendrons sur ces données, et notamment sur celle qui fait, dés les travaux de S. Freud quoi que de façon encore lapidaire, du CA non pas seulement un réservoir pulsionnel mais un réservoir des traces mnésiques perceptives. Ainsi même la pulsion est inhérente à une construction psychique : « La pulsion n’est pas un « en soi », elle se forme et se construit dans l’histoire / préhistoire du sujet et ceci à partir de ses expériences corporelles et relationnelles conservées à l’état de traces mnésiques perceptives d’expériences brutes » (p 130). Nous retravaillerons cela plus en profondeur dans son lien avec ce que B. Chouvier (1998) a appelé « symbolisation élémentielle ».

Ce modèle de la trace, que nous allons retrouver en clinique dans notre atelier, va se jouer, selon l’absence de lois euclidiennes propres à la fractalisation, à l’orée au moins des dimensions diachroniques et synchroniques selon plusieurs logiques et dans une réactualisation constante. Nous complexifierons ainsi l’équation présentée précédemment dans le chapitre suivant.