Exemple 2 : Rolland ou sur une logique cyclothymique de fonctionnement

1- Comme je l’ai écrit en annexe, une des modalités de fonctionnement de la mère de Rolland consiste à vivre entre des phases d’abattement et des phases de révoltes et de violence. Cette femme, cas psychiatrique avéré (séjours en hôpital psychiatrique psychose maniaco-dépressive très probablement), a bien sûr transmis quelque chose de ces alternances à et en Rolland. Si, dans une analyse plus fine, nous regardons agir cette dame, nous nous apercevons que dans des réunions de parents par exemple, elle profite de la critique par exemple d’un des parent conviés contre un aspect de l’institution pour enchaîner sur une attaque personnelle et ciblée. Madame S. semble alors se charger de l’émotion ambiante pour se dynamiser elle-même. Une fois ceci advenu, elle cherche une cible extérieure. Durant toute l’enfance de son fils, elle a agi de la sorte, sans possible stabilité ni émotionnelle, ni affective. Cette relation maintes fois répétée lui a été communiquée.

2- En dimension deux, intrapsychique, Rolland revêt les mêmes caractéristiques caractérielles. Dans ses phases élationnelles, il se passe de la musique et danse vigoureusement, mais dans les autres phases, et c’est là où il existe des décalages et où les attracteurs internes ne constituent pas toute la structure du sujet, il se sent abandonné et à besoin de se coller à l’autre pour lui demander combien de temps le sépare de sa mère. Là, si l’autre n’est pas suffisamment attentionné 19 , réceptif, des angoisses se développent et la pression devient intolérable. Autrement dit, là où s’exerce une forme de dépression psychotique chez la mère, passant par des désinvestissements affectifs, s’opère une montée de violence ingérables pour Rolland. L’alternance est néanmoins préservée.

3- Dans notre dispositif, sur cette grande feuille commune qui symbolise une aire maternelle de contenance, ce fonctionnement chez Rolland subsiste. Comme je l’avais montré dans mon DEA, la feuille réceptacle devenait une matrice paradigmatique d’un fonctionnement psychique. Dans ses traces centrifuges / centripètes, un mouvement d’extension / contraction des forces pulsionnelles est à constater : tant que l’espace est encore relativement vierge, que les autres sujets du groupe n’ont pas commencé à dessiner ou peindre, il remplit l’espace d’une façon empressée, dans une recherche élationnelle observable. Lorsque les autres commencent à tracer, il ne s’arrête pas pour autant mais dés qu’un autre occupe une place trop prépondérante dans le groupe, nous constatons le mouvement de contraction, de retour sur soi.

Cela n’entraîne néanmoins pas chez lui d’affects négatifs. Il semble alors qu’il puisse trouver dans les traces d’autrui des barrières, des limites à un mouvement d’expansion potentiellement infini.

La problématique corporelle peut alors s’exprimer en d’autres termes que ceux que j’avais utilisés pour mon premier travail. Dans celui-ci, le signifiant formel : « une enveloppe s’étend, une enveloppe se rétrécit » permet de poser des mots sur une relation de l’enveloppe psychique dans l’espace. Je rajouterai néanmoins que le travail groupal permet de saisir cette situation autrement : là où il y avait une aspiration du vide (aspiration sidérale), j’y vois une fermeture, les autres viennent fermer ce trou béant, attracteur de l’objet interne marqué par la dépression maternelle. L’élation à tracer est peut-être bien une recherche frénétique de combler cet espace vide. Une fois les traces des autres déposées, il y a fermeture et réassurance, Rolland peut alors revenir vers son centre , sans crainte d’une attaque extérieure. Là s’opère alors quelquefois une véritable construction avec superposition de traces ovoïdes, ressemblant à des personnages.

Mais ce mouvement d’alternance n’est pas totalement tari et l’angoisse de Rolland concernant le temps (dans lequel il est noyé, noyé dans un océan temporel) revient une fois qu’il juge avoir terminé son activité graphique. Il demande alors quand est-ce que l’atelier va se terminer.

Notes
19.

Voir par exemple D. Mellier. 1997