6-1-8- Psychisme et matière, objectalité et objectivité

B. Chouvier (1998) a récemment beaucoup insisté sur les notions d’objectalité et d’objectivité pour souligner à la fois la rencontre précoce du psychisme naissant avec la matière environnante (dont les objets font partie jusqu’à un certain point) et les rencontres à venir. Sur ce premier point, il la pose comme fondatrice  : « La matière conditionne et détermine les formes psychiques, représentatives, imaginaires et fantasmatiques, de même qu’elle constitue l’altérité pure qui est à la base de toute démarche créatrice. Mais en un sens, cette même matière n’est-elle pas déjà, par ses qualités propres et sa structure, le produit d’instances signifiantes qui préexistent et qui échappent au sujet qui la met en œuvre ? » (p 7). Sur ce second aspect, il écrit «  qu’elle soit interne ou externe, toute matière a des effets sur l’activité du moi, effets qui sont à appréhender et à saisir dans leur spécificité. » (p 8). Dans l’œuvre créatrice, le choix d’un matériau rappelle et fait donc retour non seulement sur ces premières liaisons du pré-moi à l’environnement (vivant- non vivant) mais aussi sur une activité de symbolisation (les effets sur le moi vont donc pouvoir avoir lieu).

Fort de notre première partie,l’hypothèse que nous posons à partir de là est que le psychisme, de par cette origine indifférenciée, peut lui aussi se concevoir comme physique avant que d’advenir. Ainsi pourrons-nous ensuite parler d’une réelle densité existant dans le lien du sujet au support utilisé dans les processus graphiques. Ainsi sera-t-il également possible de trouver une validité théorique au concept de porte-cadre et porte-inertie . Les matériaux graphiques en présence pourront alors revêtir l’appellation d’objets extérieurs attracteurs (selon la théorie qu’en propose D. Houzel). Je rappelle ici à partir de l’ouvrage de G. Gimenez (2000) sur le travail de l’hallucination que dans la psychose les hallucinations produites sont elles-mêmes des « choses en soi » et non des représentations. Celles-ci se comportent comme des objets bizarres (W. R. Bion) rejetées de la personnalité et susceptibles de se lier à des objets externes et faire retour ou mener une existence autonome.

Je propose à présent de faire un nouveau retour concis sur les éléments de la littérature psychanalytique allant dans ce sens. Nous commencerons par évoquer les différentes manières physiques d’aborder le psychisme puis nous porterons notre regard sur la marque que peuvent poser des liens précoces entre matière et psychisme.