Il est temps à présent de proposer un tableau organisateur de ces traces sous le sceau des différents concepts théoriques présentés. Il s’agit de revenir sur les grandes conceptions déjà présentées à partir des psychanalystes ayant proposé des concepts sur les processus psychiques à l’œuvre dans les actes graphiques en y apportant notre vision personnelle.
| Type de graphisme (suivant l’analyse de G. Haag) | En terme freudien | Aspects phénoménologiques + processus psychiques prédominants Rapport à mes hypothèses. Rapport à la feuille, rapport au cadre. | Par rapport aux signifiants formels | Par rapport à la théorie de S. Tisseron |
| Balayages rythmiques simples | Pré représentations-choses | Allées-retours centre- périphérie. Identité adhésive, collage sur un plan bidimensensionnel. Fond d’ambiguïté. Collage, « fantasme » 53 de peau commune. Premières relations : centre- périphérie corporelle | « Une surface plane s’allonge et se rétracte » | Schèmes d’enveloppes. Début des traces-contacts |
| Pointillage | Pré Rep-Ch | Expérience de pénétration. Première notion de contour et limite. Rencontre avec le réel, solidité, première rencontre avec le principe de réalité. La périphérie, l’éloignement de l’axe sont questionnés : la solidité rencontrée est une réponse. Le cadre et les éléments du dispositif sont des premiers contenants physiques / psychiques. | Besoin de vivre par extension / projection sur la surface de papier un état de base de la matière : « Un corps solide résiste aux pressions. » N’étant pas traversé, il a une limite. | Schèmes d’enveloppes. Traces-contacts |
| spirales | Pré Rep-Ch | Ouverture, séparation, expérience relationnelle, ouverture sur la tridimensionnalité. Empreinte centrifuge (plus relationnel, symboligène) ou centripète, (à caractère plus défensif et sensoriel.) Notion d’inclusion réciproque. | Une surface plate s’incurve et tourbillonne. Cinquième catégorie : mon être du dedans est cherché au dehors/ Un être du dehors est conservé au dedans | Premières tentatives (non atteintes) des schèmes de transformation. Moyens : Traces-mouvements. |
| Formes radiaires | Construction des Rep-Ch | Expérience d’accolement, création d’images jusqu’ici morcelées vers le processus de séparation-individuation. Représentations-choses se construisent par accolement, liaison. Figures géométriques : caractéristiques du visage maternel engrammé et projetés (début de symbolisation primaire ). Peuvent avoir une vocation défensive secondarisée | Un objet interne se construit par accolement de morceaux. Un objet extérieur commence à se construire. | Idem + création de traces secondaires Apparition des représentants architecturaux et spatiaux. |
| Clivage horizontal - -démarcation ligne de terre / ligne de ciel | Liaison des Rep-Ch entre elles | Possibilité de séparer les parents et de se situer dans ce rapport. Continuité des liens entre figures géométriques vers l’avènement des formes codifiées partageables. | Atteinte de la capacité à construire des scénarii. Sujet et verbe commencent à trouver un complément. | Traces secondaires guidées par l’appareil visuel, ouverture vers la fantasmatisation. |
Ce tableau nécessite un avertissement : les repères qui y sont placés ne valent qu’en tant que lignes de mire. Coupés d’une dynamique relationnelle, ils ne représentent qu’une construction chargée d’établir un premier balisage. En dehors de la perspective développementale qu’ils soutiennent, lorsque ces processus sont réactualisés, leur oscillation entre des fonctions symboligènes et défensives sont à l’œuvre tout autant qu’entre les perspectives corporelles, intra et intersubjective.
En cela une trace est bien un condensé de processus plus complexes qui ne peuvent se concevoir qu’en fonction du sujet qui la réalise dans un contexte particulier et avec un bagage psychique singulier. La trace est polysémique . Voyons à présent de quelle symbolisation elles dépendent.
| Type de symbolisation | Description graphique | Concepts psychanalytiques | En terme de liaison inter-subjective | Apport personnel |
| Symbolisation corporelle. | En deçà des premiers gestes graphiques Mouvements de retrait par rapport aux supports graphiques | G. Haag (1985) et les identifications intracorporelles. | L’extérieur est recentré sur soi faute de discrimination moi / autre. |
Terme de symbolisation originaire ou encore symbolisation corporelle. |
| Symbolisation élémentielle | Se servir des matériaux physiques proposés en équation symbolique pour construire sa matière interne et pouvoir construire des rep-ch Peinture privilégiée. | Symbole : élément matériel, tangible et palpable (M. Milner). Premiers processus de mise en forme de la matière autant que, en équation symbolique, de la matière psychique. Echelle de symbolisation de D. Anzieu (1989) : qualités tactiles et sensorielles. | Syncrétisme, position glischro-caryque, discrimination des noyaux agglutinés (J. Bleger). R. Kaës : Utilisation d’un lieu de dépôt matériel dedans/ dehors ou encore excorporation pour A. Green. |
Du plus au moins halluciné : Excorporation et déflexion pulsionnelle feu. Retrait évitement élément aérien, Identification adhésive. Identification projective : matière interne liquide cherche un contenant. Jeu de densification, se regrouper éléments terriens, utilisation des matériaux pour trouver un contenant à l’hallucinose. Symbolisation originaire : position glischro caryque, déflexion pulsionnelle, registre de l’équation symbolique. Phase d’ambiguïté. |
| Type de symbolisation | Description graphique | Concepts psychanalytiques | En terme de liaison inter-subjective | Apport personnel |
| Symbolisation gestuelle / graphique. | Rythmicité, mise en contact avec cette forme de jeu des allers-retour. | S. Tisseron(1995) parle de symbolisation dans ces traces. | Discrimination progressive de l’objet. | Le corps comme vecteur vers l’autre. syncrétiques avec le cadre + mise en geste de la fonction d’interliaison, Symbolisation originaire |
| Symbolisation Primaire | Premières constructions graphiques. Feutres privilégiés grâce aux objets internes qui transforment les matières natives. | Stade évolué dans la construction de soi au travers des traces graphiques. Logique des formes dans les cinq échelons de l’échelle proposée par D. Anzieu (1989). | Construction de l’espace interne. Début d’une transitionnalité interne, début de décorporation (plus psychisée, moins une évacuation du psychisme qu’une construction interne). | Le cadre commence à devenir un non processus et occupe une place de moins en moins prépondérante. Processus de décorporation Construction de l’hallucinose en rep-ch. Enveloppement corporel, notion de groupes internes. |
Toutes ces formes de symbolisations originaires et primaires, n’admettent pas de façon équivalente les mêmes formes de transitionnalisation interne pour autant que la constitution de l’interne n’est pas aboutie, amalgamé qu’il est dans la corporéité et l’environnemental (entraînant les mécanismes d’identification adhésive ou projective).
Le mot fantasme est impropre.