Préambule

Au terme de ce parcours, nous sommes passés par une partie plus spécifiquement consacrée à reconsidérer la phase du narcissisme primaire à l’aide d’un éclairage personnel afin d’ordonner divers concepts, complémentaires ou non, par le biais de certaines critiques. A une étape plus spécifiquement théorique en a succédé une plus orientée sur le développement des traces en lien avec l’édifice théorique précédent. Cette deuxième étape, plus théorico-clinique, a surtout tendu à montrer comment les théories plus génétiques d’un développement des traces ne valent que dans les particularités psychiques du sujet qui les produit. Ces particularités, on l’a vu, comprennent dans ma clinique des fonctionnements psychiques à la fois archaïques et tramés par des expériences précoces douloureuses. Celles-ci, en tant qu’agonies primitives, teintent les processus psychiques de différentes façons en fonction de l’objet ou des objets en présence (cf notre équation de fin de première partie).

Ces expériences douloureuses sont à l’origine non seulement de la constitution d’attracteurs que l’on pourrait nommer points de fixation mais qui revêtent la particularité de faire retour en fonction des situations environnementales. Faire retour : cela sous-tend que les éléments (en terme de contenus et contenants) qui font retour se mélangent avec des contenus plus récents compris dans des processus ultérieurs ainsi que dans le groupe accueillant ce retour, la partie suivante explicitera cette notion. Quoi qu’il en soit, les fondements de ces traces sont triples et souvent ambigus lorsque le créateur de traces parvient à lâcher-prise et à faire émerger ces moments originaires. L’ambiguïté se profile au final dans toutes les étapes successives pour jouer sur les registres intersubjectifs, corporels et intrapsychiques.

J’ai néanmoins tenté d’étayer ces hypothèses dans ma clinique en appui sur une population de psychotiques déficitaires et d’autistes. En l’occurrence, il me semble à présent nécessaire de nous décentrer de ces processus déficitaires et pathologiques pour orienter notre focale sur des œuvres de peintres. Cela nous permettra une remise en question des principales propositions faites jusqu’ici.

J’ai choisi pour traiter cette question de la croiser avec celle des rêves. Nous avons traité de la symbolisation. Or celle-ci, si nous suivons ce qu’en écrit R. Roussillon, s’articule à la lisière du travail du rêve et de la création tout en contribuant également à la formation des représentations-choses. Si le rêve est vraiment la phase ultime du processus de symbolisation primaire, alors ses défaillances peuvent aussi apparaître dans ses ruptures. De par la contiguïté qu’il existe avec la création plastique, où la mise en image, on l’a vu, ne survient que vers la fin du processus développemental, nous pensons pouvoir souligner quelques liens entre les deux. Bien sûr le temps du rêve n’est pas le même que le temps du jeu et celui de l’objet mais des similitudes existent et c’est en premier lieu au travers d’elles que nous comptons organiser cette réflexion.

Ce chapitre, dans sa visée théorico-clinique, permettra donc d’envisager toutes les associations possibles à faire entre travail de rêve et création picturale afin d’en cerner un travail spécifique autour des modalités d’apparition d’images. Il reposera les questions théoriques et théorico-cliniques précédentes par le biais cette fois-ci d’une tension dialectique engendrée par des illustrations cliniques spécifiques.