7-2- Les points de convergences entre rêves et création picturale

7-2-1 Modes de traitement des représentations et fonctions : des modes communs de retournement passif/ actif

Dans les rêves comme dans la création, les contenus psychiques sont transformés selon les deux modalités inconscientes fondamentales décrites par S. Freud (1900), à savoir au travers de la condensation et du déplacement, ce à quoi R. Kaës a ajouté la diffraction. Outre ces processus de transformation il est important de prendre en compte la part notable liée aux figurations par symboles (S. Freud, 1900) en tant qu’interfaces entre les deux premiers processus présentés. Freud (1915) dit du travail du rêve qu’il sert à transformer et agencer les mots et choses dans les « figurations plastiques » les plus commodes. Aussi, l’espace onirique peut-il convoquer au même titre que l’œuvre picturale la question esthétique, autrement dit, sur un plan étymologique, la question des sens. Ceux-ci peuvent alors prendre des formes horribles ou magnifiées. L’œuvre d’art, nous dit B. Chouvier 2 , permet ainsi que des « débordements angoissants du pulsionnel » puissent être « traités sous la forme de l’esthétisation. Ainsi l’impression de peur liée à l’Unheimlich se métamorphose-t-elle en grandiose ou en sublime » (p154).

Dans l’œuvre de Saint-Geniès, le thème répétitif des chevaux, fougueux et combattants, certes influencé par le peintre Géricault (identification secondaire), renvoie le spectateur à une impression de sauvagerie et de force brutale. Toutefois, il ne fait peu de doute que cet animal, que le peintre aime à représenter, permet une évocation toujours esthétique des motions pulsionnelles les plus archaïques. Dans l’hommage rendu à son modèle intitulé A Géricault, l’indistinction entre le cheval et les deux personnages qu’il porte sur le dos, homme et femme, indique cette indétermination première du jeune enfant pour former des représentations « discriminées » 3 . L’alliage entre animal et humanité, pulsion et domptage de ces pulsions (quelques tableaux portent directement sur ces tentatives de domptage du cheval par des femmes), est représenté ici d’une façon suffisamment symbolique pour être contenue dans une figuration graphique.

Aussi, l’œuvre d’art favorise parfois, dans une reprise d’éléments anciens vécus autrefois de façon passive, un retournement d’une situation dans laquelle la victime cherche à en devenir maître. Ici ce sont les forces pulsionnelles qui trouvent une limitation et contention en l’autre ou en soi, au sein de l’appareil psychique, ce peut être le moi comme instance régulatrice du ça par exemple. Cette limitation / contention est favorisée par le travail particulier porté sur les motifs peints.

Notes
2.

B. Chouvier. « Le paradoxe intimiste et la création »

3.

J . Bleger, on l’a vu, parle d’une évolution en terme génétique qui se réalise par discrimination progressive des représentations.