Le signifiant formel dans les rêves

En complément d’un matériel à rechercher dans les jours précédents, il me semble que le rêve initial peut être analysé à l’aide d’outils renvoyant à des processus plus archaïques que les processus oedipiens dévoilés par S. Freud. Dans le rêve du chaudron, le patient de Freud perd non seulement un appui fondamental à sa verticalisation mais il le perd surtout par liquéfaction. Son corps est devenu cette matière solide rendue chimiquement liquide. L’angoisse de liquéfaction, inhérente à sa future rencontre redoutée avec une femme, renvoie ici à un signifiant formel de type un « matériau dur se met à fondre ».

Pourtant, dans cette situation délicate, le rêve semble trouver, certes au début au travers du processus physiologique du réveil, des voies de dégagement. Il va tout d’abord permettre au rêveur de se départir de sa sensation douloureuse en posant comme une sorte d’indice précieux (phényl), comme si en se répétant cet élément symbolique, le rêveur pouvait se départir du poids de l’archaïque lié à la première partie. Comme le note S. Freud, il y a là une adresse transférentielle qui est à l’origine d’une sortie du Réel, pour rentrer dans une voie plus symbolique. R. Kaës, dans son dernier ouvrage (2003), présente le rêve comme une adresse envoyée à un destinataire. Cela décloisonne la question d’une enveloppe du rêve et renvoie à ce que A. Green a mis en parallèle avec une bande de Moebius dans laquelle tout ce qui est à l’intérieur est renvoyé sur un autre et vis et versa. Tout comme on ne rêve pas que pour soi, on ne peint pas que pour soi mais du moins, pour son public interne. Par rapport à A. Missenard qui voit dans le rêve une enveloppe, R. Kaës rajoute la dimension de l’extérieur, raconté son rêve à un tiers fait quelque part parti du rêve. Le rêve n’est pas limité par son action, durant le temps de sommeil. Pour le rêve du chimiste, il lui faut se rappeler (dans son rêve) qu’il rêve pour quelqu’un, il lui faut se rappeler l’adresse envers qui est destiné son songe. Cela décolle le sujet rêveur du magma, introduit un écart entre lui et l’objet en transformant ce dernier en destinataire.

Le signifiant formel, nous indique D. Anzieu, se joue dans la relation de contiguïté des corps en tant qu’il prend forme dans une exigence fantasmatique originaire de type un « corps pour deux », une « psyché pour deux ». Dans le travail du rêve comme dans la création, c’est bien d’un décollement d’avec l’objet primaire dont il va s’agir. L’adresse transférentielle transforme ici ce signifiant formel en fantasme : au sujet et verbe va se rajouter un complément d’objet direct, la phrase va se constituer avec les écarts qui fondamentalement la composent (signifiants de démarcation de G. Rosolato).

Le rêveur du chaudron va ensuite recomposer une scène oedipienne / préoedipienne dans laquelle le sujet va retourner dans le giron familial (moi idéal) plutôt que de chercher à atteindre une féminité (altérité) trop dérangeante. La fonction de transformation propre à l’enveloppe du rêve a ainsi rempli son office même si les éléments qui la composent renvoient à des traumas archaïques.