7-2-5-2- Rapprochement entre double narcissique, surréalisme et expressionnisme

Poursuivons à présent l’évolution des figures du double. Pour O. Moyano, la sortie de l’espace du double unaire intervient dans le cadre de l’angoisse du huitième mois et renvoie à un espace intersubjectif tridimensionnel avec apparition de l’étranger, et à un espace psychique interne marqué par le dédoublement narcissique. Vers 6 mois un conflit s’amorce. Le visage de la mère commence à se discriminer sur fond de visages étrangers, non-familiers. La figure de l’étranger, en tant qu’elle n’appartient pas au bagage mnémonique du bébé, est différente de celle de la mère. L’image de l’enfant, constituée dans la période du double unaire sur le modèle maternel, se fait relayer par cet autre qui apparaît alors dans son inquiétante étrangeté. L’étranger renvoie une image inquiétante, car non unique, de l’enfant. La relation initiale aconflictuelle s’étiole. Un dehors se met à exister en référence à un dedans en cours de constitution. L’espace topologique se crée, l’autre est « en dehors, à côté » (p 221).

L’angoisse inhérente à cet organisateur est celle de dépersonnalisation (O. Moyano cite Sami Ali sur ce point). Si le sujet ne se reconnaît plus dans l’autre, le risque d’être devenu un autre, différent, est au premier plan. Ce double narcissique, selon l’expression de Sami Ali, est créé par le fait que l’enfant n’est plus identique à lui-même et commence à se construire dans un intervalle autre / soi. Il renvoie selon O. Moyano à l’inquiétante étrangeté. Il s’agit, sans connaître son vrai visage faute d’expérience du miroir, de se sentir ne plus être totalement l’autre sans savoir qui l’on est vraiment. Le sujet éprouve alors un ressenti (et non une angoisse) d’être devenu étranger à lui-même (c’est-à-dire la mère dans la relation de double unaire).

Pour G. Lavallée (1999), l’expérience de l’inquiétante étrangeté est inhérente à un retour de l’hallucinatoire négatif. L’écran psychique qui en est constitutif vient alors envahir l’hallucinatoire positif (les images transformées et perçues) ; autrement dit le fond envahit la forme pour la détruire. La négation d’une partie du champ visuel, utile pour mettre en sens les stimuli reçus, ne s’opère plus. La conséquence est connue : le familier habituellement présent / absent devient étranger et inquiétant par sa soudaine et unique présence (envahissement). Le fond garde son statut d’enveloppe hallucinatoire négative.

Par rapport aux thèses d’O. Moyano, le sujet ne se reconnaît plus dans l’autre parce qu’il devient capable de placer cet autre dans son champ perceptif, c’est-à-dire que cet autre de la mère, habituellement non dérangeant puisque halluciné négativement, va venir envahir le champ de la conscience sans préparation suffisante. Le trajet pulsionnel, qui permet de voir et passe du scanning inconscient aux transformations symboligènes via un écran hallucinatoire issu de l’introjection d’une mère suffisamment bonne, n’est pas encore complètement constitué. Le double narcissique est une partie de soi, puisqu’une partie du percept non encore symbolisé, confuse (et non ambiguë) se situe dans une limite floue dedans-dehors.