7-2-5-3- Le stade du double spéculaire et sa représentation métaphorique dans l’œuvre de Saint-Geniès

Continuons à présent à nous concentrer sur l’évolution du stade du double.

L’expérience du miroir vient donner une image puis un soi à l’instabilité identitaire précédente. La phase du double narcissique se voit alors dépassée au profit d’une unification, d’un double spéculaire . Le stade du miroir crée des limites qui permettent la différenciation dedans-dehors. L’accession à la troisième dimension peut avoir lieu dans l’espace intersubjectif, sur le plan de l’espace psychique interne, l’espace est spéculaire et admet une complémentarité imaginaire ainsi qu’une relation de symétrie. La phase ultérieure, postérieure au stade du miroir, généralise la catégorie du tiers et conclut, sur le plan de l’espace psychique interne, avec la relation de complémentarité.

Ici, le double peut apparaître à l’extérieur parce qu’il a été initialement introjecté. Autrement dit le miroir a permis une unification de l’image visuelle et du ressenti proprioceptif d’un corps unique, par incorporation de cette enveloppe maternelle. Un espace psychique interne peut alors se construire. (Voir à ce sujet le travail de D. Meltzer). En terme d’enveloppe visuelle, le fonctionnement en double retournement évoqué plus haut s’avère alors optimal.

Saint-Geniès, et c’est là un des aspects de son œuvre qui me semble, non pas la plus maîtrisée, mais la plus symbolisée, métaphorisée, a peint plusieurs tableaux sur ce thème, plus classique, du double spéculaire. Parce que ce thème est souvent exploité, la banalité de son propos est flagrante. Reste ces éléments de symbolisation élémentielle précédemment évoqués d’un moi intra-utérin (le double aquatique de Prisoner of love) ou d’un moi pulsionnel (double enflammé de Tout feu, tout flamme ). Dans Reflet, le thème de narcisse risquant la noyade de contempler son image, ne représente alors pas une jubilation devant une unicité gagnée mais plutôt un retour aux origines fœtales qui risque de mener à la mort, par l’engloutissement dans l’enveloppe maternel. Là où des visages de femmes (identiques) se font face, là où le thème de la gémellité pourrait simplement resurgir, certains tableaux, tel que Gerba volant, offrent deux visages, l’un de chair, l’autre de pierre fissurée, se faisant face. Nous avons aussi affaire ici à un lieu où la normalité, la sérénité, croise l’inquiétant ; où le réalisme croise le surréalisme ; où, en somme, le double spéculaire permet à un moi dépersonnalisé de se retrouver dans une unité.

En définitive, même si cela nous ramène encore à des phases antérieures, une relation de symétrie a pu se construire qui permet au peintre Francis de Saint-Geniès, dans la diachronie de ses séries, de balayer à rebours tout un champ de son économie psychique.

Nous retrouverions ici en peinture les styles antérieurs à cette première fracture qu’a représenté le courant impressionniste.