8-6-2-2- Travail thérapeutique avec des autistes

Quant au travail avec les autistes il s’agira, si magma il y a, de tenter une dédensification , une ouverture. Là où pour les uns il faudra plus aller vers la condensation des processus, il conviendra pour les autres de tenter la diffraction.

Une attention soutenue est nécessaire. Il est possible de parler d’accordage affectif, a l’instar des psychanalystes de nourrissons, pour appréhender cette notion et le travail à faire avec ces sujets. Cet accordage comprend les notions de contenants rythmiques. La notion d’homosexualité primaire en double, (R. Roussillon, 2004) reprend cette notion d’attention et quasiment de recouvrement. Elle renvoie au « [...] plaisir de trouver en l’autre un miroir de soi », ce qui fait songer à la définition apportée à propos du double unaire. Mais le travail d’attention est difficile. Comme le souligne D. Mellier (2004), « la notion d’attention n’est plus seulement considérée comme une faculté consciente, sélective, tendue vers un but. » (p 127).

Comme nous l’avons vu dans les exemples cliniques présentés dans le chapitre 8-2-1, il est fréquent de constater avec Laurent des passages du double unaire au double narcissique, rupture due le plus souvent à notre manque d’attention dans les mots que nous formulons à l’un des sujets du groupe (lui ou un autre). Au fond ce concept d’homosexualité primaire en double permet de resituer de façon dynamique, dans la thérapeutique , ce qu’O. Moyano soulignait à juste titre dans une perspective génétique. Cette notion d’accordage est essentielle pour un travail avec Laurent. L’ajustement est sans cesse problématique, le groupe trop large est limite. Tout comme le bébé, « expert dans le repérage des manquements à l’harmonie affective, » (p 89), l’autiste perçoit tout manquement, toute « saillance » au cadre. Le cas échéant, le surmoi archaïque réapparaît.

Avec Laurent, il faut donc toujours rester dans un lien sensoriel poussé, quasiment être comme un double unaire, éviter de courir le risque d’être coupé. Comme je l’ai souligné pour la séance A2, le lien syncrétique aux éléments vivants et non vivants ne peut faire oublier le besoin de présence psychique. Par rapport à la problématique du double unaire et double narcissique, il semble que le risque d’une rupture soit constant, le mauvais accordage est directement relié à l’ensemble de ce qui se joue dans la pièce. Cette séance montre bien que l’excès de peinture présente un caractère non lisse qui peut le faire basculer du côté de l’auto-reproche en ravivant son surmoi archaïque. La mère archaïque recouvre et cache l’altérité, elle ne permet pas d’entrer dans cette bisexualité psychique. Tout le travail réside donc dans une très grande proximité.

Il convient également de pousser Laurent à dire des mots sur sa peinture afin de tenter de lui apporter une prime de processus primaires et secondaires par rapport aux facteurs purement sensoriels, plus originaires. Comme nous le verrons plus loin nombreuses données dépendent ici d’un ensemble de circonstances syncrétiques difficiles à dénouer. Néanmoins, lorsque Laurent parvient à décondenser pour peindre son père et sa mère, je tente de le faire parler autour de cela, en essayant d’éviter de lui faire des propositions de réponses qui ne seraient alors que des façons de se soumettre à mon propre désir.

En ce qui concerne Sylvain nous avons vu que la fonction d’attention devait être également très soutenue. Nos interventions visent à le repositionner dans sa peinture, dans une forme de symbolisation qui passe bien sûr par les couleurs.