Comportements saillants au sein de l’atelier et dimension fractale, intersubjective

De façon générale, nous constatons que l’évolution de Grégoire vers l’altérité passe par une diminution de certaines angoisses. Alors qu’auparavant il n’entrait jamais en groupe sans un objet en main, feuille dessinée ou tout objet qu’il ramenait de sa chambre et laissait dans une étagère le temps de la séance, ceci est beaucoup moins fréquent aujourd’hui. Il semble qu’il soit plus disposé à vivre l’altérité sans complétude narcissique. Toutefois, il demande toujours la plus grande blouse, ou se dit le plus grand, reprenant ainsi, dans une relation de fractalisation, une part du discours maternel se jouant dans la sphère de l’idéal du moi. Cette dimension fractale se joue néanmoins selon les structures pathologiques en présence : être la plus en vue devient pour lui être le plus grand. Nous en avons parlé en fin de partie 1.

Au cours de la phase de production, Grégoire s’adresse essentiellement aux garants du cadre, leur demandant d’observer ses productions ou de les compléter. Nous avons remarqué que ses évocations, concernant ses sorties, sa famille, sa mère et son père, étaient toujours à remettre dans le contexte synchronique de la dynamique groupale. Grégoire développe bien sûr une fantasmatique précise et maniaque sur les biens de possession matériels (voitures en particulier) ou diverses professions qu’il attribue à son père, cela représente son principal moteur relationnel.

Ainsi, ses tracés, d’abondants au départ, se sont largement taris à une époque où sa mère, sur mes conseils, lui avait révélé les quelques informations de réalité qu’elle possédait sur son père. Mais cela n’a pas duré et les propos de Grégoire sur son père se sont vite amplifiés en même temps que sa production graphique. Capable d’atteindre la dimension réellement fantasmatique, il met en scène des scénarii à base de voitures, maisons, personnages divers de sa famille ou autres. Toutefois cela nécessite d’utiliser des déclencheurs basés sur la dynamique groupale.

Par exemple, avant le tracé de chaque forme, il part de l’évocation d’un objet ou d’une onomatopée. Ainsi fait-il « vroouum » avec la bouche avant de dessiner une voiture ou une moto. Nous pouvons appeler ces déclencheurs des représentants- représentations de la pulsion, ou de l’interpulsionnalité (O. Avron). Ils sont en quelques sortes des embrayeurs d’une dynamique pulsionnelle souvent quelque peu tarie. Grégoire ne fait alors que parler, recouvrant toutes les autres voix et ne produisant que très peu.

Alors, Grégoire devient la voix du groupe, il le couvre de ses paroles. Avec moi, Grégoire a déjà été dans une sorte d’identification adhésive au travers de laquelle il tentait d’imiter mon statut de co-coordinateur de l’atelier (il lui arrivait de se lever quand je me levais par exemple). Mais ce genre de fonctionnement en toute puissance s’est arrêté depuis quelques temps. J’ai souvent eu besoin de le recadrer par le passé mais lorsqu’il commence son monologue, il m’est difficile de me faire entendre. Nous avons longtemps trouvé, avec ma co-thérapeute Agnès, cela pénible, envahissant.