Sur les facteurs intersubjectifs.

Le port de la blouse fait venir Sylvain dans le groupe. Une fois explorées les limites du cadre, il revient en son centre, affublé d’attributs communs. La blouse est là certainement moins un objet médiateur qu’une forme d’équation symbolique du groupe.

Dans le groupe, Sylvain met en avant (en scène ?) de nombreuses manifestations corporelles : il baille, se berce, pose les coudes sur la table, ses mains soutiennent sa tête et il se balance légèrement.

A partir de décembre 2000, il prend progressivement sa place dans le groupe et accepte de moins en moins qu’on la lui prenne. Lorsque nous évoquions le mot dessin, il touchait à cette époque le bord de la table. Le dessin renvoyait-il à quelque chose d’encore trop symbolique qu’il avait tendance à fuir en revenant une fois de plus au matériel, au tangible ? Peut-être le graphisme n’était-il pas encore appréhendé dans ce groupe dans la dimension symbolique que nous lui conférons (car il avait déjà pu peindre par le passé) ? Cette attitude tendait en tous cas à pallier une défaillance d’introjection du contenant, le groupe étant lui-même intrusif, perforant l’enveloppe. Le rebord de la table représente alors un pôle dur sur lequel s’appuyer. Son attitude qui consiste à poser les coudes sur la table, la tête posée sur ses mains, prend également ce rebord comme étayage partiel. Nous sommes là dans une dimension très tactile.

Le lien avec lui passe par là, par ce syncrétisme là. Cela renvoie à une époque dans laquelle matière psychique et matière objective n’étaient pas encore différenciées. Cela fonctionne sur le registre bidimensionnel. Mais dans cette configuration, la présence de l’autre n’est pas totalement abolie, elle n’est tout simplement pas encore correctement discriminée de l’ensemble des supports matériels qui font partie de la pièce. Salem était également un de ceux qui utilisait les éléments de la pièce, quoi que sur un mode plus symbolisé. Comme je l’ai déjà souligné, Salem utilisait en effet les éléments géométriques de l’atelier mis à la disposition du groupe (légos, règles, etc.) pour créer une contenance de base qu’il remplissait ensuite à sa façon (de façon idiosyncrasique). J’ai abordé plus spécifiquement cela dans la partie deux.

Par la suite l’évolution graphique de Sylvain au sein de l’atelier peinture-dessin admet grosso-modo quatre grandes étapes non linéaires qui peuvent se répéter dans la synchronie même d’une séance.

  • La première étape s’exprime en dehors de tout graphisme. Si nous postulons que la trace révèle quelque chose de l’image du corps et des limites qu’on lui attribue, cette première étape est une fuite face au risque d’intrusion de l’autre. Notre demande symbolique, ou symboligène, de création de traces, est elle-même de trop, il ne peut y répondre.
  • La deuxième étape consistait à s’écrire sur la peau. J’ai envisagé cela comme une nécessité pour lui de se créer des limites à l’aide toutefois d’un vecteur proposé par l’atelier, autrement dit adhérant un temps soit peu au cadre, ou encore par un moyen répondant un peu plus au travail de symbolisation requis. Sur le plan synchronique, nous avons par exemple remarqué qu’il avait tendance à s’écrire sur la peau lorsqu’il se sentait angoissé, lorsqu’il subissait un empiètement graphique de la part d’autres membres du groupe par exemple ou lorsqu’il se sentait menacé physiquement.
  • La troisième étape consistait à inscrire sur la table, en dehors de la feuille, près de son buste. Cette première inscription ramène la trace vers lui, près de son centre de gravité. Là encore, le groupe y est en cause : il l’a rejeté, repoussé, Sylvain fuit en se repliant. Les manifestations sont une fois de plus diachroniques, la stabilité de base n’est jamais entièrement fiable et ce comportement peut resurgir dans certaines circonstances.
  • La quatrième étape enfin est celle du dessin proprement dit. Là des attracteurs opèrent. Ils sont la plupart du temps d’ordre humains, ce sont certains membres du groupe avec qui Sylvain se sent bien. Mais ces attracteurs peuvent également être non humain. Sylvain était par exemple fréquemment enclin à une époque, lorsqu’il s’asseyait encore souvent en face de la jointure des murs qui lui faisaient face, à ramener ses traces graphiques vers la jointure des deux feuilles.

Au niveau des traces, il peut réaliser des balayages rythmiques ou bien des spirales. Il utilise tantôt de la peinture, tantôt des feutres.