Séance du 24 avril.

Lors du retour d’Agnès, nous constatons que la position féminine / maternelle a exacerbé les relations père- mère au sein de la séance. Ainsi a-t-on pu observer l’apparition d’un clivage marqué entre un accrochage affectif (ou collage) de Sylvain et Rolland auprès d’Agnès et de Grégoire à mon égard. Grégoire me parlait de son père, tournant complètement le dos au reste du groupe, pendant que Rolland montrait Sylvain en parlant de maman et manifestait auprès d’Agnès une forte adhésivité. Grégoire « m’avait  à lui » mais, pour ma part ne désirant que le remettre dans le groupe, ce sentiment n’était que partiel. Peut-être que mes tentatives de m’en décoller le déconcertaient. En tous cas, il semble que mon appel à prendre en considération deux autres sujets du groupe qui pour leur part bénéficiaient de l’attention d’Agnès a mobilisé chez lui des pulsions violentes ? L’évocation du fusil témoigne de ce constat bien qu’entre temps, de par mon interprétation du clivage constaté dans le groupe, un rassemblement autour des deux figures se soit joué. Celui-ci permettra en effet que Grégoire demande aussi bien à Agnès qu’à moi-même (de façon quasi indifférenciée) de lui dessiner son arme puis son père. Il est important de prendre en compte que le passage pour Grégoire du clivage à la réunification parentale s’est fait par le biais de l’évocation du petit animal domestique (le chat).

Par la suite il parlera du père qui tue le lapin, à l’instar de la séance du 3 avril où il avait évoqué le mouton, ce qui reprend encore une fois la notion d’animal docile à poils « doux ». Si Agnès est si souvent embarrassée par Grégoire, est-ce parce qu’il monopolise trop souvent la parole dans le groupe ou bien à cause d’une identification douloureuse avec cette mère soit tuée, soit castrée, soit dévorée (rappelons-nous cette séance dans laquelle j’étais absent et où Grégoire avait évoqué de sauvages prédateurs à la recherche de gibier) ? Aujourd’hui le père tue les lapins au fusil, il tue ces lapins qui ne veulent pas adhérer avec lui, Grégoire, et qui sont si proches de Sylvain, Francis et Rolland. Mais le père qui est-ce ? Cela peut-être moi (ma présence sature l’espace de figuration paternelle) mais cela peut être également (après que mon interprétation eut permis de dé-cliver la situation) Agnès. Autrement dit le double graphique, le double formel, devient une extension de Grégoire prise à la fois chez l’agresseur (moi-même pour autant que je représente le père) que chez la victime (Agnès). Alors qu’il y avait clivage entre mère et père, l’interprétation n’aurait pas réellement permis de redonner à chacun ce qui lui appartient en propre mais aurait plutôt fait basculer rôle, fonction et identité de chaque « acteur » dans un espace indifférencié.

Au sujet de Rolland, au travers de la première phase de la séance, en montrant son dessin de la séance précédente, il a non seulement manifesté beaucoup d’intérêt envers la représentation maternelle mais il s’est aussi effondré (visage crispé, limite larmes aux yeux) en présentant son ancien dessin. Retrouver sa trace revenait-il à retrouver l’absence de mère ? Agnès lui fait-il songer à sa propre mère qui se manifeste toujours par lui dans son absence ? Quoi qu’il en soit, on s’aperçoit ici de la vivacité de la trace qui revêt le pouvoir de le faire retourner dans le passé. Le transfert topique, se manifestant par le biais de l’appareil visuel, joue à plein dans cette configuration.

Dans la seconde phase, il a réellement refait vivre, quasiment de façon frénétique, cette mère absente et ce retour de la souffrance, dans ses traces. Par ailleurs, au-delà de cette inflation motrice, nous constatons qu’aujourd’hui il n’a choisi qu’une seule couleur (rouge) pour dessiner. Dans l’hypothèse d’une exacerbation des sentiments maternels par retour de la personne absente, le rouge est d’abord une couleur chaude et passionnelle. De plus, le monolithisme souligne dans un second temps l’aspect symbiotique. Symbiose et passion font souvent bon ménage, on peut se demander en outre si les inclusions (quatre petits ronds dans un grand) ne procèdent pas également, de par la dimension d’inclusion réciproque (Sami Ali), de la même problématique. Pour corroborer cette hypothèse, à la dernière séance, en ma seule présence, Rolland avait dessiné quelque chose qui s’apparenterait plus à une structure emboîtée qu’à une structure contenante.