L’automobile n’est pas le premier moyen de transport individuel, en effet les « premiers moyens de transport furent individuels : le cheval (dès l’Antiquité), puis le lourd carrosse et, à partir du XVIe siècle, des voitures plus légères qui portèrent des noms très divers (crenan, cabriolet, brouette, berline, diligence...). Les véhicules de louage – chaise à porteurs, puis fiacre – (XVIIe siècle) apparurent à leur suite. » 7 Et déjà, la cohabitation des modes de déplacements nécessita des aménagements spécifiques et activa notamment la généralisation des trottoirs, afin de réserver à ces nouveaux moyens de transport un espace distinct et de procurer aux piétons davantage de sécurité.
A la fin du XIXe siècle, deux nouveaux moyens de transport individuels émergent, la bicyclette et l’automobile. La première, « en devenant au cours des années 1880, de plus en plus populaire, (...) préparait un marché pour l’automobile : des milliers de cyclistes prirent le goût d’une machine qu’ils contrôlaient entièrement et qui permettait des déplacements rapides sur les routes. » 8 Par la suite, l’invention de l’automobile se déroula relativement rapidement. Dans une effervescence technologique où on retrouve des noms comme Otto, Lenoir, Delamare-Debouteville, Malandin, Benz, Gottlieb, Daimler, Maybach ou encore Panhard et Levassor, la mise au point des techniques, qui vont permettre à ce rêve de se concrétiser, se succède. En fait, l’invention de l’automobile ne peut être attribuée à personne en particulier. Elle est en quelque sorte collective car elle résulte d’une convergence des technologies de pointe de l’époque. Il est néanmoins admis que « la première [automobile] fut construite par de Dion et Bouton en 1883 » 9 et que « c’est en 1884, en France, qu’a roulé le premier véhicule équipé d’un moteur à explosion. (...) A la fin de 1895, (...) environ trois cent cinquante autos circulent déjà dans le pays contre soixante-quinze en Allemagne. » 10
Cette technique de transport a cependant du mal à se diffuser. On la trouve « laide, bruyante, polluante, trop rapide (30 km/h vers 1900) » 11 , à tel point que « la réglementation de la vitesse en ville s’est imposée dès la naissance de l’automobile ». 12 Elle n’en apparaît pas moins aux yeux de certains « comme un moyen de remédier aux encombrements et aux nuisances urbaines. (…) L’historien Nicolas Spinga a bien montré le caractère urbain du parc automobile dans la France des années 1900. » 13 En vérité, « les premières automobiles se présentent en un sens comme des "articles de Paris" ». 14 On est alors loin de la "voiture du peuple" et ce moyen de transport va longtemps rester en Europe le privilège d’une minorité. D’ailleurs, « cette association de l’automobile et de la fortune (...) retirera tout scrupule aux pouvoirs publics pour taxer les véhicules motorisés en percevant des droits d’immatriculation et en les frappant aussi d’impôts directs. » 15 En Europe, et notamment en France, cette situation et cette attitude perdurent durant l’entre-deux-guerres, où la multiplication des taxes alimente la naissance du mythe de l’automobiliste "vache à lait". Alfred Sauvy estime ainsi que « le complexe de frustration du monde de l’automobile prend naissance dans l’arbitraire des années 20. » 16
P. MERLIN, Les transports urbains, PUF, Que sais-je?, n°1344, 1992, p.6.
M. FRYBOURG, R. PRUD’HOMME, L’avenir d’une centenaire : l’automobile, Lyon, PUL, 1984, p.12.
P. MERLIN, 1992, op.cit., p.7.
M. FRYBOURG, R. PRUD’HOMME, op. cit., p.13.
P. MERLIN, 1992, op.cit., p.7.
M. FRYBOURG, R. PRUD’HOMME, op.cit., p.56.
G. DUPUY, "L’automobile entre villes et campagnes", in Nouveaux espaces et systèmes urbains, Mobilité spatiale, SEDES, 1996, p.374.
M. FRYBOURG, R. PRUD’HOMME, op.cit., p.14. Pierre Merlin rapporte qu’en 1900, on compte 3.000 automobiles en France, dont 2.000 à Paris.
ibid., p.15.
A. SAUVY, Les 4 roues de la fortune. Essai sur l’automobile, Paris, Flammarion, 1968, p.20.