Stuttgart ou la « grande ville dans la verdure »

A Stuttgart, les contraintes de site se révèlent encore plus importantes, à tel point que Jean Pelletier et Charles Delfante parle de la capitale Souabe comme d’une « ville allemande dominée par son site » 163 . En effet, c’est dans une dépression en forme d’ellipse, creusée dans un plateau gréseux à deux kilomètres de la profonde vallée du Neckar, que les souverains locaux ont d’abord installé leur rendez-vous de chasse, puis leurs châteaux successifs qui se trouvent aujourd’hui au cœur de la ville. Ce n’est qu’à partir du XIVème siècle qu’une ville-château entourée de vignes s’est ainsi développée au fond de cette cuvette exiguë et bordée de pentes et de plateaux boisés. En 1805, par la grâce de Napoléon 1er, l’accession des ducs de Wurtemberg au rang de monarchie royale fit de Stuttgart la capitale de leur royaume, et dans la seconde moitié du XIXème siècle, sous l’impulsion de ces nouveaux monarques, la ville est entrée dans une longue période d’essor économique basée sur un développement industriel. C’est à ce titre un cas relativement rare de capitale politique devenue une grande métropole industrielle.

Si l’industrie mécanique dans son ensemble a contribué à l’essor et à la réputation de Stuttgart, c’est surtout l’industrie automobile qui, dans une incroyable atmosphère d’effervescence technologique, a marqué la ville de son empreinte grâce au dynamisme d’entrepreneurs et d’inventeurs locaux aussi connus que Daimler, Porsche ou Bosch. Ce décollage économique fut contemporain d’un développement spatial de la capitale du royaume de Wurtemberg : par l’extension de ses faubourgs, elle absorba alors plusieurs petits villages proches et commença notamment à investir la vallée du Neckar. Mais dès cette époque et jusqu’à nos jours, l’expansion urbaine se heurta aux fortes contraintes du site (figure 2). Après le remplissage de la cuvette, la croissance fut donc reportée soit, comme nous venons de l’évoquer, dans la vallée du Neckar devenue un axe industriel important – surtout après l’ouverture d’un port en 1958 –, soit au-delà de la couronne boisée puisqu’un parti pris d’urbanisme, jamais démenti depuis, a permis de sauvegarder la quasi totalité des zones naturelles alentour, que ce soit les plateaux forestiers ou certaines pentes aux vignes et vergers abondants (figure 3) ; d’où le surnom donnée à la ville : die Grosse Stadt im Grün. Ainsi, outre l’éclatement du territoire de la ville-centre en divers noyaux, des communes comme Böblingen, Esslingen, Waiblingen ou encore Ludwigsburg se sont fortement développées, en absorbant une partie de la croissance de Stuttgart et en dessinant une couronne « d’agglomérations satellites disposées en noyaux plus ou moins denses autour de l’"astre" central. » 164

Du point de vue des transports, ces particularités physiques ont circonscrit un centre qu’il fallut bien desservir et qui fut donc fortement marqué par les infrastructures de communication, d’abord par le chemin de fer dont le passage fut suscité par les souverains régnants au XIXème siècle – à tel point qu’il empruntait alors le parc du château –, et ensuite par deux routes à fort potentiel de trafic, puisqu’il s’agit de deux routes nationales qui desservent et traversent l’hypercentre. Par ailleurs, les fortes contraintes du site expliquent en grande partie l’absence d’un boulevard périphérique plus éloigné du centre-ville que le city-ring actuel, ainsi que la présence de différents tunnels permettant une pénétration dans le centre de Stuttgart.

Figure 2- Le développement urbain de Stuttgart confronté à un site particulièrement contraignant
Figure 2- Le développement urbain de Stuttgart confronté à un site particulièrement contraignant

Source : J. PELLETIER, C. DELFANTE, Villes et urbanisme dans le monde

Figure 3- L’utilisation des sols sur le territoire communal de Stuttgart en 2002
Figure 3- L’utilisation des sols sur le territoire communal de Stuttgart en 2002

Source : Landeshauptstadt Stuttgart

Notes
163.

J. PELLETIER, C. DELFANTE, op.cit., p.83.

164.

J. PELLETIER, C. DELFANTE, op.cit., p.84.