1.1.2. Des maillages territoriaux complexes

Pour mieux circonscrire notre champ d’investigation, obligation nous est faite de nous plonger dans le "maquis" des périmètres de compétence et d’études ; "maquis" est d’ailleurs si bien le mot que Jacques Bonnet, dans un article de 1982 qui traite des différentes délimitations territoriales de l’espace lyonnais, observe que « la multiplicité des circonscriptions laisse perplexe » et considère qu’elle « nuit évidemment à la cohérence des informations, interdisant toute comparaison dans le temps ou compliquant considérablement le travail des chercheurs. » 171 Il faut dire que l’évolution urbaine contemporaine n’a pas aidé à clarifier la question. Avec l’avènement du phénomène urbain s’est en effet rapidement posée la question des limites de la ville et désormais, « l’agglomération contemporaine, débordant le plus souvent des cadres administratifs, ne répond plus à des critères aussi simples de contiguïté et de densité. » 172

On peut alors distinguer, selon l’utilisation qui en est faite, plusieurs types de découpages territoriaux : ceux destinés à la collecte d’informations, statistiques notamment ; ceux qui correspondent à des périmètres institutionnels ; ceux dont l’ambition consiste davantage à fixer un cadre d’action opérationnelle à l’aménagement ; ou encore ceux qui s’inscrivent dans une étude, une réflexion, une prospective. Ces différents types peuvent se superposer ou au contraire se multiplier sur un même territoire. Mais la principale difficulté réside sans doute dans l’adéquation entre les limites spatiales des structures décisionnelles et les réalités fonctionnelles de l’espace urbain. En effet, puisque « aménager, c’est contrôler un territoire », Christian Montès relève qu’aujourd’hui, en France comme dans nombre d’autres pays, un des enjeux prépondérants au sein du champ urbain consiste à essayer de « faire coïncider la structure de décision de l’agglomération et celle de son mode de fonctionnement – économique, "circulatoire" et social. » 173 Dans les faits, il nous faut néanmoins souligner « à la fois la multiplicité des découpages et leur permanence. » 174 Car, si les périmètres de compétences cherchent à s’adapter aux nouvelles réalités urbaines, la tendance n’est pas forcément pour autant à la disparition des périmètres existant antérieurement. Il faut sans doute voir là un des signes du lien très puissant qui existe entre pouvoir et espace. C’est évidemment à l’échelle nationale que ce lien s’exprime avec le plus de vigueur et de force mais il demeure présent à toutes les échelles géographiques. En concourant à la persistance des anciens découpages, notamment institutionnels, il explique alors en quoi le maillage du territoire tend naturellement à se révéler multiple et complexe.

Notes
171.

J. BONNET, "L’espace lyonnais : circonscriptions administratives, cadres d’étude et d’action", in Revue de Géographie de Lyon, 1982/2, p.198.

172.

M. RONCAYOLO, op.cit., p.38.

173.

C. MONTES, 1992, op.cit., p.73.

174.

ibid., p.75.