Comme les découpages territoriaux, les périmètres d’enquêtes ménages peuvent être sujets à variation et ne recoupent pas forcément les territoires institutionnels. A Lyon, le périmètre de l’enquête de 1976 recouvre un territoire légèrement plus restreint que celui de la communauté urbaine, tandis que les deux suivants le dépassent pour adopter celui du schéma directeur. A ce détail près, les trois années fournissent des données de comparaison intéressantes.
Après avoir sensiblement baissé entre 1976 et 1985, la mobilité quotidienne des habitants de l’agglomération lyonnaise est à nouveau repartie à la hausse pour s’établir en moyenne à 3,63 déplacements par personne et par jour en 1995. Cette évolution chaotique dissimule d’importantes disparités en matière de pratiques modales. La baisse de 3,45 à 3,26 déplacements par personne et par jour au cours de la première décennie est ainsi essentiellement imputable à la marche, qui diminue alors de près de 30%. En revanche, les transports collectifs et la voiture particulière connaissent des pourcentages de progression similaires, dépassant les 20% sur la période, même si en valeur absolue l’avantage reste nettement en faveur de l’automobile qui accroît même son avance. L’évolution qui se dessine entre ces deux enquêtes marque donc clairement une dichotomie entre modes mécanisés et modes doux, avec une évolution en positif pour les premiers et en négatif pour les seconds. Entre 1985 et 1995, il ne reste qu’une seule gagnante, la voiture, qui seule accroît le nombre de déplacements quotidiens qu’elle assure par habitant.
En termes de part de marché, les gains de l’automobile apparaissent encore plus patents (figure 18). Ils révèlent qu’après être devenu le mode de déplacement dominant des habitants de l’agglomération durant les années 80, la voiture a même accédé au statut de mode majoritaire dans les années 90. L’effondrement de la marche, particulièrement au cours de la première période, est également confirmé, ainsi que les difficultés des transports collectifs à soutenir la comparaison par rapport à l’automobile lors de la seconde période. Ce dernier résultat apparaît alors bien modeste, eu égard à l’importance des investissements consentis notamment pour l’extension du réseau de métro. En effet, si le nombre total de déplacements effectués sur le réseau de transports collectifs urbain a augmenté, cela s’est révélé parallèlement insuffisant pour juguler la progression de l’automobile. Ce constat est amplifié par l’évolution des parts de marché des seuls modes mécanisés (figure 22) : entre 1985 et 1995, les transports collectifs perdent ainsi trois points en passant de 23 à 20%, au profit de la voiture qui s’élève quant à elle de 74 à 78% ; de plus, cette poussée de l’automobile s’affirme quelle que soit la zone, dans le centre de l’agglomération comme en périphérie, et même pour les échanges entre le centre et la périphérie (figure 19). Ce déficit concurrentiel des transports collectifs par rapport à la voiture, y compris sur leurs marchés de prédilection, incite alors les collectivités locales à s’interroger sur l’efficacité de leur politique de déplacements.
Source : enquêtes ménages déplacements
Source : SYTRAL, Premiers résultats de l’enquête déplacements auprès des ménages de l’agglomération lyonnaise en 1995
Il est vrai qu’en matière de répartition spatiale de la mobilité, les déplacements qui ont le plus augmenté durant la dernière décennie sont ceux dont l’origine et la destination se situent en périphérie de l’agglomération, là où la position concurrentielle de la voiture est naturellement la plus forte. Néanmoins, les structurations héritées de l’agglomération lyonnaise font qu’il subsiste encore 60% des déplacements mécanisés qui gardent un lien avec Lyon ou Villeurbanne, qu’il s’agisse de flux internes ou de flux d’échanges (figure 20). C’est là l’expression d’une concentration encore importante des flux sur les destinations centrales et d’une organisation de la mobilité qui constitue pour les transports collectifs autant de segments de marché abordables. Le fait que ces modes collectifs aient perdu des parts de marché sur les liaisons pour lesquelles ils sont normalement destinés à être le plus performant, apparaît alors comme le signe d’une insuffisance voire de contradictions dans les orientations de la politique de déplacements de l’agglomération.
Source : enquêtes ménages déplacements
Source : enquêtes ménages déplacements, Verband Region Stuttgart
Lyon et Villeurbanne, considérés comme le centre de l’agglomération, sont représentés en jaune, tandis que sont distinguées en bleu une périphérie est et ouest. Les pourcentages indiqués correspondent ensuite à la proportion des déplacements globaux effectués selon différents types de flux, qu’il s’agisse de flux internes ou d’échange.