La domination grandissante de la voiture sur les autres modes de déplacements dans une conurbation lilloise au fonctionnement multipolaire

Le périmètre d’enquête ménages retenu dans la métropole du Nord est comparable à celui de Lyon, puisqu’il s’est étendu entre l’enquête de 1976 et de 1987 pour adopter celui du schéma directeur et s’établir finalement à l’échelle de l’arrondissement de Lille.

Les évolutions qui se dessinent entre 1976 et 1998 font apparaître un niveau de mobilité globale des habitants de l’agglomération lilloise en augmentation forte et continue, pour passer de 2,68 à 3,46 puis à 3,99 déplacements par personne et par jour, dépassant ainsi la mobilité moyenne observée dans l’agglomération lyonnaise au milieu des années 90. A tel point que ce qui est d’abord apparu comme un mouvement de rattrapage durant la première décennie, paraît désormais traduire des processus plus complexes dans les pratiques de mobilité.

L’analyse modale nous montre que cette croissance est avant tout le résultat d’une forte progression de la mobilité en voiture particulière, puisque les déplacements non automobiles sont restés invariablement stables depuis 1975 à 1,55 déplacements par personne et par jour. Cette évolution coïncide évidemment avec celle de l’équipement automobile des ménages, qui enregistre des taux de motorisation de la population en hausse continue de 0,25 en 1976, à 0,34 en 1987, puis à 0,41 en 1998. Pourtant, cette concordance n’explique pas tout, dans la mesure où l’agglomération lilloise n’atteint pas encore le niveau de motorisation de son homologue lyonnaise – qui comptait 0,45 voitures par habitant en 1995 – mais connaît déjà une mobilité automobile supérieure. L’explication n’est donc pas suffisante et tend à démontrer que la motorisation ne constitue pas le seul critère d’usage de l’automobile.

Cette analyse est confirmée par l’étude des parts de marché des différentes modes de déplacement (figure 23), qui atteste d’une utilisation de la voiture proportionnellement plus importante à Lille qu’à Lyon et à Stuttgart. En effet, avec 62% en 1998, plus de trois déplacements sur cinq des habitants de l’agglomération lilloise sont désormais effectués en automobile. Par rapport à la capitale rhodanienne ou souabe, la principale différence tient à la part de marché des transports collectifs, qui demeure à Lille deux fois inférieure. Pourtant, depuis les années 70, des politiques de développement et d’investissement ont été menées et ont d’ailleurs contribué à faire sensiblement croître la mobilité quotidienne des habitants en transports en commun. Cependant, elles se sont révélées clairement insuffisantes pour contrecarrer la croissance des déplacements automobiles et pour éviter le tassement de la part de marché des transports collectifs. Cette analyse est confirmée par le graphique d’évolution des déplacements motorisés (figure 21) qui place Lille de plus en plus aux extrêmes de nos trois agglomérations, que ce soit en raison de la faiblesse relative du poids des déplacements en transports en commun ou de la domination grandissante de la mobilité automobile.

Il faut dire que les modes de transports collectifs ne sont pas favorisés par la structuration urbaine de la conurbation lilloise, à l’origine d’une moindre massification des flux. En effet, la polynucléarité originelle de la métropole du Nord participe encore aujourd'hui d’une dispersion des flux, qui accroît l’attractivité de l’automobile en même temps qu’elle réduit les segments de marchés favorables aux transports collectifs. Cette réalité est parfaitement illustrée par la représentation des flux mécanisés dans une agglomération au fonctionnement encore résolument multipolaire (figure 24) : outre le fait que la majorité des déplacements s’effectuent à l’intérieur des zones définies, la carte donne à voir la faible concentration des flux ainsi que le faible volume des relations entre les trois centres de la métropole ; on observe ainsi une relative indépendance des aires d’influence de Lille, Roubaix et Tourcoing, redonnant fonctionnellement corps à une notion de banlieue propre à chaque centre et venant confirmer l’assertion des spécialistes locaux des déplacements, selon laquelle la ville de Lille connaît les problèmes de déplacements d’une agglomération d’environ 500.000 habitants mais pas d’une agglomération millionnaire.

Figure 24- Les déplacements mécanisés des habitants dans l’espace de l’agglomération lilloise
Figure 24- Les déplacements mécanisés des habitants dans l’espace de l’agglomération lilloise Les chiffres reportés sur le fond de carte indiquent le nombre de déplacements mécanisés internes à chaque zone.

Source: Lille Métropole, Enquête ménages déplacements réalisée dans la métropole lilloise en 1998

Notes
216.

Les chiffres reportés sur le fond de carte indiquent le nombre de déplacements mécanisés internes à chaque zone.