2.3. Une approche de l’automobiliste dans la société

« Livrons-nous un instant à une petite comparaison. Si un individu, pour s’amuser, tire au revolver sur un passant en se disant : "je suis à plus de 50 mètres, ce serait presque un miracle si je le touchais", il a de grandes chances d’être poursuivi, même si son raisonnement s’est vérifié et s’il n’a blessé personne. S’il tue le passant, ce sera ce qu’on qualifie généralement de la "malchance" alors qu’il n’y avait pourtant là rien d’imprévisible. Pourtant, ici, l’opinion publique n’admettrait pas que l’on parle "d’accident" et qualifiera cette conduite de meurtre. L’automobiliste qui double dans un virage ou en sommet de côte et provoque mort d’homme parlera de son "accident" et l’opinion publique aura tendance à admettre cette version. Pourtant, il n’y a dans les deux conduites – celle du tireur et celle de l’automobiliste – aucune différence. Ils ont pris tous deux un risque, minime peut-être par sa probabilité, mais très grave dans ses conséquences possibles. (...) Pourtant l’automobiliste n’aura aucun remords si tous se passe sans dégât et il recommencera certainement. Le tireur, lui, n’aura probablement plus envie de recommencer » 297

En axant toujours notre analyse sur les aspects psycho-sociologiques liés à l’automobile, nous chercherons finalement à savoir dans quelle mesure les représentations et les symboles attachés à la voiture particulière permettent aux sujets de se poser réellement la question de la place de cet objet et de son pouvoir dans leurs conduites et leurs modes de vie. Pour ce faire, nous étendrons notre propos à la façon dont les automobilistes s’insèrent plus largement dans la société et à ce en quoi ils en constituent un élément d’existence particulier et influent.

Notes
297.

A. GODART, "Ebauche d’une sociologie de l’automobile", in Revue de l’institut de sociologie, 1970/4, p.631.