Questionnement théorique sur le processus territorial

Nous avons maintes fois souligné que l’espace géographique constitue par nature une force d’inertie fondamentale. Mais si tel est le cas, c’est aussi parce que la succession des processus territoriaux qui le modèle vise à chaque fois à cette inertie, cherchant à pérenniser une structure grâce aux apports de la territorialisation en matière de reproduction. Certes, il n’est pas rare que cette projection territoriale, par la nouvelle orientation qu’elle propose, s’oppose, parfois violemment, à la structure spatiale existante, à sa mémoire et à ses héritages. Elle ne représente pas moins un processus qui est en soi éminemment conservateur. D’où un inévitable questionnement sur la façon dont ce processus territorial évolue.

Car, tout en étant fondamentalement conservateur, il évolue, et pas uniquement lorsque s’affirme une logique territoriale alternative. Des pressions et des forces endogènes s’exercent continuellement sur ses modalités de reproduction. Les divers éléments qui participent à cette lente construction tissent progressivement des relations d’interdépendances qui peuvent s’avérer d’une importance considérable. Cet état de fait nous invite à une approche systémique des dynamiques territoriales, tant il est vrai que ce type de démarche est celle qui donne le mieux à voir la mécanique et la portée de ces interactions. La question est alors : comment concilier cette dimension systémique, et les incontestables avancées théoriques dont elle est porteuse, avec les postulats qui sont les nôtres ?

Il nous semble qu’il est possible de réintroduire des éléments de l’analyse des systèmes 790 dans une méthodologie explicative plus matérialiste, sans doute plus déterministe, mais aussi plus sociale et qui nous paraît davantage susceptible de révéler les forces fondamentales pesant sur l’évolution de notre société et de son organisation spatiale. Cette convergence amène à considérer le système relativement à un état de la structure du champ, à une forme de stabilité dans les positions relatives des agents et dans la distribution du capital spécifique au sein du champ. Dans ce cadre, la compréhension des dynamiques territoriales est éclairée par le principe d’autoreproduction propre à tout système. Mais, si ce principe donne à voir la façon dont le système assure sa survie, il ne permet pas d’expliquer pourquoi. D’où la permanence de notre intérêt premier pour les luttes qui peuvent générer la conservation comme la subversion de la structure du champ. Ainsi, cette posture, tout en préservant une conscience des enjeux et de ce qui, dans le jeu, structure véritablement les stratégies des différents agents, n’exclut pas l’éventuelle affirmation de nouvelles interactions et la mise en place d’un nouveau système.

Notes
790.

telle qu’on la rencontre notamment dans les modélisations de l’école entropique, qui met l’accent sur la recherche des feedbacks spatiaux.