Par rapport à nos deux villes françaises, « complètement différent est le parti pris par Stuttgart (…) qui [a] choisi de développer des réseaux de transports en commun essentiellement en surface avec une excellente qualité de service. » 1101
A cet égard, il est toujours étonnant de constater à quel point, après-guerre, « la France est le seul pays d’Europe à démanteler de la sorte son réseau de tramway et elle suit en cela l’exemple des Etats-Unis. » 1102 Tel n’est pas le cas de l’Allemagne et Stuttgart en est une bonne illustration. La reconstruction de la ville a en effet donné lieu à la préservation des réseaux de tramway, dont le fonctionnement fut rapidement restauré. Il n’est pas forcément facile d’éclairer cette différence fondamentale de représentation et d’attitude à l’égard de ce mode entre les deux pays. Néanmoins, dans cet immédiat après-guerre, la situation économique et sociale d’un état allemand, qui a tout de même attendu près de trente ans avant de rattraper le niveau français de motorisation, en est de toute évidence un facteur explicatif. La conservation de cet outil prépondérant de transport public qu’est le tramway apparaît alors comme une nécessité sociale, sans que cette conservation ne rime toutefois avec conservatisme.
« Le professeur Walther Lambert a été le premier à réfléchir à la transformation du réseau de tramway existant depuis 1868 en un moyen de transport moderne et performant. En 1959, dans un rapport d’expertise établi pour le compte de la ville de Stuttgart, il a conçu un projet de tramway en souterrain. » 1103 Cette solution permet certes de libérer de l’espace de voirie là où il est le plus rare, alors que la déferlante automobile se fait plus pressante et que les conflits de circulation s’exacerbent, mais elle s’inscrit également dans la perspective d’un aménagement du tramway en site propre afin de préserver sa capacité de fonctionnement et de garantir une offre complémentaire performante à une accessibilité individuelle de masse. D’ailleurs, si le passage en souterrain s’impose dans l’hypercentre, ce transport collectif est maintenu en surface sitôt le city-ring franchi. Dès 1961, le conseil municipal vote le principe de réalisation de ce tramway souterrain (U-Straßenbahn) dont les travaux commencent l’année suivante au point nodal de ce réseau émergent qu’est Charlottenplatz, à proximité de la Planie, le long de la City-Tangente Est. Or il faut bien voir ce qu’à cette époque, ce projet comporte d’initiative : Stuttgart est une des premières villes d’Allemagne à proposer une telle perspective pour son réseau de transport public, ce qui est d’autant plus méritoire qu’en matière de transport, les subventions du Land sont alors uniquement dédiées à la construction de nouvelles voiries 1104 ; ce statut de précurseur a un coût et cette réalisation constitue un "luxe" de plus de 30 millions de DM (15 millions d’euros) pour la commune.
Sensiblement différente est la logique qui a conduit à l’équipement de l’agglomération en un réseau de type RER, le S-Bahn 1105 , tant elle marque l’investissement global et coordonné des pouvoirs publics dont la Bundesbahn, la société nationale des chemins de fer, est ici le principal fer de lance. Elle n’en traduit pas moins le même intérêt précoce porté à l’offre de transports collectifs : le projet, élaboré avec la commune de Stuttgart en 1964, fait l’objet d’une convention signée en 1968 entre le Land et la Bundesbahn, et dans laquelle l’Etat fédéral s’engage financièrement à hauteur de 50% et le Land de 30%. 1106 Les six lignes en étoile du S-Bahn, qui convergent toutes vers la gare centrale, seront progressivement mises en service à partir de 1978 et se présentent comme un outil complémentaire à la desserte de la zone dense, permettant d’améliorer les liaisons avec les noyaux urbains périphériques et d’étendre le rayon d’action des transports collectifs grâce à des dessertes plus fines et plus fréquentes que celles proposées par le chemin de fer régional. 1107 Elles s’accompagneront de la création d’un organisme technique de coordination des transports publics à l’échelle de l’aire métropolitaine – le Verkehrs- und Tarifverbund Stuttgart (VVS) –, qui associe les exploitants du réseau urbain – la Stuttgarter Stra enbahnen AG (SSB) – et suburbain – la Bundesbahn – afin notamment d’instituer une tarification commune. 1108
La ville de Stuttgart n’en abandonne pas pour autant ses projets de développement des transports collectifs dans la zone dense. Depuis longtemps, l’idée de construction d’un réseau de métro est dans l’air mais pâtit de prévisions de trafic que l’on estime insuffisantes. Suite au schéma directeur d’urbanisme de 1967, qui fait apparaître un sous-dimensionnement des infrastructures de transport public existantes compte tenu des perspectives d’évolution de la population et de la mobilité, le conseil municipal adopte, en 1969, le principe de réalisation d’un véritable réseau métropolitain (U-Bahn Netz) dont le plan est adopté en 1972. Cependant, tandis que les travaux du U-Straßenbahn dessinent progressivement le réseau souterrain de l’hypercentre, l’investissement nécessaire à la concrétisation de ce plan 1109 ne peut être dégagé que dans le cadre du système fédéral coopératif, qui rend plus que jamais décisives les aides du Bund et du Land pour l’amélioration du trafic urbain. 1110 Or, en 1975, alors que la crise économique a réduit significativement la manne fédérale et que les prévisions du schéma directeur communal ont été revues à la baisse, aucune subvention n’est en vue pour le métro de Stuttgart. La municipalité décide alors de revoir son projet et propose en 1976 l’adoption d’une solution médiane entre le tramway et le métro, le StadtBahn : il s’agit en fait d’un métro léger en site propre intégral, qui s’inscrit dans l’espace selon les principes du U-Straßenbahn, c’est-à-dire en ne circulant en souterrain que dans l’hypercentre. Ce compromis, qui présente l’avantage de minimiser le coût de construction des infrastructures, est approuvé par le Bund et par le Land, qui jugent l’option appropriée et suffisante et lui accordent leur soutien financier. 1111
Pour prévenir les risques d’utilisation peu efficiente des fonds publics mobilisés par cette nouvelle offre, le ministère fédéral des transports soumet néanmoins la planification des lignes du Stadtbahn à l’établissement préalable d’une conception intégrée des réseaux de transport à l’échelle du Grand Stuttgart 1112 , outil qui doit notamment permettre d’éviter aux différents modes de transport public de se concurrencer. 1113 Le métro léger, qui est mis en service à partir de 1985, se substitue donc progressivement aux lignes de tramway existantes en proposant un système de qualité supérieure, que ce soit au niveau du confort ou des performances techniques. 1114 Cette transition nécessite des aménagements importants, qui vont de la modification de l’écartement des rails 1115 à la réservation d’une emprise sur voirie, en passant par une conception particulière des stations. 1116 Mais ainsi « les pertes de temps ont pu être réduites de 14% à 1,5% par rapport à 1984, ce qui a permis d’accroître la vitesse commerciale moyenne sur le réseau de métro léger de 20,1 km/h à 25,8 km/h » 1117 en 1997. A ceux qui doutaient que le remplacement du tramway concoure à offrir un système de transport public plus performant, « des progressions en voyageurs atteignant 20% sur plusieurs lignes du métro léger le prouvent de manière évidente. Pour obtenir ces taux de croissance, on n’a pas seulement créé des véhicules de métro léger modernes et attrayants aux yeux des voyageurs, mais on a également aménagé systématiquement la voie de roulement en la séparant du reste du trafic pour l’essentiel. » 1118
Sur les douze lignes de tramway qui existaient avant 1985, seule une est encore en service aujourd'hui et son remplacement est programmé pour bientôt. Avant la fin de la décennie, ce mode historique aura donc disparu de la capital souabe. En même temps qu’il se glissait dans les rails du Straßenbahn, le Stadtbahn a opéré une réorganisation du réseau de surface, ajoutant à la progression qualitative de l’offre de transport public une croissance quantitative (figure 62). En effet, si le métro léger reste un équipement avant tout central qui dessine un réseau polaire sur le territoire de Stuttgart, ses prolongements passés ou à venir débordent peu à peu les frontières communales et certaines lignes se font même moins radiales. 1119
Après avoir affirmé précocement ses ambitions, Stuttgart se situe aujourd'hui au premier rang des agglomérations allemandes en matière de transports collectifs, notamment grâce à l’interconnexion réalisée entre les infrastructures urbaines et suburbaines. Spatialement, la position concurrentielle de ces différents modes n’en reste pas moins contrastée. Malgré des investissements importants, le succès du S-Bahnet l’efficacité du
Source : Verband Region Stuttgart
rabattement organisé par le système de bus régionaux, les transports suburbains ont perdu du terrain sur l’automobile. 1120 Depuis sa création, le Verband Region Stuttgart s’efforce donc de regagner le terrain perdu en développant l’offre sur les quelques 250 kilomètres du réseau de S-Bahn dont il a désormais la charge : dans cette optique, il a notamment généralisé à l’ensemble des lignes une desserte cadencée avec, depuis 2003, un passage tous les quarts d’heure à l’heure de pointe du matin et l’après-midi. Parallèlement, forts de la concentration d’infrastructures qu’ils proposent sur le territoire de la ville-centre, les transports publics ont pu y opposer une résistance plus efficace, avec quelques nuances toutefois : si la réalité de cette contestation est attestée au niveau du trafic interne 1121 , le trafic d’échange entre Stuttgart et ses périphéries présente un bilan moins favorable. 1122 Quoi qu’il en soit, on peut noter une certaine continuité de la philosophie énoncée dans les plans de déplacements des années 70 1123 , dont l’ambition en matière de transports collectifs était à la fois d’assurer un service minimum, y compris pour les espaces les moins propices à ce type de desserte, et de s’adapter aux pointes des migrations pendulaires convergeant vers les zones urbaines denses. La planification a ainsi persisté à hiérarchiser ses priorités de développement urbain en même temps qu’elle visait à étendre spatialement l’offre TC. 1124 Finalement, « la politique des transports urbains en Allemagne de l’Ouest a été dans l’ensemble plus efficace qu’en France. (…) [Elle] a consisté à réaliser un réseau de liaisons routières et de transport public (de préférence sur rail) dans les centres urbains en tenant compte de la planification territoriale. » 1125 Dans les espaces à forte densité, l’amélioration de l’offre de transports collectifs est donc parvenue, essentiellement grâce aux infrastructures lourdes en site propre – qui, à Stuttgart, transportent aujourd'hui sur 120 kilomètres de lignes les deux tiers de la clientèle de la SSB 1126 –, à résister à l’expansion automobile. Mais, si le territoire de la voiture particulière s’est trouvé partiellement contesté, cela s’est effectué parallèlement à une stratégie d’accroissement global de l’accessibilité des lieux centraux. Dans ces conditions, on comprend mieux que les résultats des politiques de transport public puissent encore apparaître modestes en termes de répartition modale.
C’est pourquoi la ville de Stuttgart, à travers notamment son nouveau "schéma directeur" (Flächennutzungsplan) 1127 , affirme aujourd'hui sa volonté de parvenir à des évolutions nettement plus significatives. Leur concrétisation passe bien sûr par la poursuite des efforts consentis en matière d’axes lourds, qui constitue une orientation récemment validée par le plan régional de transports. Mais elle requiert également de réduire le différentiel qui s’est creusé, en termes de qualité de service, avec un réseau d’autobus qui occupe une place décisive dans le fonctionnement de la chaîne de transport. 1128 Toutefois, de nouvelles incertitudes pèsent actuellement sur ces deux aspects du développement des transports urbains. Depuis trente ans, le réseau de Stadtbahn s’est étendu grâce au soutien financier du Bund et du Land, qui ont subventionné à hauteur de 1,43 milliards d’euros (2,8 milliards de DM) un investissement total de 1,75 milliards d’euros (3,4 milliards de DM). Or, cet effort tend aujourd'hui à se ralentir, avec l’annonce d’une baisse des taux de subvention qui passeront en 2004 de 85 à 75% 1129 : si on est encore bien loin de la situation et de l’évolution françaises marquées par le désengagement de l’État, cette diminution n’en constitue pas moins un réel souci financier pour les municipalités. D’autant que, depuis les réformes engagées en 1996 par l’État allemand en matière de transport de voyageurs, le modèle de gestion municipale des transports urbains s’est trouvé partiellement remis en question. 1130 Sur un marché désormais ouvert à la concurrence, la perspective d’une pénétration des intérêts privés apporte pour l’instant moins de solutions qu’elle ne pose de questions : peut-elle favoriser l’avènement d’un réseau d’autobus moderne et plus performant ? ou contribuerait-elle au contraire à altérer la qualité d’un service public éminemment stratégique ? Plus que jamais, la balle est donc dans le camp des collectivités locales, qui se trouvent aujourd'hui face à des choix cruciaux pour l’avenir des déplacements urbains. Dans ce contexte, un programme d’action, visant à renforcer l’ensemble des composantes du réseau existant tout en prélevant pour ce faire des ressources destinées aux investissements routiers, constituerait l’expression d’un véritable choix. Sans nul doute, s’agit-il là d’un choix encore empreint d’une forte hérésie dans le champ urbain. Seulement, au vu des expériences antérieures, il apparaît que l’ambition affichée par la municipalité de Stuttgart ne pourra guère être satisfaite par une action portant unilatéralement sur l’offre de transports collectifs, même de surface, mais qu’il lui faudra bien s’interroger sur les possibilités de ne plus étendre et même de restreindre le territoire de l’automobile.
« Les défis auxquels les transports collectifs urbains se voient confrontés sont donc considérables. Ils doivent assurer le bon fonctionnement des économies urbaines, en "optimisant" les déplacements, améliorer la qualité de vie en ville, participer à la lutte contre la dégradation de l’environnement. Des événements conjoncturels pourraient également remettre sur le devant de la scène les objectifs structurels de réduction des inégalités de mobilité et de maîtrise de l’énergie. » 1131 L’importance de ces défis justifie l’intérêt que portent les pouvoirs publics nationaux à ces modes et contribue dans le même temps à en faire une compétence à laquelle les collectivités locales sont particulièrement attachées. Les politiques de transport collectif sont ainsi devenues de redoutables instruments de communication et de promotion pour les titulaires d’un mandat local, en offrant une visibilité qui porte d’ailleurs à amplifier le caractère spectaculaire des réalisations entreprises. 1132 « Le processus de décision ne se limite pas pour autant à [une] confrontation subtile entre quelques techniciens porteurs d’un projet et un élu raisonnant en termes de pouvoirs et de notoriété. Interviennent aussi les représentants de quelques grands groupes industriels jouant adroitement de leur influence parmi les cercles de hauts fonctionnaires qui, dans l’orbite des ministères de tutelle, donneront in fine le feu vert à la réalisation d’un tramway ou d’un métro. » 1133 En fin de compte, tout concourt « dans le secteur des transports, à privilégier l’innovation technique : les enjeux industriels, la culture dominante du milieu, les effets d’inauguration. » 1134
Cette prégnance structurale a certes amené à renforcer l’offre de transports collectifs urbains au prix d’efforts financiers importants, mais elle n’a que très rarement permis d’accroître leur part de marché par rapport à l’automobile, en conduisant à ignorer les dynamiques territoriales qui soutenaient cette dernière. Nous l’avons vu, investir dans des axes lourds en site propre n’est certes pas inutile mais ne suffit pas à redonner l’avantage aux transports publics. A l’instar de ce qui différencie finalement un tramway d’un métro souterrain, il faut que cet investissement soit soutenu par une politique globale et cohérente, qui considère l’ensemble des modes de déplacement et prennent les mesures d’accompagnement qui s’imposent ; ce qui implique qu’accorder une réelle priorité aux transports collectifs ne peut guère se concevoir sans un réaménagement de la voirie et sans une diminution de l’espace affecté aux voitures particulières. D’une certaine façon, si l’on souhaite peser plus fortement sur les tendances lourdes d’évolution au sein des déplacements motorisés, « on sait depuis longtemps que la solution réside en grande part dans la création de couloir-bus (à défaut d’axes lourds type tramway). Or combien de maires ont pris la décision d’en faire aménager ? Pratiquement aucun bien que ce soit le moyen le moins coûteux pour rendre les transports publics compétitifs économiquement et socialement. » 1135
Source : VVS, Public-Awareness-Kampagne, 1989-1993
Simplement, les contraintes structurelles du champ des déplacements et du champ urbain sont telles qu’imposer des restrictions de voirie aux automobilistes semble encore relever d’un choix politique difficile, voire périlleux, et d’un choix urbain délicat. Pourtant, « les transports collectifs sont probablement condamnés à n’être employés par le grand nombre que lorsqu’on l’y incite fortement. » 1136 Les stratégies de contestation de l’automobile se retrouvent alors confrontées à une alternative à laquelle il leur sera vraisemblablement difficile d’échapper à court et moyen terme : parvenir à s’imposer politiquement et socialement tout en préservant l’attractivité des espaces urbains concernés ; ou se contenter « de limiter temporellement et spatialement les "pics de pollution" au profit des automobilistes que nous sommes tous devenus. » 1137
C. DALMAIS, "Les transports publics à Lyon vus de l’Europe des cités", in TEC, n°101-102, juillet à octobre 1990, p.79.
J.C. ZIV, C. NAPOLEON, op.cit., p.45.
M. BONZ, "Stuttgart : vers une offre intégrée", in Transport Public International, 1997/2, p.78.
Néanmoins, le rapport Buchanan relève dès le début des années 60 qu’en Allemagne, « la plupart des villes ne se sont pas contentées de conserver leur système de tramways mais se proposent de le perfectionner. Dans certains cas, on pose de nouvelles voies sur le partie centrale de la chaussée des grands itinéraires ; dans beaucoup d’autres, on projette de les faire passer par des voies souterraines. Cette politique paraît avoir été élaborée avec beaucoup de soin, au cours des années ayant suivi la guerre. Elle a été adoptée et poursuivie bien qu’on ait su que la plupart des autres pays envisageaient d’éliminer leur réseau de tramway » (in C. BUCHANAN et al., Rapport du Groupe de Travail, op.cit., p.175).
pour Schnellbahn, dont plusieurs grandes agglomérations allemandes se sont vues dotées et dont s’est inspiré le R.E.R. parisien.
La part prise en charge par l’Etat fédéral augmentera ensuite pour atteindre 60%, tandis que celle du Land sera légèrement revue à la baisse.
cf. partie 6-2 pour une analyse des statistiques d’utilisation du S-Bahn.
Son périmètre correspond au territoire du futur Verband Region Stuttgart, à l’exception du Kreis de Göppingen qui n’est pas intégré au VVS. Aujourd'hui, cela concerne donc environ 2,3 millions d’habitants. La régionalisation du transport ferroviaire entrée en vigueur en 1996 a entre-temps rendu nécessaire la réorganisation de cette communauté de transport, afin d’encadrer l’exercice des nouvelles compétences dévolues aux collectivités territoriales. Les 26 sièges du VVS se partagent désormais équitablement entre les collectivités (les donneurs d’ordre) et les entreprises de transport (les fournisseurs) : la SSB compte sept représentants, la Deutsche Bahn (le nouveau nom des chemins de fer allemands privatisés après la réunification et la fusion de la Bundesbahn et de la Reichsbahn) cinq et les autres entreprises de transport régional un ; du côté des donneurs d’ordre, le VRS dispose de cinq mandats, le Land de deux comme la ville de Stuttgart, alors que les quatre autres Kreis en ont chacun un. Cette communauté est à présent tournée vers une activité purement coordinatrice à l’interface des donneurs d’ordre et des entreprises de transport, consistant à intégrer et à coordonner l’offre de transport tout en garantissant le jeu de la libre concurrence.
estimé à 900 millions de DM (460 millions d’euros) sur dix ans.
Ce fédéralisme coopératif se concrétise par la multiplication des conventionnements entre le Bund et les Länder dans la plupart des politiques publiques. En matière de déplacements de proximité (les questions de mobilité urbaine sont intégrées à la catégorie des transports de proximité ou de courte distance), un impôt sur les carburants a été institué et le budget national destiné à ce secteur se répartit selon les principes définis dans la loi-cadre concernant le financement de la circulation et des transports communaux édictée en 1972 par l’Etat fédéral, la Gemeindeverkehrsfinanzierungsgesetz (GVFG) : l’Etat se réserve 20% de cette somme pour de grands projets réalisés directement sous sa responsabilité ; les 80% restants sont répartis équitablement entre les transports collectifs et les programmes de construction de routes communales. Néanmoins la logique de distribution de ces 80% obéit à des principes différents. « Les aides financières du Bund, destinées à la construction de routes communales, furent distribuées dans les Länder en fonction d’une clé de répartition qui s’orientait sur le nombre de véhicules qui étaient immatriculés dans chaque Land. Les moyens d’investissement du transport public de proximité de voyageurs (OPNV) furent employés, à l’opposé, selon les besoins, donc d’après une échelle fixe des Länder. Le Bund réalise des programmes pour les projets du transport public de proximité de voyageurs avec l’accord des Länder » (in T. MUTHESIUS, Le financement du transport de proximité en Allemagne, Dossier du LET, Article extrait de Verkehr und Technik, 1992, n°2, p.7). La part du financement pris en charge par le Bund dans ces projets atteint alors 60%.
La GVFG permet de financer le développement du réseau de Stadtbahn, pris en charge à hauteur de 60% par le Bund et de 25% par le Land.
INVK ou integriertes Nahverkehrskonzept, arrêté en 1977 à l’issue d’une collaboration entre la ville de Stuttgart et le Land du Bade-Wurtemberg sur le périmètre du VVS qui est sur le point d’être institué.
Comme nous l’avons vu, cette réflexion intégrée aux mécanismes de planification a en fait pour ambition de considérer l’ensemble des modes de déplacements mécanisés et de combiner leur organisation de la manière la plus efficace possible. Il s’agit donc d’éliminer la concurrence entre les différents modes de transports collectifs urbains, y compris le S-Bahn, mais aussi de tenter de réglementer l’interaction entre ceux-ci et la circulation automobile, en limitant la construction de nouvelles voiries susceptibles de concurrencer les infrastructures de transport public.
Ces performances tiennent notamment à la priorité qui lui est accordée aux feux et au cheminement en site propre protégé dont les tramways ne bénéficient que partiellement.
En effet, le Stadtbahn est un système ferroviaire à écartement normal, alors que le tramway est un mode à écartement métrique. Néanmoins, comme certaines voies, notamment à proximité de l’hypercentre, continuent d’accueillir les deux systèmes, il a fallu organiser parfois un fonctionnement mixte des infrastructures.
Une partie des premières stations du métro léger a été équipée d’un quai surélevé, permettant de faciliter l’accès à la rame. Plébiscité par les utilisateurs, cet aménagement a ensuite fait l’objet d’une quasi-généralisation.
M. BONZ, op.cit., p.79.
K. LOHRMANN, "Ligne 42 davantage au service du client", in Transport Public International, 1997/2, p.90.
Ce fut le cas de la première ligne de métro, la ligne U3 mise en service en 1985 dans le Sud de Stuttgart, entre Vaihingen et Plieningen. Le remplacement en 1998 du tramway par la ligne U13, qui relie Hedelfingen à Feuerbach, s’inscrit à nouveau dans cette tendance, certes largement minoritaire mais que les futurs lignes ou prolongements du Stadtbahn ne semblent plus hésiter à conforter.
Sur le territoire de planification antérieur au VRS (qui correspond à celui du VVS, à l’exception de la partie du Rems-Murs-Kreis qui n’appartenait pas à l’ancien NVS), le rapport des déplacements assurés respectivement par les véhicules particuliers et par les transports collectifs est passé de 75%-25% en 1981 à 82%-18% en 1995.
Le rapport des déplacements effectués en automobile et en transports collectifs a évolué de 65%-35% en 1968 à 61%-39% en 1981, niveau auquel il s’est ensuite maintenu.
En 1990, le rapport était de 77%-23% en faveur de l’automobile.
Gesamtverkehrsplan, plan relatif à l’ensemble des transports.
Le paradoxe de ce double objectif n’est qu’apparent au regard des principes de planification territoriale, puisqu’il s’agit de favoriser une certaine équité territoriale en cherchant à assurer au plus grand nombre des communications rapides avec les lieux centraux afin de leur faire profiter des attraits de ces derniers.
S. BIAREZ, "Politiques publiques et transports urbains : comparaison européennes", in J.C. Némery, S. Wachter (dir.), op.cit., p.178.
Les 120 kilomètres commerciaux de lignes sur rail, à mettre en rapport avec les 47 et 66 kilomètres de métro et de tramway offerts respectivement dans les agglomérations lyonnaise et lilloise, représentent un peu moins du quart du réseau de transport collectif de la ville de Stuttgart. Quant à la SSB, la Stuttgarter Stra enbahnen AG, il s’agit de l’entreprise municipale de transport urbain. En effet, selon la législation allemande, les villes sont des entités économiques et peuvent entreprendre des activités industrielles ou commerciales sous la forme de sociétés anonymes ou de SARL. La SSB est donc une société anonyme appartenant à la commune. Elle s’inscrit dans le système des Stadtwerke, ces régies municipales qui exploitent les réseaux de transports urbains mais aussi les réseaux d’assainissement, d’eau ou d’énergie. Le principe de péréquation financière entre les entreprises municipales permet alors de combler une partie du déficit de l’exploitation des transports urbains, par essence déficitaire, par les bénéfices dégagés par les services municipaux de gaz, d’électricité et d’eau, traditionnellement bénéficiaires. Enfin, ce statut fait que « les sociétés d’exploitation des transports sont elles présidées par des responsables politiques et disposent de ce fait d’un pouvoir beaucoup plus fort » (in C. DALMAIS, op.cit., p.78) que leurs homologues françaises par exemple.
A l’horizon 2010, il envisage, en ce qui concerne la répartition modale entre VP et TC, une évolution du trafic interne d’un rapport de 61%-39% à 40%-60% et du trafic d’échange de 77%-23% à 60%-40%.
Les liaisons tangentielles et la fonction de rabattement sur les axes lourds assurées par les autobus comptent parmi les dimensions à l’origine du rôle essentiel joué par ces réseaux dans le système de transport public. Or, on peut noter par exemple qu’en 1999, il n’existait que 13 km de couloirs d’autobus sur le réseau de la SSB. Même si ce n’est là qu’un des aspects de la performance de ce mode, il ne fait guère de doute que des progrès peuvent être réalisés en la matière, et ce afin d’améliorer la vitesse et la régularité du système d’exploitation.
pour les travaux d’infrastructure, le taux de subvention pour le matériel roulant devant passer pour sa part de 50 à 35%. Il est prévu que ces nouveaux taux s’appliquent aux projets dont les travaux commenceront après le mois de juin 2004.
A la régionalisation du trafic ferroviaire de proximité s’est en effet ajoutée l’ouverture à la concurrence du marché des transports urbains. Les communes qui subventionnent les transports publics sont désormais tenues, lors la mise en service d’une nouvelle ligne, de lancer un appel d’offre aux exploitants potentiels. Dans le même temps, les compensations financières dégagées par les Stadtwerke sont remises en cause par la libéralisation du marché de l’énergie, qui fait suite à l’ouverture des services publics à la concurrence, ouverture prônée par la réglementation européenne. Or, « l’analyse des résultats financiers montre qu’il n’y a pas de miracle en Europe : un service de transports publics de bonne qualité se traduit par un fort déséquilibre d’exploitation même avec des niveaux de tarif élevé » (in C. DALMAIS, op.cit., p.78). A Stuttgart, certains représentants de l’entreprise communale de transport se montrent sceptiques quant à la possibilité de dépasser cette contradiction. « Dans les années à venir et plus que jamais, la SSB sera jugée en fonction de sa capacité à continuer le développement de son infrastructure, à améliorer la qualité de ses prestations, à augmenter sa productivité et ses recettes et, en même temps, à réduire les coûts. (…) Or cela paraît irréalisable à court terme. Par conséquent, il faut s’attendre à ce que la Ville doive encore combler les déficits dans un avenir proche. Cela aiguisera encore davantage son opinion critique par rapport aux dépenses de la SSB. Toutefois, celui qui croit pouvoir assainir la situation par une ou deux coupes sombres dans la structure des coûts ne comprend pas grand chose aux interdépendances d’une entreprise de transport public a forte intensité de capital et de main d’œuvre » (P. HÖFLINGER, "La SSB au seuil de l’an 2000", in Transport public International, 1997/2, p.89).
C. LEFEVRE, J.M. OFFNER, 1990, op.cit., p.188.
mais qui, dans le même temps, n’est sans doute pas pour rien dans le renouveau d’un tramway qui, contrairement au métro, s’affiche ostensiblement dans les rues, aux yeux du plus grand nombre.
R. MARCONIS, "Métros, V.A.L., Tramways… La réorganisation des transports collectifs dans les grandes agglomération de province en France", in Annales de Géographie, n°593-594, 1997, p.147. De même, les entreprises du BTP ont également souvent cherché à jouer de leurs relations avec les élus locaux pour appuyer, au détriment du tramway, le choix d’un métro engageant des travaux plus conséquents. De manière générale, « les transports en commun ont été au cours de la décennie le lieu particulier des combats que se menaient les grandes entreprises. (…) Plus sûrement les transports en commun servent de "cheval de Troie" pour les entreprises désirant pousser les municipalités sur la voie de la "ville produit" » (M. LEMONIER, "L’accélération", in Diagonal, n°82, mars 1990, p.22). Et aujourd'hui, même une entreprise comme la SNCF tend à s’engager dans ce champ dont elle juge les perspectives intéressantes, en essayant dès à présent d’y conquérir une position dominante.
J.M. OFFNER, 1996, op.cit., p.50.
J.M. OFFNER, "Les déplacements urbains", in Problèmes politiques et sociaux n°690, 1992, p.14.
V. KAUFMANN, "Transports publics et automobile : les déterminants du choix des usagers", in TEC, n°114, septembre-octobre 1992, p.15. En effet, « les déterminants du choix modal sont beaucoup plus complexes qu’un simple arbitrage entre les temps de déplacement et les coûts financiers de transport. » En fait, « l’automobile jouit d’une "représentation positive" articulée autour de l’individualisation, la maîtrise et la vitesse du déplacement. A l’opposé, les transports publics évoquent des contraintes », si bien que, selon Vincent Kaufmann, « offrir une alternative par les transports collectifs à l’automobile, dont l’emploi serait aussi séduisant pour les individus que l’utilisation de cette dernière, est un mythe » (ibid., p.12-15-16).
J.M. OFFNER, 1996, op.cit., p.47.