Depuis leur origine, les plans d’occupation des sols successifs de l’agglomération lilloise ne se sont guère départis du caractère fortement incitatif dont ils ont souhaité faire preuve en matière de construction d’emplacements de stationnement privé, même si cette impulsion en faveur de la logique territoriale de l’automobile-reine a aussi profité de la détermination à libérer l’espace public du stationnement des pendulaires en premier lieu et des résidents à un degré moindre.
Concernant les bureaux, la réglementation n’a établi qu’une seule distinction depuis 1979 entre, d’un côté, des espaces centraux où il est prescrit la réalisation d’au moins une place pour 60 m² de SHON (soit 16 places pour 1.000 m²) et, de l’autre, des communes suburbaines 1399 où un minimum d’une place pour 40 m² (soit 25 places pour 1.000 m²) est requis. 1400 Par rapport à ce qui prévalait dans l’agglomération lyonnaise au début des années 90, ces normes apparaissent sensiblement plus exigeantes, surtout dans les espaces centraux. Outre ces dispositifs directement liés aux POS, il faut également prendre en considération l’importance particulière des cœurs d’îlot non construits qui permettent d’accueillir, en dehors de tout contrôle public, des véhicules particuliers pour du stationnement de longue durée. Grâce au niveau conséquent de cette offre conjuguée, ce sont près de 80% des pendulaires travaillant à Lille qui disposent d’un emplacement de stationnement gratuit à leur destination. Un tel degré d’opportunité concernant la zone dense favorise sans conteste des parts de marché élevées pour l’automobile.
En matière de logement, la règle pour cette même zone dense est simple puisque l’article 12 se contente d’imposer la réalisation d’une place minimum par logement. Alors que la multimotorisation des ménages est une représentation de plus en plus intégrée dans les réalisations immobilières des communes périphériques 1401 , les espaces centraux dessinent un mouvement contraire puisque, après avoir été soumis à une obligation de construction d’une place pour 70 m² de surface hors œuvre avec un minimum d’une place par logement, ils ne se sont plus tenus depuis 1985 qu’à une correspondance entre le nombre d’emplacements de stationnement et le nombre de logements, et ce quelle que soit la taille de ces derniers. Pour expliquer cette relative modestie et surtout ce léger relâchement de la pression exercée par la régulation publique, il nous paraît important de relever le poids des contraintes imposées par un contexte local particulièrement marqué par les enjeux de reconversion des friches industrielles et de résorption de l’habitat insalubre. Ici plus qu’ailleurs, les normes de construction de stationnement privé ont dû veiller à ne pas gêner, par un niveau d’exigence trop élevé, les opérations de renouvellement urbain. Du reste, même si elle relève là encore d’un usage marginal et est considérée comme la solution de dernier recours 1402 , la participation pour non-réalisation d’aire de stationnement collabore à cet exercice subtil puisque son montant 1403 est toujours resté assez nettement inférieur au seuil maximum arrêté à l’échelon national et adopté notamment par le Grand Lyon. En définitive, le volume de places effectivement construites au lieu de résidence se contente essentiellement de suivre, sans les excéder, des prescriptions réglementaires qui cherchent d’abord à apparaître raisonnables par rapport aux contraintes du marché immobilier.
Les incitations publiques à développer l’offre de stationnement privé se combinent d’ailleurs, dans la métropole lilloise, avec des aménagements destinés à modérer le coût de ces obligations. Il peut être question d’aménagements à vocation architecturale, inspirant par exemple la réalisation, dans de petits programmes de logements collectifs, de batteries de garages non souterrains dont la toiture est traitée en terrasse paysagère. Mais il peut également s’agir d’aménagements réglementaires esquissant une voie plus économique : c’est ce qui se passe notamment au niveau du logement social, pour lequel le POS permet de différer la construction des emplacements exigés, « pour la moitié des besoins au maximum » et « sous réserve que le plan de masse maintienne les possibilités de réalisation ultérieure du solde » ; souvent exploitée, cette opportunité favorise l’étalement dans le temps des charges liées aux dispositifs de stationnement privé, sans déroger pour autant à l’orthodoxie présidant à la définition des normes applicables aux logements.
Avec les discussions actuelles autour du projet de PLU, quelques évolutions devraient néanmoins se concrétiser. Après que de nombreux maires aient fait état d’un déficit croissant en matière de stationnement résidentiel et demandé le renforcement des prescriptions réglementaires, les propositions de la communauté urbaine vont aujourd'hui dans ce sens et esquissent la perspective d’exigences sensiblement accrues : à Lille, la norme minimale d’une place par logement devrait être renforcée, dans les opérations de plus de vingt logements, par la réalisation d’au moins d’une place supplémentaire par tranche de cinq logements ; ailleurs dans l’agglomération, les normes devraient varier en fonction de la proximité des axes lourds de transports collectifs – dans les zones les plus proches des stations de tramway, de métro et de train, la réglementation se contenterait d’exiger une place par logement – et du coefficient d’occupation des sols (COS) – selon les zones, la norme devrait s’aligner sur les obligations mises en place à Lille mais pourrait aussi aller jusqu’à demander la réalisation de quatre places par logement là où le COS est le plus faible. Tel qu’il est envisagé, ce renforcement sensible de la réglementation doit permettre de mieux satisfaire les besoins de stationnement des résidents 1404 mais aussi, pour partie, des visiteurs.
En fin de compte, même si l’article 12 a introduit depuis une vingtaine d’années diverses distinctions entre communes suburbaines et espaces centraux, il est encore bien difficile de discerner, dans les principes lillois de régulation publique du stationnement privé, une réelle propension à engager une contestation du territoire urbain de l’automobile. Comme souvent, cette forme d’inertie est particulièrement sensible dans les mouvements qui touchent aux locaux d’activité. En effet, en ce qui les concerne, rares sont les manquements à l’orthodoxie réglementaire visant à fournir des places de stationnement gratuites au lieu de travail. L’inscription au POS de la possibilité de tenir le constructeur quitte de ses obligations dans un rayon de 300 mètres autour d’une station de métro ou de tramway, s’il réalise au moins 50% des places exigibles et verse pour le solde la participation financière votée par le conseil communautaire, constituait une première forme extrêmement timide de contestation. 1405 Quant aux perspectives d’évolution inscrites dans l’actuel projet de PLU, elles envisagent simplement de procéder dans certains territoires à un abaissement des exigences réglementaires : pour les immeubles de bureau, la norme devrait être divisée par deux dans le périmètre de valorisation des axes lourds de transports collectifs mais restera une norme plancher ; et, si aucune place ne devrait désormais être exigée dans Lille intra muros, cette évolution s’inscrit dans une philosophie où, si « la réalisation n’est pas obligatoire, elle n’est pas non plus interdite. » 1406 Au final, la persistance d’un système qui « ne permet pas à la collectivité d’imposer ses choix » 1407 témoigne que le champ urbain n’est pas encore prêt à voir « l’objectif de limiter le recours à la voiture particulière pour gagner le lieu de travail [devenir] plus fort que la préoccupation de fournir à chaque automobile une place dédiée au sein de chaque immeuble de bureau construit, de façon à ne pas encombrer plus les rues et les espaces publics. » 1408 Il est d’ailleurs tout à fait significatif d’observer la manière dont le PDU lillois élude la question du stationnement privé et confirme ainsi le renoncement actuel des autorités publiques locales à contester plus avant cette dimension du territoire de l’automobile-reine. Rompant avec la représentation d’une opposition stratégique et structurelle entre agents publics et privés, l’engagement plus ou moins explicite des premiers en faveur de ce moyen de transport se fait en concordance avec des intérêts privés qui n’envisagent guère de s’en priver.
Au-delà de cette concordance banale, les grandes opérations immobilières et commerciales de la métropole se soumettent fréquemment, toujours au nom de l’automobile-reine, à une dialectique économique participant à la socialisation des pertes et à la privatisation des profits. Comme pour Euralille ou pour Mac Arthur Glen à Roubaix 1409 , la puissance publique tend à être sollicitée non seulement pour intervenir en amont sur le volet foncier de ces programmes mais aussi pour prendre en charge les dispositifs particuliers de stationnement que l’on considère nécessaires à la réussite de ces opérations. C’est bien souvent à ce prix que les promoteurs privés, déchargés des préoccupations d’accessibilité automobile, acceptent de s’engager dans des projets qu’ils estiment alors porteurs d’un risque commercial moindre et de bénéfices potentiels plus rapides. En marge du POS, ces pratiques ont elles aussi le mérite de mettre en lumière l’importance de l’intervention des agents et des institutions publics dans les dynamiques du territoire urbain de l’automobile.
auxquelles, dans le POS, Villeneuve d’Ascq est rattachée.
Dans le premier POS de 1975, les communes centrales comme les communes suburbaines étaient soumises à la même norme d’au moins une place pour 40 m² de bureaux. Le POS de 1979 a établi cette distinction qui n’a été depuis ni démentie, ni accentuée.
pour lesquelles les obligations minimales introduites par le POS ont longtemps été d’au moins une place pour 70 m², avec un minimum d’une place par logement, avant qu’elles ne passent en 1996 à une place pour 60 m² (toujours avec un minimum d’une place par logement) et même à 1,5 places par logement en habitat collectif et 2 places par logement en maison individuelle dans les communes de Marcq-en-Baroeul et Wattignies.
Entre 1990 et 1995, la participation pour non-réalisation d’aire de stationnement n’a concerné que 159 places disséminées dans 135 programmes situés principalement sur le territoire de la commune de Lille. Pratiquement, ce sont les maires qui prescrivent la participation financière en matière de stationnement dans l’arrêté de permis de construire et c’est la communauté urbaine qui la met en recouvrement sur la base des arrêtés que les mairies veulent bien lui transmettre. Les communes sont donc peu incitées à recourir à cette solution et les services municipaux préfèrent le plus souvent demander aux pétitionnaires de réduire leur projet plutôt que de verser cette participation.
Il s’établit en 2003 à 7.326 euros (48.058 francs) par place non réalisée.
y compris dans les logements sociaux qui ne devraient pas faire l’objet de mesures dérogatoires significatives.
On reste notamment bien loin des mesures d’inspiration financière qui, dans d’autres pays, cherchent à limiter la fourniture de stationnement privé au lieu de travail. Ainsi, le projet britannique de taxation des emplacements offerts par les entreprises à leurs employés cherche à réduire ou à rendre payante cette offre, en mettant directement à contribution ceux qui la fournissent. Tout en freinant l’usage de la voiture, cette taxe pourrait également permettre de dégager des moyens financiers pour le transport public et s’apparenterait en cela – même si son assiette est différente – au versement transport qui n’existe pas en Grande-Bretagne. Mais, en matière de mesure financière, la palme de l’innovation revient sans doute à la Californie et au programme Parking Cash Out adopté en 1992. Depuis cette date, la loi oblige les employeurs de plus de 50 personnes qui mettent à disposition des places de stationnement gratuites à offrir une compensation monétaire équivalente à leurs employés qui n’utilisent pas cette possibilité. Cette approche par les prix est particulièrement souple, puisqu’elle peut s’appliquer au stationnement existant et non pas uniquement aux constructions neuves, elle est intéressante pour les employés, dont certains peuvent alors être tentés d’organiser le partage d’un véhicule, et assez peu pénalisante pour les entreprises, qui peuvent chercher à équilibrer le coût de cette mesure par la location ou la revente des places libérées.
Lille Métropole, Rapport de Présentation du Règlement du PLU, 23 mai 2003, p.73.
CERTU, Les politiques de stationnement après la loi SRU. Pourquoi ? Comment ?, 2003, p.103.
V. CATHERIN, J.M. JARRIGE, J. LEGAIGNOUX, E. LE VAN, op.cit., p.127.
à travers des procédures qui échappent au droit commun des pratiques urbanistiques, puisque ce sont deux ZAC et qu’à ce titre ces opérations peuvent déroger aux prescriptions générales du POS.