Les parcs relais à Lille et Stuttgart : des disparités en termes d’investissement stratégique qui révèlent aussi des différences de culture politique et technique à l’égard de l’intermodalité

Les données recueillies témoignent bien que « d’une façon générale tant à Lille qu’à Lyon la part des déplacements combinant modes individuel et collectif est très faible » 1651 , à l’image d’ailleurs des grandes agglomérations françaises de province dans lesquelles ce type de chaîne modale reste très peu représenté. Mais, à travers l’insignifiance des pratiques, c’est aussi la pusillanimité des politiques de parc relais qui est palpable. A cet égard, l’agglomération lilloise dispose d’ailleurs d’une offre encore moins étoffée et moins perfectionnée qu’à Lyon, associée à des perspectives également moins volontaristes. En cela, les deux agglomérations françaises se distinguent nettement de leur homologue allemande, qui a résolument placé les parcs relais au cœur de sa politique de déplacements.

Figure 73 - Les parcs relais de l’agglomération lilloise en 2004
Figure 73 - Les parcs relais de l’agglomération lilloise en 2004

Source : Transpole

Au terme d’une « croissance tranquille », la capacité totale offerte par les parcs relais de la métropole du Nord peut être évaluée à environ 2.100 places, disposées pour l’essentiel sur la ligne 2 du VAL (figure 73). La taille des parcs varie de quelques dizaines à quelques centaines de places et aucun n’est en ouvrage. L’équipement le plus imposant reste celui des Quatre Cantons à Villeneuve d’Ascq qui offre 600 places en surface facilement accessibles à partir de trois autoroutes à l’entrée sud de l’agglomération. A l’autre terminus de la ligne 1 du VAL se trouve un deuxième parc relais gratuit et surveillé, celui du C.H.R. Calmette, mais les 200 places qu’il propose apparaissent déjà plus enclavées en milieu urbain et tendent, en même temps qu’elles répondent partiellement à des besoins locaux, à promouvoir un rabattement beaucoup plus restreint, qui se réduit davantage à un secteur d’habitat. Pour les autres parcs, disséminés sur le trajet de la ligne 2 du VAL, deux types de sites ont été principalement retenus par la communauté urbaine : quelques-uns ont accueilli des installations qui répondent à l’idée que l’on se fait généralement d’un parc relais, offrant à l’échelle de l’agglomération une opportunité de rabattement qui borde les grandes infrastructures routières sans hésiter aussi à s’accoler à des pôles d’activités périphériques 1652  ; mais plusieurs petits parcs ont également été aménagés en bordure du périphérique, invitant alors à un rabattement beaucoup plus proche de l’hypercentre et apparaissant comme une couronne extérieure d’accueil des automobilistes à l’échelle du centre lillois 1653 . Enfin, si d’autres équipements jouent un rôle de rabattement sur le réseau TER à l’échelle régionale 1654 , certains dispositifs de stationnement de la zone centrale paraissent intégrés quelque peu abusivement à l’offre de parc relais : ainsi en est-il des 1.500 places gratuites et surveillées du Champ de Mars, situé à proximité de l’hypercentre et qui n’a longtemps bénéficié d’aucune connexion avec les lignes fortes de transports collectifs ; des navettes bus régulières, circulant dans des couloirs spécialement aménagés, viendront seulement assurer en 2004 une liaison transversale entre ce site et les parcs relais les plus proches de l’hypercentre, via un centre lillois qui commence à percevoir les avantages qu’il peut tirer de cette offre légèrement "externalisée".

Pour l’heure, il apparaît donc que cette politique de rabattement, dont l’ambition consiste d’abord à répondre aux besoins de desserte d’un centre métropolitain en pleine affirmation, se traduit avant tout par le développement d’une offre de stationnement supplémentaire, susceptible de résoudre certains problèmes d’accessibilité routière. En définitive, on ne ressent pas à Lille la même nécessité qu’à Lyon d’arrêter l’automobile aux portes d’une ville-centre, qui demeure il est vrai moins dense et moins importante. Ce faisant, on n’observe qu’un investissement minimum voire symbolique 1655 dans une politique qui n’en est pas encore à envisager la réalisation de véritables ouvrages de stationnement de rabattement, qui soient le pendant en périphérie des grands parcs de l’hypercentre voire qui aient potentiellement vocation à en devenir le substitut.

L’offre actuelle de parcs relais parvient certes à attirer, comme à Lyon, des pendulaires se rendant dans l’hypercentre mais, là encore, elle se contente pour ce faire de stratégies plus indicatives qu’incitatives. Le PDU lillois insiste alors sur la nécessité d’accroître l’attractivité et d’assurer une meilleure promotion des équipements existants 1656 , que ce soit par des améliorations de la surveillance et de la signalisation, par des efforts en matière d’aménagement 1657 ou par l’extension progressive de leur capacité. Ce document de planification arrête dans le même temps le principe de nouveaux ouvrages, sans toutefois se départir totalement du relatif attentisme qui a prévalu jusqu’à maintenant en la matière puisqu’il indique que « l’ouverture de nouveaux sites est à prévoir, avec un souci d’accompagnement progressif de la demande de la clientèle. » 1658 Si cette posture concorde avec la faible dynamique qui anime la contestation du territoire de l’automobile dans l’agglomération lilloise, elle est également relativement conforme à une culture politique et technique française pour laquelle, selon la formule de Jean-Pierre Orfeuil, « l’intermodalité est encore un beau sujet de colloque » 1659 et les parcs relais des solutions qui restent bien souvent à la marge des politiques de déplacements et singulièrement étrangères à des préoccupations d’ordre urbanistique.

Si on peut à l’inverse considérer que ces dispositifs se sont développés précocement et rapidement en Allemagne, c’est qu’ils ont été dans la majorité des cas intégrés dès l’origine aux projets de développement des transports collectifs. Ainsi, à Stuttgart, tous les programmes de mise en place de nouveaux réseaux publics prévoient dès les années 60 la réalisation de parcs relais, regroupés sous le sigle P+R. Il s’agit alors bien évidemment de contribuer au succès de transports en commun, dont l’importance stratégique en matière de gestion des déplacements est unanimement reconnue, mais aussi de proposer une offre de stationnement complémentaire à celle d’un centre, pour lequel les simulations prévoient un déficit imposant que l’on estime déjà bien difficile à combler sur place. D’emblée, les parcs relais apparaissent donc comme une ressource de stationnement qu’il faut mobiliser, au même titre que les opportunités dégagées dans l’espace central, tout en ayant vocation à être prioritairement destinée au stationnement de longue durée des pendulaires séduits par les transports collectifs. Dans les années 80, cette notion de complémentarité perdure mais s’inscrit dans un contexte différent puisque, à cette époque, « les villes et régions qui recourent à ces dispositifs le font en général dans une perspective de développement d’une mobilité compatible avec l’environnement et de protection de leur centre. » 1660 La réalisation de parcs relais tend alors à se substituer en partie à une augmentation continue de l’offre de stationnement central 1661 , que les édiles disent vouloir désormais limiter, tout en cherchant à donner aux transports collectifs les moyens de retenir voire de conquérir une clientèle de plus en plus motorisée.

Sous l’effet de cette double dynamique, ce sont près de 14.000 places en parc relais qui ont été créées entre 1975 et 1995 dans l’aire métropolitaine de Stuttgart (tableau 25). L’offre proposée apparaît ainsi considérable ou en tout cas sans comparaison possible avec son niveau de développement dans les agglomérations françaises. Elle s’avère par ailleurs fortement utilisée, alors même que le tiers simplement de ces places procède d’un usage gratuit. 1662

Tableau 25 - L’offre en parc relais sur le territoire du Verband Region Stuttgart en 1995

Kreis
Nombre de
Places
P+R

Occupation en %
dont sur les lignes de Stadtbahn dont sur les lignes de
S-Bahn
dont sur les autres lignes ferroviaires
Stuttgart 2.664 73 941 1.723 0
Böblingen 2.777 83 0 2.688 89
Esslingen 1.670 78 0 1.157 513
Ludwigsburg 2.338 96 0 1.730 608
Rems-Murr-Kreis 4.065 94 0 3.784 281
Göppingen 466 ? 0 0 466
Region Stuttgart 13.980 85 941 11.082 1.957

Source : Verband Region Stuttgart

Avec 57 ouvrages et près de 80% des emplacements "P+R" du Verband Region Stuttgart, les liens de cette politique avec la construction du S-Bahn apparaissent déterminants. Même les 2.700 places situées sur le territoire de la ville-centre sont majoritairement associées aux stations de ce chemin de fer de banlieue. Une telle organisation témoigne d’une stratégie de rabattement des flux automobiles sur un moyen de transport collectif particulièrement performant et fonctionnant sur un rayon d’action élargi. De cette manière, ces parcs relais sont parvenus à drainer environ 25% d’automobilistes convertis. Pour le reste, si plus de 35% des utilisateurs de ces ouvrages sont des anciens usagers des transports collectifs pour lesquels la mise en place de dispositifs de rabattement a été l’occasion d’abandonner le réseau public sur une partie de leur trajet, il n’est pas interdit de penser qu’une partie de ces migrants – parfois récemment – motorisés aurait également pu faire le choix du tout-automobile sans cette offre de stationnement. Cette dernière contribue en tout cas à promouvoir une forme d’intermodalité qui tend à aller chercher les automobilistes loin sur leur territoire et qui ne se contente pas d’assurer aux transports publics une compétitivité réduite au seul centre métropolitain.

Si cela a été rendu possible à Stuttgart, c’est aussi parce que les institutions territoriales allemandes ont su plus généralement se fédérer autour de ce principe d’action, dont elles ont rapidement saisi l’intérêt. Si les communes peuvent légitimement revendiquer la paternité de l’offre de parcs relais, dont la réalisation leur incombe, l’ampleur de la production tient pour beaucoup à la qualité de la collaboration nouée avec ces autres intervenants publics et partenaires financiers que sont le Bund et le Land. 1663 « D’une façon générale l’appui apporté à ce système intermodal est très important ; des associations d’automobilistes et même les constructeurs y adhèrent, conscients sans doute des risques qu’une mobilité motorisée débridée fait courir à terme à leur secteur. » 1664

Dans le Verband Region Stuttgart, les mesures concrètes témoignant de la popularité des dispositifs d’intermodalité et de l’acculturation technique et politique des collectivités locales ne manquent cependant pas. Aux parcs relais offrant aux automobilistes un rabattement sur les différentes lignes de transports collectifs, il faut en effet ajouter les équipements assurant la promotion d’autres chaînes modales : il existe environ 4.000 places de stationnement pour les deux-roues – B+R ou Bike and Ride – réparties entres les différentes stations du réseau ferroviaire et, disposition plus anecdotique mais tout aussi révélatrice, 500 emplacements sur les autoroutes permettant aux conducteurs de laisser une ou plusieurs voitures pour se regrouper dans un même véhicule – P+M ou Park und Mitnehmen. Au-delà de cette diversité, il faut enfin relever la prégnance de démarches qui cherchent à attirer les automobilistes vers ces points de rabattement. Dans le cadre du projet STORM 1665 , on a assisté dans les années 90 à l’intégration progressive d’un système électronique de balisage dynamique à une partie de l’offre en parcs relais : des panneaux à messages variables ont été implantés en bordure de plusieurs pénétrantes, afin de renseigner les automobilistes sur la situation de la circulation et du stationnement dans le centre, sur le nombre de places libres dans les parcs relais les plus proches et sur les horaires de départ ou la fréquence de passage des transports collectifs correspondants. Pour le reste, les équipements qui n’ont pas été dotés de ce système d’information dynamique bénéficient au minimum d’une signalétique et d’un balisage clairement attractifs. Ces dispositifs, qui renforcent l’offre de rabattement proprement dite par de véritables outils de guidage informatifs et incitatifs, conduisent alors à reconnaître le stationnement comme un élément pleinement intégré à la régulation globale des déplacements. Et, en la matière, si la cible première des parcs relais stuttgartois reste les pendulaires, elle tend aujourd'hui à s’élargir progressivement aux clients des commerces, aux visiteurs et aux touristes. 1666

Figure 74 – Un exemple de signalétique banale attachée aux parcs relais stuttgartois
Figure 74 – Un exemple de signalétique banale attachée aux parcs relais stuttgartois

Pour satisfaire ces aspirations, l’offre a toutefois besoin d’être étoffée et, loin de se contenter des 16.000 places actuellement disponibles dans les parcs relais de la région urbaine de Stuttgart, le nouveau plan régional de transports envisage d’en proposer à terme 30.000. 1667 Pour ce faire, il est notamment question de réaliser des parcs relais de deuxième génération, qui se rapprocheraient du concept de "terminal" en comprenant 1.000 à 5.000 emplacements de stationnement ainsi que des services aux usagers pour attirer les automobilistes. Cette émergence s’annonce néanmoins plus lente et plus compliquée, compte tenu des coûts d’investissements que cela représente pour les communes de l’Umland ainsi qu’en raison de la concurrence potentielle que ces dispositifs introduiraient par rapport au centre mais aussi et surtout par rapport aux noyaux urbains périphériques déjà constitués. Il n’en reste pas moins que la politique menée à Stuttgart rend bien compte du retard pris en matière de parcs relais et d’intermodalité par des agglomérations françaises pénalisées notamment, mais pas uniquement, par « l’absence de stratégies d’organisation de la complémentarité modale suffisamment formalisées (...) et finalisées » 1668 .

En offrant aux automobilistes la possibilité de s’arrêter "aux portes de la ville" voire encore plus tôt dans leur parcours de mobilité, les parcs relais se révèlent porteurs d’une proposition d’intermodalité fortement corrélée avec l’existence d’un réseau performant de transports collectifs. Tout en requérant la mobilisation de compétences spécifiques et de volontés concordantes, ces dispositifs de rabattement s’inscrivent d’ailleurs dans une dynamique socio-politique similaire à celle qui appuie le développement de l’offre de transports publics, en comptant parmi les mesures de politique des déplacements les mieux acceptées socialement. Indirectement, et tout en renforçant le principe d’une organisation hiérarchisée des réseaux, ils invitent également les modes collectifs à se rapprocher des standards de confort et de performance 1669 qui tendent à être portés par l’automobile.

La participation des parcs relais à une contestation du territoire de l’automobile connaît toutefois certaines limites. L’une des principales réside dans la contradiction qui peut résulter du défaut de mesures d’accompagnement plus délicates à imposer. Ainsi, même à Stuttgart où, à l’image de nombreuses villes allemandes, la politique de parc relais apparaît particulièrement développée, son efficacité au regard de la lutte contre l’investissement de la zone dense par l’automobile-reine souffre des déficiences avérées dans la mise en place d’une régulation restrictive du stationnement dans la zone centrale et se trouve limitée par le fait de n’être finalement qu’une offre de stationnement supplémentaire qui n’est pas contrebalancée par la suppression d’emplacements dans le centre-ville. En effet, l’offre de rabattement sur les transports collectifs ouvre la voie à un délestage des espaces centraux en termes de circulation automobile mais c’est là une ambition qui nécessite de procéder ensuite à une redistribution de l’espace plus profonde. En l’absence de telles mesures, les parcs relais semblent se contenter d’absorber le "trop-plein" d’automobiles, avec parfois des résultats contre-productifs.

Certes, « les transferts modaux ainsi réalisables, même s’ils ne renverront vraisemblablement qu’à des volumes relativement faibles de voyageurs, peuvent ne pas être sans poids sur les conditions de circulation car lorsque l’on est dans une situation de saturation, ou encore de demande de déplacement supérieure à la capacité maximale offerte par l’infrastructure, une diminution très modérée du nombre de véhicules individuels permet d’obtenir des gains significatifs pour l’ensemble des usagers quel que soit leur moyen de locomotion. » 1670 Mais cette amélioration souvent éphémère ne remet pas en cause la dynamique endogène de la domination automobile. La réalisation de parcs relais peut même accroître en heure creuse la pénétration des voitures particulières dans le centre, simplement en reportant en périphérie une partie de la demande de stationnement de longue durée. Ces mécanismes contradictoires peuvent enfin s’insinuer jusque dans l’organisation urbaine. Car, si l’offre de rabattement vise d’abord à maintenir la vitalité du centre ancien, elle peut aussi générer à terme des recompositions antagoniques. En jouant de leur accessibilité et en s’affirmant, dans une société de forte motorisation, comme des vecteurs de rationalisation des programmes d’activités quotidiens des individus, ces pôles d’échange pourraient fort bien « devenir un élément fort de la morphologie et de l’organisation fonctionnelle de la ville de demain » 1671  ; avec toute l’incertitude entourant finalement cette vocation, qui peut aussi bien se traduire par l’offre d’une multipolarité économe en déplacements que par la promotion d’un développement urbain fondé avant tout sur l’accessibilité automobile.

« Aujourd'hui le stationnement apparaît comme le lieu privilégié d’expression des contradictions de la ville. » 1672 On a ainsi pu constater que, là où elles sont les moins nombreuses, les places privées peuvent poser problème autant par leur présence que par leur absence, que les parcs centraux attirent sans soulager, que les emplacements offerts sur la voie publique peuvent susciter une rotation et une mise à disposition élargie mais en étant à l’origine de discriminations effectives, et que les parcs relais organisent un accueil périphérique afin de préserver l’accessibilité du centre. Plus conceptuellement, il apparaît que la politique de stationnement répond à la fois à des intérêts locaux et à des enjeux plus globaux, entre lesquels elle constitue un outil d’ajustement stratégique important. Située à la charnière entre le champ urbain et le champ des déplacements, elle représente également un facteur d’attractivité urbaine et de maîtrise de la circulation automobile, deux dimensions qui ne sont pas forcément faciles à concilier. Or, si elle répond toujours à une demande d’usages particuliers de l’espace, l’offre de stationnement ne peut plus désormais négliger sa correspondance avec la demande de déplacements – correspondance qui participe spatialement au dessin du territoire de l’automobile. 1673 Ainsi, « si l’on imagine une politique systématiquement restrictive du stationnement, le réseau routier perdra en partie sa capillarité et l’automobile une part de son ubiquité (Merlin, 1991, 1992). L’automobiliste ne peut plus alors faire un trajet de "porte à porte". Le réseau routier commence là où est garée sa voiture (relativement loin de la "porte" de départ). Il s’arrête là où l’on peut se garer (assez loin de la "porte" d’arrivée). Le réseau se trouve ainsi amputé des extrémités de ses voies capillaires. Sa couverture spatiale est amoindrie. » 1674 Si cette stratégie est susceptible de réduire les avantages de l’automobile par rapport à d’autres modes de déplacements urbains, on comprend également les réticences qu’elle peut susciter pour des espaces saisis par la crainte d’un déclin ou d’une désaffection et perturbés notamment par la faculté des voitures particulières à aller chercher ailleurs « l’espace qu’on lui mesure chichement dans les centres. » 1675

Là où les conflits d’usage sont les plus exacerbés, l’impuissance à organiser une accessibilité automobile généralisée amène néanmoins à des politiques contestataires dans le sens où elles se font plus explicitement sélectives. Dans des mesures et à des rythmes différents, les édiles tendent ainsi à adopter progressivement des stratégies visant à décourager certains usagers, ne serait-ce que pour assurer de meilleures conditions d’accueil aux autres automobilistes. De ce fait, le stationnement accède à un statut de régulation de l’accès aux zones centrales. Cette fonction va au-delà d’une simple régulation par les prix 1676 pour se définir en vertu de critères propres à la gestion des déplacements mais aussi pour s’établir au profit de certaines activités urbaines. Elle pousse à l’élaboration de stratégies à plusieurs volets répondant aux structures d’intérêts spécifiques de ces champs respectifs. C’est ainsi qu’au regard du champ urbain s’affinent des modalités de régulation qui participent actuellement au renforcement de la position particulière des résidents dans la zone dense et concourent à préserver l’attractivité résidentielle de ces espaces voire à induire un certain renouvellement de la population par le simple effet de l’amélioration des conditions de vie des ménages motorisés. Les enjeux portés par le champ des déplacements invitent pour leur part à orienter au maximum les pendulaires vers les transports collectifs, même s’il faut pour cela heurter certaines positions acquises par ces usagers ou certaines représentations relatives au rôle du stationnement dans le développement économique. Au final, il y a indéniablement pour les formes de régulation publique de nombreux avantages à retirer du passage d’une discrimination effective à une contestation sélective. Pour autant, il convient parallèlement de ne pas dissocier les effets de la politique de stationnement de dynamiques territoriales plus globales. Même si d’éventuelles restrictions peuvent influencer les pratiques territoriales, on ne fréquente pas d’abord un lieu parce qu’on y stationne bien mais parce qu’on a quelque chose à y faire. Sinon pourquoi continuerait-on à se rendre en masse le samedi là où les dispositifs de stationnement sont saturés et où l’accessibilité automobile génère des encombrements ? C’est-à-dire notamment dans certains centres commerciaux périphériques…

Notes
1651.

F. MARGAIL, 1996, op.cit., p.152.

1652.

Ces parcs, réalisés par la CUDL en même temps que la ligne de métro, sont au nombre de deux : le parc relais Les Près, situé au nord-est près de l’autoroute A.22 entre deux zones d’activités ; et le parc relais Saint Philibert, équipement en extension implanté en bordure de la rocade nord-ouest, à proximité du centre commercial, du complexe cinématographique et de l’hôpital Saint Philibert.

1653.

On pourrait appeler ces équipements les "parcs des Portes" : il s’agit en effet des parcs relais de la Porte des Postes, de la Porte d’Arras et de la Porte de Valenciennes, auxquels on peut ajouter celui de Norexpo ; ils offrent respectivement une centaine de places pour les deux premiers, situés le plus loin de l’hypercentre en bordure du tronçon sud du périphérique, et environ 400 places pour les deux derniers, localisés plus près de l’hypercentre.

1654.

Ce sont en général de petits parcs de proximité, situés aux abords des gares et dotés d’un fonctionnement mixte mais utile à un réseau ferré régional bien intégré au réseau urbain (depuis 1986, un "Ticket Plus" permet de circuler sur l’ensemble des réseaux de transport collectif régional et urbain). En 1996, une cinquantaine d’ouvrages de ce type étaient en service. D’initiative locale mais financés à 70% par la Région, l’extension de leur nombre et de leur capacité est prévue par le PDU de l’agglomération lilloise.

1655.

On peut en effet se demander si certains parcs-relais ne sont pas avant tout destinés, à l’instar des parcs publics de l’hypercentre, « à donner de la ville une image dynamique » (M. ALLAMAN, in Diagonal, n°147, janvier-février 2001, p.29).

1656.

chapitre 2-3 du PDU intitulé « Des parcs-relais attractifs et sûrs aux arrêts de métro, de tramway et aux gares », censés souscrire à l’objectif d’un système de transport public de qualité.

1657.

y compris la mise en place d’activités (petits commerces, services, entretien des véhicules, etc.).

1658.

Communauté Urbaine de Lille, Direction Générale des Services Opérationnels, Plan de Déplacements Urbains, op.cit., p.29.

1659.

1994, op.cit., p.84.

1660.

F. MARGAIL, "Intermodalité, report modal et protection de l’environnement en Suisse et en Allemagne", in TEC, n°153, mai-juin 1999, p.44-45.

1661.

Les recherches compilées dans l’étude Parken in der Innenstadt réactualisent en 1983 à 36.000 le nombre de places de stationnement "nécessaire" au centre et prévoient alors de réaliser le solde de 6.000 emplacements manquants dans des parc relais.

1662.

Pour le reste, les tarifs en vigueur apparaissent très variables : ils s’établissent généralement entre 1 et 2 euros (6,56 et 13,12 francs) pour la journée mais ils comprennent divers abonnements dégressifs qui, par mois, oscillent entre 5 et 13 euros (32,8 et 85,3 francs) ; quelques parcs en ouvrage proposent des tarifs encore plus onéreux mais avec des réductions importantes pour les pendulaires utilisant à plusieurs une même voiture.

1663.

L’Etat fédéral peut financer la construction de parc relais jusqu’aux trois-quarts grâce à des subventions qui proviennent de taxes sur les carburants, tandis que la participation du Land est intégrée dans son budget d’investissement pour les transports. Quand aux communes, elles financent ces opérations grâce à un fonds alimenté par le produit financier du stationnement public sur leur territoire (recettes tarifaires et amendes) et par les taxes compensatoires relatives aux places inscrites dans les projets d’aménagement mais non réalisées.

1664.

F. MARGAIL, 1996, op.cit., p.361. « Ainsi Mercedes-Benz, BMW et Volkswagen ont-ils actuellement en projet à Stuttgart, Munich… des études relatives à la gestion de la circulation où une place importante est dévolue aux parcs relais » (ibid.).

1665.

pour Stuttgart Transport Operation by Regional Management. Il s’agit d’un programme régional de recherche et de développement, mené au début des années 90 dans la région du Moyen Neckar, autrement dit sur le territoire du Verband Region Stuttgart, et travaillant sur de nouveaux outils de régulation du système de transport et sur l’expérimentation en grandeur nature d’une gestion intégrée des transports individuels et collectifs permettant d’améliorer les conditions de déplacements. Il s’est effectué dans le cadre d’un partenariat entre le Land du Bade-Wurtemberg, la ville de Stuttgart, les entreprises de transport de la région, des industriels privés et l’Union Européenne. L’information dynamique aux abords des parcs relais ne constitue qu’un des volets de ce programme, qui a également étudié par exemple le développement de technologies de guidage utilisant le système RDS-TMC pour diffuser des informations en temps réel sur les autoradios des automobilistes.

1666.

Ces ouvrages de stationnement ont d’ailleurs déjà prouvé leur efficacité à ce niveau lors de l’organisation de grandes manifestations dans le centre de Stuttgart. Cela fut notamment le cas lors de l’Internationale Gartenbauausstellung (IGA) de 1993, organisée sur un site de l’hypercentre n’offrant que de très faibles possibilités de stationnement. L’association des transports collectifs et des parcs relais a alors fait preuve d’une réelle efficacité pour assurer l’acheminement dans de bonnes conditions des sept millions de visiteurs de cette exposition horticole internationale.

1667.

Des études ont estimé que ce doublement de l’offre pourrait rabattre jusqu’à 60.000 voyageurs supplémentaires vers les transports collectifs.

1668.

F. MARGAIL, 1996, op.cit., p.474.

1669.

notamment en termes de vitesse et de fréquence.

1670.

F. MARGAIL, 1996, op.cit., p.95.

1671.

ibid., p.169.

1672.

J.M. JARRIGE, A.M. FOURRIER, J.N. THOMAS, op.cit., p.9.

1673.

Outre qu’il se donne ici particulièrement à voir en tant qu’émanation du jeu imbriqué des agents publics et privés, ce territoire se réaffirme ainsi comme le produit conjoint d’une offre et d’une demande socialement déterminées. Il concourt également à dépasser l’opposition classique entre circulation – qui procéderait d’un acte collectif – et stationnement – qui relèverait pour sa part d’un acte individuel –, pour intégrer ces deux dimensions dans une même perspective.

1674.

G. DUPUY, 1999, op.cit., p.126.

1675.

G. DUPUY, 1995a, op.cit., p.84.

1676.

régulation par les prix qui est pourtant « un puissant moyen de gestion de la capacité offerte » (in M. Frybourg, R. Prud’homme, op.cit., p.55). Pour l’offre publique plus particulièrement, il est reconnu que la tarification du stationnement « est un instrument efficace de gestion de l’espace urbain qui est un bien disponible en quantité limité, en particulier dans le centre des villes. Elle vise à favoriser les utilisations efficaces : celles qui génèrent une valeur économique pour la collectivité tout en ne consommant d’espace de stationnement que pendant une durée limitée » (in J. Vivier, op.cit., p.12). Cette esquisse de péage urbain ne peut néanmoins se contenter de tarifer l’offre de stationnement au prix du marché afin d’équilibrer l’offre et la demande et se dispenser d’une réflexion sur les types d’usage de l’espace que cette mesure contribuerait alors à pénaliser. En atteignant différents paliers, les tarifs pratiqués contribuent en effet à sélectionner les usagers de l’automobile en chassant en premier les pendulaires non assistés, puis les résidents, les pendulaires assistés, les pendulaires captifs, les visiteurs non professionnels et enfin les visiteurs professionnels.