Certes, « la voiture et l’environnement n’ont jamais fait bon ménage. Pétaradante, salissante et dangereuse, l’automobile des débuts suscita maintes réactions tant dans les villes qu’au fond des campagnes » 1706 et les progrès technologiques qui ont ensuite marqué son histoire ne sont pas parvenus à effacer ces tares originelles. Mais, pendant longtemps, la question de la dégradation de la qualité de l’air en tant que telle n’a pas été socialement reconnue comme un enjeu crucial. « Gêne ou péril, perceptibles ou imperceptibles, les pollutions sont intégrées dans le paysage des sociétés industrielles » 1707 et sont donc soumises à une banalisation qui peut tendre parfois à atténuer la sensibilité des populations en même temps que la vigilance des responsables à leur égard.
Ainsi, en France, en dépit d’alertes et de mises en garde antérieures, ce n’est qu’à partir des années 80 et surtout au cours des années 90 que la lutte contre la pollution de l’air prend véritablement des allures de grande cause locale 1708 et nationale. « En effet, jusqu’à la fin des années quatre-vingt, (…) la communauté scientifique n’a pas encore adopté de position consensuelle sur le caractère d’urgence ou non des mesures à prendre. L’incertitude scientifique est forte sur les vraies causes de la pollution atmosphérique, sur ses conséquences sur la santé publique, sur la pollution globale à l’échelle planétaire et particulièrement sur les questions du réchauffement climatique et de la destruction de la couche d’ozone, sur la responsabilité de la voiture en général et du diesel en particulier dans ses atteintes à l’environnement. Cette incertitude scientifique a aussi des conséquences sur la manière dont la sphère politique gère la question de la réglementation environnementale. Elle l’empêche de se déterminer sur des bases solides. » 1709 Or cette incertitude va commencer à être progressivement levée au cours des années 90. Les avancées essentielles de la décennie portent d’abord sur la définition des risques et des responsabilités des différentes pollutions. Certains travaux connaissent alors un retentissement qui déborde largement les limites du champ scientifique. En France, les résultats d’une recherche rendue publique en février 1996 1710 font notamment grand bruit : outre qu’elle établit un lien de causalité direct entre la pollution atmosphérique et la santé, cette étude épidémiologique marque les esprits en chiffrant le nombre de décès prématurés attribuables à deux polluants de l’air 1711 , les particules en suspension et le dioxyde de soufre ; elle évalue ainsi la surmortalité annuelle par maladies cardio-vasculaires entre 30 et 50 décès à Lyon et entre 260 et 350 décès dans l’agglomération parisienne, auxquels il faut ajouter entre 54 et 83 cas de mortalité prématurée par maladies respiratoires. De l’étude ERPURS 1712 à celle de l’OMS 1713 en passant par les travaux de l’Institut de veille sanitaire 1714 , de nombreuses autres recherches se chargent ensuite d’enfoncer le clou en confirmant à chaque fois l’existence d’une corrélation entre les niveaux de pollution atmosphérique et les problèmes de santé. Même si elles diffèrent sur l’estimation de la mortalité anticipée, ces recherches concourent à faire de la pollution atmosphérique un véritable enjeu de santé publique, en ne manquant jamais de souligner les responsabilités de l’automobile en la matière. « En 1990, la dégradation de l’environnement était un sujet peu mobilisateur pour les français. (…) En 1997, quasiment tous les français sont conscients du fait que la pollution atmosphérique peut avoir des conséquences sur la santé » 1715 et la reconnaissance de l’importance de cet enjeu semble avoir définitivement gagné les pouvoirs publics.
Parallèlement à cette évolution des sensibilités et des représentations, on observe toutefois une amélioration sensible de la qualité de l’air. C’est vrai en tout cas en ce qui concerne la plupart des polluants atmosphériques dont l’impact est local ou régional : les émissions de monoxyde de carbone, de dioxyde de soufre, de Composés Organiques Volatils Non Méthaniques (COVNM) 1716 , de plomb ou d’oxydes d’azote ont ainsi poursuivi au cours de la dernière décennie une baisse souvent amorcée bien avant. 1717 La réduction des pollutions d’origine industrielle est pour beaucoup dans ces progrès, si bien que la part imputable aux transports routiers apparaît souvent à la hausse, alors même que ce secteur a globalement diminué lui aussi ses émissions. Il faut dire que, par rapport à la pollution industrielle, les principaux remèdes à la pollution automobile ont été administrés plus tardivement, avec essentiellement l’introduction des pots catalytiques et l’amélioration des carburants au cours des années 90. Si ces innovations ont aidé à maîtriser certaines émissions de polluants "locaux" et "régionaux" 1718 , les transports routiers n’en demeurent pas moins un vecteur prédominant de pollution atmosphérique en étant à l’origine du rejet de 48% des oxydes d’azote, de 34% du monoxyde de carbone, de 32% des hydrocarbures aromatiques polycycliques et de 24% des COVNM français en 2002 (tableau 26).
Types de polluant |
Effets |
Émissions dues au transport routier en 2002 en France |
CO Monoxyde de carbone |
Il bloque l’oxygénation des tissus et constitue un des éléments les plus directement toxiques pour l’homme |
34% |
COVNM Composés organiques volatils non méthaniques |
Ils irritent les yeux et les muqueuses, certains comme le benzène sont même cancérigènes |
24% |
HAP Hydrocarbures Aromatique Polycyclique |
Certains composés de cette famille, comme le benzo-a-pyrène, ont un caractère cancérigène reconnu |
32% |
Particules |
Les plus petites sont soupçonnées d’être à l’origine d’atteintes respiratoires, d’accidents cardio-vasculaires voire de cancers |
8% du total 13% des PM10 23% des PM1,0 |
Nox Oxydes d’azote |
Ils provoquent des troubles respiratoires, accroissent la sensibilité aux infections microbiennes et contribuent aux pluies acides et à la formation du smog |
48% |
SO2 Dioxyde de soufre |
Les composés sulfureux attaquent les poumons, altèrent la fonction respiratoire et se combinent avec les oxydes d’azote pour produire des pluies acides |
4% |
HFC Hydrofluorocarbures |
Ils contribuent à l’effet de serre |
24% |
CO2 Dioxyde de carbone |
Il est le principal responsable de l’effet de serre |
26% du total brut |
Source : CITEPA / CORALIE format SECTEN – février 2004
Les perspectives apparaissent cependant moins préoccupantes que pour les "polluants globaux" que sont les gaz à effet de serre. Accusés de contribuer au changement climatique de la planète, ces gaz ne parviennent pas pour l’instant à infléchir significativement à la baisse la courbe de leurs émissions et enregistrent même pour certains d’entre eux de sensibles augmentations auxquelles les transports routiers sont rarement étrangers. En France, en 2002, les émissions brutes de dioxyde de carbone – premier responsable de l’effet de serre – sont sensiblement à leur niveau de 1990 et le doivent essentiellement aux transports routiers, dont les rejets n’ont cessé d’augmenter au cours de la dernière décennie et, au-delà, depuis plus de quarante ans. 1719 Ce secteur est aujourd'hui le premier vecteur de cette forme globale de pollution, si bien qu’on peut estimer qu’« à terme, c’est l’effet de serre qui fait peser la plus grande hypothèque sur la croissance du trafic routier : si l’on peut attendre des progrès conséquents en matière de réduction des émissions des polluants classiques, il n’en est rien pour les émissions de CO2 qui sont indissociables du fonctionnement des moteurs à explosion. » 1720 Certes, « les consommations unitaires des véhicules (auxquelles sont directement liées les émissions de CO2) ont baissé en France depuis une vingtaine d’années mais elles n’ont pas suffi pour compenser les effets de la hausse continue des circulations. » 1721 De plus, l’équipement de plus en plus répandu des véhicules en climatisation tend à générer une surconsommation de l’ordre de 25 à 35% en ville. L’ADEME estime alors à 5% les rejets supplémentaires de CO2 qui en découlent, auxquels s’ajoute l’émission d’autres gaz à effet de serre comme les hydrofluorocarbures (HFC).
En raison de cette diversité d’échelle dans les atteintes à l’environnement, la question de la spécification urbaine de la pollution atmosphérique peut être abordée de deux façons différentes, selon que l’on s’intéresse à l’origine spatiale des émissions nocives ou aux conséquences sur l’environnement urbain de la teneur de l’air en polluants de toute sorte.
La première approche a fait l’objet d’estimations statistiques assez précises quant à la part des émissions polluantes d’origine urbaine. « Globalement, la pollution due aux transports routiers est à 40% émise en milieu urbain. Pour ce qui est des voitures particulières, la pollution urbaine représente environ 50% des émissions contre 25% pour les véhicules utilitaires. » 1722 Pour la France, des travaux de l’INRETS 1723 donnent pour 1990 une première clef de répartition spatiale en ce qui concerne les émissions de différents polluants (tableau 27) : s’il apparaît que les hydrocarbures et le monoxyde de carbone sont d’origine essentiellement urbaine, et dans des proportions bien supérieures à ce que la distribution des trafics ne le laisse prévoir, c’est que pour ces substances et au contraire des oxydes d’azote, les quantités émises sont une fonction décroissante de la vitesse 1724 ; les proportions calculées pour le dioxyde de carbone (40%) confirment, mais sans amplification, l’intérêt premier de la circulation urbaine dans l’optique d’une maîtrise de ces rejets dans l’atmosphère. « Une autre étude permet de préciser la situation urbaine et le rôle de l’automobile. Elle montre que la ville concentre la pollution des moteurs thermiques : sur l’ensemble des émissions de CO, 66% sont dues aux véhicules légers en ville, les valeurs correspondantes étant de 74% pour les hydrocarbures et 36% pour les NOx. » 1725 En outre, que ce soit pour des raisons qui lui sont extérieures – « la tertiairisation des activités urbaines, [les] mesures antipollution dans l’industrie et pour le chauffage » 1726 – ou qui lui sont proches – l’accroissement de la motorisation et de la mobilité –, la responsabilité de l’automobile dans la pollution atmosphérique d’origine urbaine tend à apparaître à la hausse, alors même que les rejets unitaires des véhicules ont été réduits. En dépit d’indéniables progrès, la voiture particulière reste ainsi le mode de transport urbain le plus polluant, sachant que globalement, par rapport au nombre moyen de personnes qu’il transporte, un bus pollue nettement moins qu’une voiture. 1727
Polluants | sur route | sur autoroute | sur voie urbaine |
CO | 26% | 10% | 64% |
CO2 | 35% | 25% | 40% |
Hydrocarbures | 18% | 10% | 72% |
NOx | 41% | 36% | 23% |
Particules | 32% | 40% | 28% |
Consommation | 33% | 23% | 44% |
Trafic | 45% | 19% | 36% |
Source : INRETS
Si elle ne bouleverse pas cette hiérarchie des responsabilités, l’étude de la qualité de l’air urbain permet d’affiner l’observation des lieux et des modes d’action des différents polluants. A cet effet, il est utile de distinguer deux niveaux de pollution : un niveau primaire émanant d’une pollution locale, sensible ou non, que l’on rencontre au voisinage des sources de rejets, avec des pics périodiques ou ponctuels et dont la dispersion finit par soumettre les zones urbaines à un fond de pollution quasi permanent, en se mêlant à d’autres émissions plus diffuses 1728 ; un niveau secondaire, consécutif aux réactions chimiques portant sur certains polluants primaires et transformant la pollution locale en une pollution régionale dont les nuisances n’affectent pas exclusivement les espaces urbains. Pour ajouter à la complexité, rappelons également que l’atmosphère est composée de centaines de substances d’origine et de nature chimique très variées et qu’il s’avèrerait à la fois impossible et vain de mesurer en routine tous les polluants présents. Seuls quelques uns d’entre eux font donc l’objet d’une surveillance, avec l’ambition de servir d’indicateurs de pollution atmosphérique. Actuellement, en France, les quatre polluants les plus traqués – qui servent d’ailleurs dans les agglomérations urbaines au calcul de l’indice Atmo 1729 – sont le dioxyde de soufre, le dioxyde d’azote, l’ozone et les particules fines en suspension. Or, dans ce panel, la pollution soufrée est la seule à ne pas mettre significativement en cause l’automobile : le dioxyde de soufre est essentiellement produit par les industries et les installations de chauffage domestique, d’où des pics hivernaux aggravés par la fréquence en cette saison de mauvaises conditions de dispersion des polluants. 1730 Pour le reste, la circulation automobile demeure au cœur des questions de pollution de l’air, telles qu’elles sont auscultées dans nos villes. Elle est au moins pour les trois-quarts à l’origine de la pollution urbaine au dioxyde d’azote, dont les pics souvent hivernaux peuvent être amoindris par une réduction du trafic et de la vitesse. Elle n’est responsable que du tiers environ des rejets de particules en zone urbaine mais occupe néanmoins une place spécifique du fait de l’implication des véhicules diesel dans l’émission des particules les plus fines, particulièrement nocives pour la santé. 1731 Elle représente enfin la source essentielle de la principale pollution urbaine estivale, la pollution à l’ozone, qui a atteint durant l’été 2003 des niveaux records : l’ozone est en effet produit par l’action du soleil sur plusieurs précurseurs d’origine essentiellement automobile, dont les oxydes d’azote, les hydrocarbures ou encore le monoxyde de carbone ; et, si les recherches en cours tendent à souligner que la formation comme la résorption d’ozone troposphérique restent fortement dépendantes des facteurs météorologiques 1732 , cela n’évacue aucunement la responsabilité de ces polluants primaires. Ces données sur la pollution urbaine appellent deux observations complémentaires. D’abord, au-delà du débat sur le choix des indicateurs de qualité de l’air, il ne faut pas s’arrêter à l’étude de chaque polluant pris séparément mais s’intéresser aux effets synergiques inhérents à la combinaison des différentes substances. Ensuite, l’artificialisation des espaces urbains ne doit pas faire oublier le rôle des paramètres physiques et des conditions naturelles dans des phénomènes de pollution atmosphérique qui, par exemple, sont aussi sensibles aux données topographiques 1733 et ignorent les découpages territoriaux. Cependant, l’essentiel demeure la primauté de la contribution de l’automobile à la pollution de l’air urbain, qui fait de ce moyen de transport la cible prioritaire des politiques environnementales.
L’accord sur la cible n’amène pas pour autant un consensus sur les moyens de ces politiques. En fait, afin de lutter contre les atteintes de l’automobile à la qualité de l’air, deux types de solutions se dégagent, selon que l’on estime que le remède sera avant tout technologique ou que l’on considère qu’une réorganisation plus profonde des déplacements s’avère nécessaire.
Les tenants de la voie technologique s’appuient sur les progrès déjà réalisés sur les véhicules et les carburants 1734 pour arguer qu’elle constitue le moyen le plus rapide et le plus efficace permettant d’améliorer encore l’efficacité environnementale et énergétique de l’automobile. Ces améliorations, généralement suscitées par l’évolution de la réglementation 1735 , ne résistent toutefois pas toujours aux tendances d’un marché qui voit les consommateurs exprimer davantage une exigence de performance, d’équipement ou de confort que le souci d’investir dans un véhicule "propre". 1736 Surtout, outre les carences de ce champ d’action, ce sont ses limites intrinsèques qui sont à mettre en exergue. En effet, « on constate en France des réductions de consommation (plus de 25% depuis 1974) obtenues sur les nouveaux modèles. Une voiture neuve vendue en 1997 produit 15 fois moins de monoxyde de carbone et 7 fois moins d’hydrocarbures et d’oxyde d’azote qu’une voiture vendue en 1971. Mais ces progrès sur les véhicules vendus s’évanouissent lorsque l’on mesure la consommation de carburant et les pollutions à l’échelle nationale. (…) Comment donc réduire les problèmes énergétiques et écologiques si l’on ne maîtrise pas la croissance de la demande automobile qui les amplifient sans cesse ? » 1737 Or, jusqu’à présent, les gains techniques réalisés sur les nouveaux véhicules se sont trouvés largement gommés par la progression de la circulation automobile, consécutive à la croissance du parc et de la mobilité. C’est pourquoi, si les progrès technologiques apparaissent nécessaires et utiles à la résorption de la pollution atmosphérique, ils restent aussi clairement insuffisants et ne peuvent prétendre faire de la gestion des déplacements urbains une question subalterne. 1738
En France, le premier véritable rapprochement entre les préoccupations relatives à la qualité de l’air et les instruments de régulation des déplacements urbains s’est effectué en 1996 par l’intermédiaire de la loi sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie. 1739 Ce texte, dont le préambule résonne comme une forme de déclaration des droits de l’homme à la qualité de l’air 1740 , vise à améliorer les dispositifs de surveillance de la pollution et d’information des populations 1741 et institue des procédures de planification spécifiques destinées à réduire les rejets de polluants atmosphériques. 1742 Mais il réactive surtout les plans de déplacements urbains, dont la vocation à intervenir en amont sur la demande de déplacements et à agir sur la répartition modale est instrumentalisée à des fins environnementales : la loi sur l’air rend obligatoire l’élaboration d’un PDU dans les agglomérations de plus de 100.000 habitants et cherche ainsi à inscrire l’organisation des déplacements urbains dans une perspective de développement durable qui passe par une diminution du trafic automobile. L’impact de cette politique sur le fond des problèmes atmosphériques est encore difficile à évaluer, d’autant que ses effets devraient porter principalement sur le moyen et le long terme. Il serait néanmoins injuste de ne pas mettre dès à présent au crédit d’une loi sur l’air, certes moins ambitieuse que prévue 1743 et instigatrice de PDU au contenu encore inégal et souvent bien timide 1744 , des avancées réelles au niveau des mesures d’urgence : la plus spectaculaire réside dans l’autorisation donnée au préfet de mettre en place « un dispositif de restriction ou de suspension des activités concourrant aux pointes de pollution, y compris le cas échéant de la circulation des véhicules » 1745 , lorsque, pour certains polluants, les seuils d’alerte sont atteints ou risquent de l’être.
Pour lutter contre les problèmes de pollution atmosphérique, la combinaison des deux champs d’intervention apparaît donc indispensable. En effet, si les progrès à attendre des actions portant sur la réduction des émissions unitaires ont leurs limites, la voie technologique peut encore conduire à des améliorations substantielles. En jouant notamment sur le développement de nouveaux carburants 1746 , elle doit également permettre de répondre efficacement à des problèmes globaux, comme les émissions de gaz à effet de serre ou la question énergétique, pour lesquels les actions publiques locales souffrent à leur échelle du manque de visibilité de leurs effets. Parallèlement, les mesures de régulation des déplacements urbains peuvent certes peiner à s’imposer aux organisations spatiales et aux comportements de mobilité mais elles n’en conservent pas moins une importance cruciale en s’attaquant à l’agrégation des pratiques et des données individuelles. En cela, elles s’appuient d’ailleurs sur les enjeux atmosphériques pour s’efforcer d’améliorer les conditions globales de mobilité urbaine et agir sur les autres nuisances de l’automobile.
G. DUPUY, 1995a, op.cit., p.43.
P. GEORGE, 1974, op.cit., p.114.
Il faut ainsi se souvenir qu’au début des années 90, la pollution atmosphérique n’apparaît pas encore au premier rang des préoccupations locales. « Selon l’enquête menée par le Bipe en 1992, les communes françaises n’accorderaient qu’une priorité relativement faible à la qualité de l’air si on la compare aux autres préoccupations liées à l’environnement urbain : seulement 10% des 450 communes ayant répondu à l’enquête du Bipe considèrent qu’un réseau de mesure de la pollution de l’air est une action prioritaire. Les domaines considérés comme les plus prioritaires sont la propreté des rues (87%), l’aménagement des espaces verts (86%) et l’alimentation en eau potable (70%) » (in R. JOUMARD, C. LAMURE, J. LAMBERT, F. TRIPIANA, Politiques de transport et qualité de l’air dans les agglomérations, INRETS, Rapport LEN n°9515, octobre 1995, p.36).
Parc automobile et effet de serre, Les cahiers du CLIP, n°12, mars 2001, p.79.
P. QUENEL, D. ZMIROU, A. LE TERTRE, F. BALDUCCI, S. MEDINA, T. BARUMANDZADEH, Y. LE MOULLEC, P. RITTER, B. FESTY, W. DAB, Impact de la pollution atmosphérique urbaine de type acido-particulaire sur la mortalité quotidienne à Lyon et dans l’agglomération parisienne, Etude du réseau national de santé publique dans le cadre du projet APHEA (Air Pollution and Health : a European Approach), 1996.
Elle accomplit alors une révolution méthodologique fondamentale en abandonnant un raisonnement en termes de risques "relatifs" – notion fréquemment utilisée en épidémiologie et qui consiste à situer la probabilité de survenue d’un événement de santé chez des personnes exposées à un risque par rapport à celles qui n’y sont pas exposées – pour présenter les résultats de savants calculs sous forme de risques "attribuables" – qui constituent de nouveaux outils de mesure permettant de situer l’importance du phénomène de "surmortalité" induit par la pollution atmosphérique. Cette démarche n’est néanmoins pas une nouveauté absolue, dans la mesure où elle a été auparavant développée dans d’autres pays et plus particulièrement aux Etats-Unis.
ERPURS signifie "évaluation des risques de la pollution urbaine pour la santé". Cette étude, publiée en 1998 et dirigée par l’Observatoire régional de santé d’Ile-de-France, porte sur l’agglomération parisienne entre 1987 et 1995. Si elle souligne que les coûts sanitaires de la pollution de l’air ne sont pas uniquement liés aux épisodes de pollution mais également aux conséquences sur des populations fragiles d’une exposition constante à une pollution de fond, elle établit surtout des liens à court terme entre les indicateurs de pollution et de santé : l’ozone est ainsi statistiquement associé à une hausse maximale de 4,8% de la mortalité en Ile-de-France, toutes causes confondues ; toujours pendant l’été, elle estime que la mortalité d’origine respiratoire augmente de 8% en cas de hausse du niveau de NO2, ; en hiver, la mortalité d’origine cardiovasculaire, en relation avec une exposition au SO2 à un niveau moyen de pollution, augmente quant à elle de 2% ; enfin, les hospitalisations pour affections des voies respiratoires, essentiellement liées aux particules et au NO2, peuvent augmenter jusqu’à 7% lors des pics de pollution, alors que les visites médicales à domicile sont en hausse de 40% en cas de fortes émissions de SO2, de 53% avec de fortes concentrations de particules et de 23% lors de pollutions au NO2.
Une étude de l’OMS, dirigée par le docteur Nino Künzli, a été publiée le 2 septembre 2000 dans la revue britannique The Lancet. Elle estime que la pollution atmosphérique est à l’origine chaque année de plus de 40.000 décès en France, en Suisse et en Autriche, dont la moitié du fait des gaz d’échappement des véhicules automobiles. A elle seule, la France compterait plus de 30.000 victimes (chiffre moyen estimé, la fourchette statistique allant de 19.200 à 44.000), dont 17.600 imputables à la pollution automobile (estimation moyenne pour une fourchette comprise entre 10.700 et 24.700). L’étude considère également que les transports routiers sont à l’origine de la survenue annuelle de 25.000 nouveaux cas de bronchite chronique et de plus de 500.000 crises d’asthme. L’originalité de cette étude épidémiologique est de s’intéresser non pas aux conséquences des seules pointes de pollution mais aux effets à long terme d’une exposition chronique à une pollution de fond, ce qui explique ces estimations d’une toute autre ampleur.
L’institut de veille sanitaire, créé par la loi de 1998 sur la sécurité sanitaire, publie en 2002 les résultats d’une étude lancée par le réseau national de santé publique dans neuf villes françaises dont Lyon et Lille. Ils mettent une nouvelle fois en évidence un lien entre pollution atmosphérique et mortalité anticipée, en estimant que, chaque année dans ces villes, la pollution atmosphérique précipite 2.800 décès.
Parc automobile et effet de serre, op.cit., p.17. Une enquête réalisée par le CREDOC montre bien cette prise de conscience de la population vis-à-vis de la pollution atmosphérique (cf. ADEME, Les Français et l’environnement : attitudes et comportements, Paris, Editions de l’ADEME, 1997).
Ce type de polluant regroupe en fait une multitude de substances et ne correspond pas à une définition très rigoureuse. Il s’agit principalement d’hydrocarbures dont l’origine est soit naturelle, soit liée à l’activité humaine. Il est fréquent de distinguer séparément le méthane, qui est un composé organique volatil particulier, naturellement présent dans l’air, des autres pour lesquels on emploie alors la notation Composés Organiques Volatils Non Méthaniques (COVNM).
voir l’annexe 6 pour plus de détails sur la pollution atmosphérique et son évolution.
comme les émissions de plomb, qui ont chuté avec l’introduction et la généralisation de carburants sans plomb et avec l’équipement des véhicules en pots catalytiques (depuis 1993 pour les voitures à essence et depuis 1997 pour les voitures diesel), ou même comme les émissions de dioxyde de soufre, dans lesquelles les transports routiers n’ont toujours joué qu’un rôle mineur mais qui ont néanmoins bénéficié de la baisse des teneurs en soufre des carburants, notamment du gazole.
La permanence des rejets de CO2 dans l’atmosphère a cependant été compensée par les baisses enregistrées pour d’autres gaz, si bien que les émissions totales de gaz à effet de serre exprimées en terme de pouvoir de réchauffement global (PRG) se situent pour l’année 2002 à environ 3% au-dessous de celles de 1990. Si les tendances observées pour le dioxyde de carbone se confirment, l’objectif de stabilité des rejets de gaz à effet de serre direct fixé dans le cadre du protocole de Kyoto devra compter sur les réductions acquises sur les autres gaz. Néanmoins, certains comme les HFC ont connu une augmentation importante (+180% entre 1990 et 2002), dont les transports routiers sont en partie responsables.
Y. CROZET (dir.), A. ARABEYRE, L. GUIHERY, M. PEREZ, J.P. NICOLAS, G. SANTI, Les effets externes en milieu urbain : de la valorisation à l’internalisation, LET, Recherche réalisée pour le compte de la SNCF Direction de la Stratégie et du Plan, novembre 1993, p.17.
Parc automobile et effet de serre, op.cit., p.11. Ajoutons également que les véhicules mis sur le marché apparaissent de plus en plus puissants et de mieux en mieux équipés et que ces données, si elles n’ont pas empêché une baisse des émissions unitaires de CO2, ont inévitablement « limité les progrès envisageables dans ce domaine » (ibid., p.31). Par ailleurs, des équipements comme la climatisation des véhicules sont directement responsables du rejet d’hydrofluorocarbures (HFC) dans l’atmosphère. Or, ces composés, qui n’avaient pas d’applications importantes avant l’adoption du protocole de Montréal interdisant les CFC, participent également à l’effet de serre et ont vu leurs émissions croître de manière spectaculaire depuis 1993. Ces remarques incitent à mettre plus particulièrement les voitures particulières – dont les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 20% entre 1990 et 1998, pour représenter aujourd'hui plus de la moitié de la part du transport routier – et leurs équipements de confort et de sécurité au cœur des problématiques de lutte contre l’effet de serre (cf. IFEN, La voiture particulière et le chauffage contribuent de façon croissante à l'effet de serre, Les données de l’environnement n° 61, décembre 2000).
Y. CROZET et al., 1993, op.cit., p.124.
INRETS, Evolution des émissions de polluants par les transports en France de 1970 à 2010, Rapport INRETS n°143, seconde édition, juillet 1991.
La faiblesse relative de l’origine urbaine des particules tient en revanche davantage au fait que ces émissions demeurent prioritairement attachées aux véhicules utilitaires et que les responsabilités de ces derniers en matière de pollution n’apparaissent que minoritairement urbaines.
G. DUPUY, 1995, op.cit., p.48.
G. DUPUY, 1995a, op.cit., p.45.
Pour une comparaison plus détaillée des modes de transports urbains et de leur responsabilité en matière de pollution, voir A. MORCHEOINE, "Transports, énergie, environnement. Quels enjeux ?", in TEC, n°157, janvier-février 2000.
qui proviennent notamment de vastes zones résidentielles ou commerciales (chauffages individuels, trafics d’accès, etc.).
L’indice Atmoa été conçu à l’initiative du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement afin de qualifier la qualité de l’air d’une unité urbaine homogène. Construit à partir des quatre polluants susmentionnés, cet indice se veut représentatif de la pollution atmosphérique urbaine de fond d’une agglomération. Il est calculé à la journée et est présenté sous forme d’un chiffre synthétique de l’état de l’air associé à un qualificatif, de 1 « très bon » à 10 « très mauvais ».
En effet, une fois émis, les polluants se dispersent plus ou moins facilement dans l’air en fonction des conditions météorologiques. Le vent assure leur dispersion horizontale et le profil de température de l’atmosphère facilite ou non leur diffusion verticale. Or, l’hiver est une saison propice au phénomène d’inversion de température : en situation normale, dans les basses couches de l’atmosphère, la température décroît régulièrement avec l’altitude, ce qui permet aux polluants émis de s’élever naturellement avec l’air chaud et de se mélanger avec l’air ambiant ; mais, si l’air est plus froid au sol qu’en altitude, il a tendance à stagner en y maintenant les polluants ; ce phénomène d’inversion, qui se produit naturellement la nuit, peut persister plusieurs jours, surtout en hiver où l’ensoleillement est faible, les nuits longues et le sol très froid, et la situation devient alors préoccupante du fait de l’accumulation des polluants, bloqués sous un véritable couvercle d’air chaud.
Plus les particules sont fines, plus elles pénètrent profondément dans l’appareil respiratoire et plus leur temps de séjour y est important. Elles ont alors une double action liée aux particules proprement dites et aux polluants qu’elles transportent (métaux, hydrocarbures, dioxyde de soufre, etc.) : elles irritent le système respiratoire humain et peuvent contribuer au déclenchement de troubles et de maladies aigus.
L’ozone, qui est salutaire dans les hautes couches de l’atmosphère en jouant un rôle filtrant des rayons ultraviolets émis par le soleil (couche d’ozone stratosphérique), est un polluant très toxique pour l’homme, vecteur d’irritation des yeux, de la gorge et des bronches, quand il est au ras du sol, dans les couches basses de l’atmosphère (ozone troposphérique). Dans sa formation, l’ensoleillement sert de déclencheur, la température intervient comme accélérateur des réactions chimiques et le vent comme facteur de dispersion mais également de transport de cette pollution. La survenue d’épisodes de pollution photochimique à l’ozone, qui touche souvent une grande aire géographique, n’en est pas moins révélatrice de l’état chronique de la pollution de fond des basses couches de l’atmosphère. Leur résorption apparaît alors comme un problème complexe et la réduction des sources polluantes automobiles n’a pas forcément d’influence immédiate sur la concentration en ozone, dans la mesure où celle-ci est souvent due en grande partie aux masses d’air atmosphériques chargées de ce polluant qui arrivent sur les agglomérations.
Les effets des reliefs locaux, combinés avec l’influence des vents, peuvent engendrer de nombreuses situations particulières, favorisant la stagnation des polluants ou leur rabattement au sol et créant ainsi des zones à fort potentiel local de pollution. En influant sur les conditions de dispersion des polluants, certains sites contribuent à rendre les espaces urbains qu’ils accueillent atmosphériquement sensibles. C’est le cas de Lyon et de Stuttgart qui, contrairement à Lille, sont deux villes au relief contraignant et sujettes en hiver à des phénomènes d’inversion de température. La capitale souabe dispose pourtant depuis la seconde guerre mondiale de données sur les flux d’air circulant à basse altitude dans la cuvette qui abrite son centre-ville, ce qui l’a conduit à prendre en compte la circulation de l’air dans son plan de reconstruction en aménageant des couloirs de passage des vents préservés de toute construction et qui améliorent sensiblement la dispersion des polluants.
Pour répondre aux nouvelles normes de pollution, les constructeurs automobiles et les pétroliers ont investi massivement dans la recherche et ont déjà apporté de nombreuses améliorations techniques aux véhicules comme aux carburants : l’injection directe, le pot catalytique, le filtre à particules pour les véhicules diesel, le carburant sans plomb ou encore le gazole désulfuré apparaissent comme autant de progrès vers une automobile moins polluante.
Cette évolution réglementaire, pilotée à l’échelon nationale, est aussi encadrée par les engagements internationaux de chaque pays. Les autorités françaises se sont ainsi engagées dans le cadre de plusieurs conventions et protocoles relatifs à la pollution atmosphérique à réduire, selon différents échéanciers, les quantités de certains polluants rejetés dans l’air : un premier protocole soufre signé à Helsinki en 1985, un protocole relatif aux NOx signé à Sofia en 1988, un protocole relatif aux COV signé à Genève en 1991, un second protocole soufre signé à Oslo en 1994 ou encore un protocole relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique signé à Göteborg en 1999 fixent alors pour la France des plafonds d’émissions à ne pas dépasser. En matière de gaz à effet de serre, un des premiers actes significatifs de la lutte mondiale contre le changement climatique a été la convention-cadre signée en 1992 à Rio lors du Sommet de la Terre. Les pays développés, les pays en transition et l’Union européenne s’y sont engagés à stabiliser d’ici à l’an 2000 leurs émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990. Le protocole de Kyoto, adopté en 1997, prévoit une nouvelle réduction des émissions à l’horizon 2008-2012 : l’Union Européenne s’engage alors sur une diminution de 8% par rapport à 1990 et la France sur une stabilisation de ses émissions. La mise en œuvre de ce protocole, si elle n’est pas sans difficultés (les différends concernant le crédit qui peut être tiré des puits de carbone ou les modalités du système international d’échanges de crédit d’émissions conduisent en 2000 à l’échec de la conférence de La Haye, avant que le nouveau président des Etats-Unis ne retire finalement l’adhésion de son pays à l’ensemble du protocole en mars 2001), est finalement scellée en juillet et novembre 2001 par les accords de Bonn et de Marrakech, qui en fixent les modalités d’application pour les Etats signataires. Néanmoins, avant même la ratification du protocole de Kyoto par l’Union Européenne en 2002, la France a déjà commencé à transcrire quelques unes de ses orientations dans un Programme National de Lutte contre le Changement Climatique (cf. A. CORFDIR, "Le programme national de lutte contre l’effet de serre et les transports", in TEC, n°161, septembre-octobre 2000, p.2-6).
Or, tant que les performances en matière de pollution atmosphérique n’entreront pas véritablement dans les paramètres de choix des consommateurs, il est vraisemblable que les constructeurs ne feront pas porter tous leurs efforts sur cette dimension. Ainsi, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, l’augmentation de la puissance des véhicules ou encore le développement de la climatisation sont à l’heure actuelle des tendances du marché qui nuisent à la réduction des émissions polluantes des automobiles.
G. DUPUY, 1999, op.cit., p.4.
D’autant plus que « la pollution est aggravée par le type de conduite en milieu urbain (surconsommations liées aux accélérations et aux freinages, moteurs froids avec starters, inefficacité de la catalyse pour moteurs froids, trajets courts). Les effets positifs de la réglementation se voient ainsi limitées par ces caractéristiques de conduite, l’accroissement de la mobilité, la croissance globale du parc et la lenteur de son renouvellement (treize ans) » (in SYTRAL, Rapport final du groupe de travail Environnement, Cadre de vie et Déplacements du Plan de Déplacements Urbains de Lyon, mai 96, p.3).
En Allemagne, la législation nationale apparaît moins contraignante mais sans que cela ne nuise à la vitalité du rapprochement entre la problématique environnementale et celle des déplacements. Certes, une loi fédérale sur l’ozone a été adoptée en juillet 1995 pour unifier les réglementations régionales disparates en matière d’alerte atmosphérique. Elle a notamment conduit certains Länder, dont celui du Bade-Wurtemberg, à décider à l’été 1998 de restrictions de circulation pour lutter contre les pics de pollution à l’ozone : à cette occasion, seuls les véhicules non polluants munis d’un pot catalytique et de la "pastille verte" allemande ont été autorisés à circuler. Mais, hors de ces procédures d’alerte, ce sont d’abord les réglementations régionales qui encadrent le rapprochement entre la régulation des déplacements urbains et la lutte contre la pollution atmosphérique. Le plan pour la qualité de l’air (Luftreinhalteplan) élaboré par le Land du Bade-Wurtemberg – qui apparaît comme un des précurseurs en la matière – se fixe ainsi un objectif de réduction de 25% des émissions de NOx et préconise donc une diminution des émissions automobiles. Pour cela, un catalogue global de mesures associé à un échéancier de mise en œuvre est défini : il prévoit l’instauration de nouvelles limitations de vitesse sur les axes de circulation, la protection de certains espaces par des zones Tempo-30, la mise en place d’une réglementation spécifique pour le stationnement résidentiel dans le centre-ville de Stuttgart et de nouvelles améliorations concernant les transports collectifs.
L’article premier de la loi du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie indique en effet que « l’Etat et ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics ainsi que les personnes privées concourent, chacun dans le domaine de sa compétence et dans les limites de sa responsabilité, à une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. »
La loi sur l’air entreprend d’opérer un renforcement des contrôles assorti d’une obligation d’information du public sur la qualité de l’air qu’il respire. Ainsi, le texte de loi spécifie qu’un « dispositif de surveillance de la qualité de l’air et de ses effets sur la santé et sur l’environnement sera mis en place au plus tard pour le 1er janvier 1997 dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants, pour le 1er janvier 1998 dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, et pour le 1er janvier 2000 pour l’ensemble du territoire national. » De même, elle stipule que, « lorsque les objectifs de qualité de l’air ne sont pas atteints ou lorsque les seuils d’alerte et valeurs limites mentionnés à l’article 3 sont dépassés ou risquent de l’être, le public en est immédiatement informé par l’autorité administrative compétente. Cette information porte également sur les valeurs mesurées, les conseils aux populations concernées et les dispositions réglementaires arrêtées. »
Ces procédures tiennent dans l’adoption de deux documents d’orientation : les plans régionaux pour la qualité de l’air (PRQA) et les plans de protection de l’atmosphère (PPA). Les PRQA sont élaborés par les préfets de région et sont adoptés après consultation du public, des collectivités locales et après avis des conseils régionaux. Ils fixent les orientations devant permettre d’atteindre les objectifs de qualité de l’air arrêtés au plan national. Dans toutes les agglomérations de plus de 250.000 habitants ainsi que dans les zones où les valeurs limites sont dépassées ou risquent de l’être, les préfets élaborent un plan de protection de l’atmosphère, qui doit être compatible avec les orientations du PRQA. Ces PPA, qui engagent l’action des autorités compétentes en matière de police, ont pour objet, dans un délai qu’ils fixent, de ramener à l’intérieur de la zone concernée la concentration en polluants dans l’atmosphère à un niveau inférieur aux valeurs limites et de définir les modalités de la procédure d’alerte.
Le texte de loi a été en effet dépouillé de quelques-unes de ses mesures les plus ambitieuses. Ainsi, contrairement aux propositions initiales, il n’a pas été possible d’imposer des liens plus forts entre transport et urbanisme et, surtout, l’essentiel des mesures fiscales destinées à financer les dispositions de la loi a été supprimé : l’abandon des projets de taxes additionnelles, prélevées sur la TIPP et sur les immatriculations, a marqué le renoncement à une dotation en moyens autonomes et en recettes pérennes pour atteindre les objectifs visés par la loi et a donc contribué à soumettre la mise en œuvre des mesures préconisées au bon vouloir des exercices budgétaires successifs.
Le GART et le CERTU ont publié en novembre 2000 une étude très critique sur la teneur des PDU adoptés dans les agglomérations françaises, étude dont les conclusions n’ont pas été démenties lors du bilan de la loi sur l’air établi en février 2001 par le président du conseil national de l’air (organisme consultatif créé en 1998). Ce dernier a été jusqu’à évoquer à cette occasion un « détournement de l’esprit de la loi sur les PDU » ("Les maires de grandes villes ont tardé à lutter contre la pollution atmosphérique", in Le Monde, jeudi 1er mars 2001, p.9), en dénonçant la vacuité de certains documents, manifestes électoraux, PDU-croupions ou simples gadgets qui ne s’attaquent pas véritablement aux problèmes environnementaux. Ainsi, rares sont les plans qui avancent une évaluation environnementale de leur choix et la plupart ne proposent d’ailleurs pas d’engagements de nature à servir de base à une estimation sérieuse de leur impact sur la pollution atmosphérique. En ce qui concerne nos terrains, le PDU de Lyon se fixe toutefois des objectifs de qualité pour les rejets de NO2 et de particules dans l’agglomération, avec comme objectif à dix ans de contenir ces polluants particulièrement caractéristiques de la circulation automobile en dessous des valeurs guides suivantes : pas de concentration de dioxyde d’azote supérieure à 135 microgrammes/m3 plus de 175 heures par an et pas de dépassement d’une concentration de 50 microgrammes/m3 pour les particules. Quant au PDU de l’agglomération lilloise, il se borne à reprendre à son compte, par anticipation, les objectifs du PPA à venir en promettant de respecter, « dans les plus brefs délais », les normes définies pour le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, les particules en suspension et le plomb mais il est vrai aussi que, compte tenu des différences de contraintes géographiques, la question de la pollution atmosphérique ne se pose tout à fait dans les mêmes termes dans la métropole du Nord.
article 12 de la loi du 30 décembre 1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie. Les polluants en question sont aujourd'hui le dioxyde d’azote et l’ozone, pour lesquels des seuils d’alerte de niveau 1, 2 et 3 sont définis. Le dispositif obligatoire relevant du niveau 2 (niveau de recommandation) concerne uniquement l’information du public et des personnes à risques ainsi que des consignes de limitation de vitesse. En revanche, la procédure applicable en cas de niveau 3 (niveau d’alerte) permet, en plus de la gratuité du stationnement résidentiel et des transports publics, le recours à la circulation alternée : à cette occasion, seuls les véhicules dont la plaque d’immatriculation correspond au jour d’alerte et ceux munis de la pastille verte sont autorisés à circuler – on peut estimer que cela revient tout de même à laisser rouler plus de 85% du parc automobile. Jusqu’à présent, cette procédure de restriction de circulation n’a été déclenchée qu’une seule fois, le 1er octobre 1997 à Paris, mais des débats portent sur les seuils choisis pour le niveau d’alerte : en ce qui concerne l’ozone, ce seuil a d’abord été fixé par la loi sur l’air à 360 microgrammes par m3, avant d’être abaissé tardivement à 240 microgrammes par m3 pour respecter une directive européenne ; ce seuil de 240 microgrammes par m3 correspond d’ailleurs à un niveau encore deux fois supérieur à la norme préconisée par l’OMS.
Au-delà de l’amélioration des performances environnementales des carburants classiques et outre l’énergie électrique, plusieurs types de carburants alternatifs – comme le gaz naturel pour véhicules (GNV), le gaz de pétrole liquéfié (GPL), le diester (fabriqué à partir de colza), l’éthanol (issu de la betterave et du blé), l’aquazole (consistant en une adjonction d’eau au gazole) – semblent en effet riches de promesses mais restent encore confidentiels à ce jour. Il faut dire que le champ énergétique apparaît fortement structuré par les rapports de pouvoir établis et que cela le prédispose assez peu à des bouleversements rapides : alors que les découvertes et les nouveautés y sont potentiellement nombreuses, le jeu qui l’anime demeure largement verrouillé par les grands groupes industriels qui, compte tenu des enjeux et des intérêts en jeu, cherchent à garder la maîtrise des innovations.