9.3.2. Les centres d’agglomération amorcent-ils une réelle contestation de l’automobile ?

Loin de constituer des espaces figés au sein des organisations urbaines, les centres d’agglomération – cette ville héritée riche de son patrimoine, de son histoire et de ses équipements – ont subi nombre de transformations depuis l’avènement de l’automobile comme moyen de transport urbain de masse. Tout en donnant parfois le sentiment d’être victime de cette évolution, ces lieux emblématiques de la ville européenne ont néanmoins développé des stratégies originales au sein du champ urbain. Que ce soit en matière de politique de déplacements ou plus largement de politiques urbaines, ils ont affirmé une réelle spécificité faite de résistances et d’attentions particulières de la part des pouvoirs publics. D’où notre intérêt pour l’articulation qui a pu être réalisée à cette occasion entre les actions d’urbanisme et de déplacements.

L’originalité de ces "espèces d’espaces" se forge d’abord dans leur rapport aux structures bâties et fonctionnelles dont ils héritent : entre tentation de modernité et de rénovation, et volonté de conservation et de réhabilitation, les politiques de renouvellement urbain qui animent l’évolution des centres d’agglomération semblent chercher à résister à la constitution de la ville de l’automobile, qui s’effectue de manière discontinue à ses franges et au-delà, même si cela ne se fait pas sans concession. Plus largement, ces "espèces d’espaces" se distinguent par un souci des aménités urbaines qui s’articule de manière spécifique avec la question de déplacements : dans l’occupation des pleins, ce souci revient à préserver dans le centre une offre urbaine de services notamment commerciaux qui ne s’adresse plus vraiment à l’automobiliste quotidien et qui s’organise autour de la flânerie piétonnière ; mais un soin particulier est également accordé au traitement des creux, et donc des espaces publics qui participent indubitablement à la spécificité exprimée par la ville héritée en matière de déplacements et plus globalement au rôle qu’elle tient finalement dans le champ urbain. Tentés par la remise au goût du jour d’un « urbanisme du passé articulé avec des pratiques sociales » 1930 , le centre-ville traditionnel et les quartiers denses qui l’entourent semblent alors se balader entre mythe et réalité. La proposition de densité, de mixité fonctionnelle et sociale, de proximité voire d’unité qu’ils paraissent porter mérite donc d’être étudiée de plus près, afin de savoir dans quelle mesure elle se heurte réellement à l’avènement en marche de la ville de l’automobile et d’approcher quels pourraient être la nature exacte et l’intérêt de ce modèle territorial.

Notes
1930.

C. MONTES, 1992, op.cit., p.287.