Chapitre 2. Les protagonistes de l’argumentation

Si les modèles de l’argumentation présentés précédemment montrent bien la manière dont les arguments s’organisent lorsque nous avons à défendre un point de vue, ils ne prennent pas en compte l’importance du rôle joué par les protagonistes.

2.1 – Le locuteur

Si la finalité d’un discours argumentatif est, pour le locuteur, de produire un effet sur l’interlocuteur, le locuteur se doit de justifier sa position dans son discours. Il s'efforce alors de donner des raisons, de justifier par ses arguments son énonciation en tendant toujours vers un objectif donné.

L’argument amené par le locuteur étant alors un…

‘« (…) segment qui appuie un autre segment, que ce soit par une relation de causalité, de finalité, d’exemplification, de restriction, ... à condition, toutefois, que le segment étayant ne soit pas une reformulation de même niveau que le segment étayé (par exemple, c’est mal parce que ce n’est pas bien). » (Golder, 1996b : 55-56)’

Ainsi, l’étayage se repère par la présence d’un premier énoncé appuyé par un second, mais il repose également sur des indices psycholinguistiques qui, de par leur nature et leur position, permettent d’établir des degrés (relations hiérarchiques) dans les justifications et des étapes dans le développement (Petit Charles, 1997).

Ces indices assurent des relations sémantico-logiques entre les séquences (énoncé ou proposition) en apparaissant à des endroits stratégiques pour marquer le degré de liaison entre les idées ou groupes d'idées (Fayol et Abdi, 1990 ; Chanquoy et Fayol, 1991). Ils marquent les articulations du raisonnement en générant une suite d'annonces d'arguments en fonction du but général car c'est l'énonciateur qui construit son texte (Schneuwly, 1988).

D’un point de vue psychogénétique, la maîtrise des connecteurs et des indices psycholinguistiques évolue avec l’activité langagière (ces indices existent à l’oral avant d’être utilisés à l’écrit (Fayol, 1997) l’âge et la capacité à produire un texte argumentatif. Si certains sont acquis relativement tôt, la diversité (Fayol et Abdi, 1990 ; Fayol, Gaonac’h et Mouchon, 1994) et la manipulation « efficace » de ceux-ci à l’intérieur d’une production argumentative n’interviennent qu’à partir de 14 ans environ, permettant à la production d’être plus cohérente (Golder, 1996b ; Petit Charles, 1997).

Un des moyens dont dispose le locuteur est donc la justification qui lui permet de rendre crédible ou acceptable sa prise de position dans la mesure où ses énoncés sont appuyés par un ou plusieurs arguments (justifications). Le locuteur produit alors un « discours minimal » (Golder, 1992c) proposant un point de vue.

‘« L’association d’une prise de position et d’une justification constitue, en effet, la structure minimale du discours argumentatif (…) » (Golder, 1992c : 104)’