Chapitre 5. Une période charnière : le passage en seconde

5.1 La seconde générale

Les enseignements, en seconde générale, s’organisent à partir d’un tronc commun à tous les élèves qui comprend des enseignements obligatoires – français, mathématiques, physique-chimie, biologie-géologie, langue vivante, histoire-géographie, éducation physique et sportive – et deux options parmi une liste d’une quinzaine de matières : deuxième langue vivante, sciences économiques et sociales latin, grec ancien, arts, etc. Les élèves effectuent également un choix entre les cinq options suivantes : science de la vie et de la terre, technologie des systèmes automatisés, sciences et techniques médico-sociales, techniques des sciences physiques, sciences et techniques biologiques et paramédicales. Ces élèves suivent environ 32 heures de cours par semaine.

Concernant le français plus particulièrement, en août 2000, le ministère de l’éducation nationale a proposé une nouvelle réforme pour cet enseignement dans les secondes d’enseignement général. L’enseignement du français a pour fonction de « consolider les acquis antérieurs et d’être la première étape [vers une meilleure] maîtrise de la langue, de la connaissance de la littérature, de la constitution d’une culture et de la formation d’une pensée autonome » (B.O. 2000, HS n°6 du 31 août, p. 9). A cet effet, quatre objectifs sont visés : l’approche de l’histoire littéraire et culturelle, l’étude des genres et des registres, la réflexion sur la production et la singularité des textes et l’étude de l’argumentation et des effets sur le destinataire (B.O. 2000, HS n°6 du 31 août). Concernant l’argumentation, qui a commencé à être abordée au collège, le but en seconde est « de percevoir et comprendre les différences, mais aussi les liens, entre démontrer – dans le domaine des vérités vérifiables – et convaincre ou persuader, en s’appuyant sur des arguments rationnels ou sur des facteurs affectifs » (B.O., 2000, HS n°6 du 31 août, p. 11). Ainsi la perspective dominante est bien de mettre l’accent sur l’effet de l’énonciation sur le destinataire.

La mise en œuvre des contenus d’enseignement de seconde se réalise par les pratiques de lecture, d’écriture, d’oral et d’étude de la langue. A propos de l’écriture, les écrits d’argumentation sont un des types de texte qu’ils auront à produire. Quant à la pratique de l’oral elle a pour but la connaissance des « variations des formes de parole et des niveaux de langage en fonction des situation, des buts et des interlocuteurs » (B.O., 2000, HS n°6 du 31 août, p. 12).

Bautier et Rochex (1998) ont interrogé, dans le cadre d’une étude longitudinale, le rapport à la scolarité, au savoir et au langage ainsi qu’aux tâches et aux activités scolaires d’élèves de seconde scolarisés soit dans des établissements situés en zone sensible et/ou dont le secteur de recrutement est constitué quasiment exclusivement de collèges situés en ZEP, soit dans des établissements considérés comme de « bons » lycées.

Des entretiens qu’ils ont menés sur le rapport à l’école et aux savoirs, les auteurs font ressortir que

‘« Soit les savoirs scolaires sont investis en tant que tels d’une valeur d’émancipation sociale ; l’école est alors le lieu où il est possible d’avoir accès à ce que la cité et la famille ne donnent, elle est saisie comme permettant la transformation de soi que les élèves attendent du lycée. Soit l’école est investie stratégiquement pour les diplômes auxquels elle donne accès ». (Bautier et Rochex, 1998 : 139)’

Concernant l’appropriation des savoirs au lycée, les élèves de lycée « en difficultés » considèrent les différentes disciplines comme une juxtaposition de tâches et d’exercices auxquels ils ne peuvent que se conformer. Face aux enseignants et aux enseignements, ils se positionnent dans une situation d’attente : ils attendent des enseignants qu’ils s’occupent d’eux. Les auteurs qualifient leur attitude « d’autocentration ». Alors que les élèves des « bonnes classes » arrivent à mettre en lien les différentes disciplines, sans les confondre. Ils donnent du sens aux tâches et exercices, évitant ainsi un regard routinier et parcellaire. Ils prennent une position extérieure par rapport aux processus d’apprentissage et de travail, ils sont plus en attente par rapport à eux-mêmes. Selon les auteurs, ils optent pour une attitude de « décentration » en n’attendant rien des enseignants.

Concernant le rapport au savoir scolaire et non scolaire et son intégration, les élèves de bonnes classes ne dissocient pas attitude dans la vie et aptitudes scolaires. Il n’y a pas de clivage.

‘« Les connaissances acquises à l’école permettent de mieux communiquer et comprendre les autres, de comprendre le monde et, ce faisant, de mieux le maîtriser. […] Les domaines scolaires et non scolaires […] s’enrichissent mutuellement jusqu’à l’assimilation des savoirs scolaires à la culture générale, une culture qui rend possible la vie en société, qui permet de se construire des opinions, d’exister dans la vie sociale. » (Bautier et Rochex, 1998 : 132)’

Quant aux élèves de classes faibles, ils accordent un poids plus important aux apprentissages non scolaires qui, selon eux, forment la personnalité et permettent d’acquérir autonomie et indépendance. L’école « de la vie » est considérée comme plus « formatrice », même si elle est décrite comme difficile. Néanmoins, ils estiment qu’un des apports importants de l’école est

‘« celui de l’acquisition des raisonnements, de l’esprit logique, de l’analyse, de la réflexion, de la compréhension[dans ce qu’il réfère] à son utilité sociale » (Bautier et Rochex, 1998 : 135-136)’

… permettant ainsi à ces lycéens de prendre une place dans la société.

Finalement, ce qui importe pour ces lycéens de seconde ne serait pas tant les savoirs scolaires et les apprentissages en tant que tels, mais ce qu’ils permettent quant à la compréhension du monde et de la société. Le lycée est vécu par eux comme un lieu de découverte.