5.2 La seconde professionnelle

Le bac professionnel créé en 1985 est né d’une volonté d’augmenter le niveau de qualification des nouveaux ouvriers. La création du Bac Pro a notamment permis de légitimer autrement les LEP. Le BEP (brevet d’études professionnelles) est lui plus ancien, il date de 1966. Son but était alors de former des ouvriers polyvalents. Aujourd’hui le BEP est plutôt considéré comme une « classe passerelle » vers le Bac Pro. Il se prépare en deux ans et correspond aux classes de seconde et de première professionnelles. D’après Jellab (2001) ces élèves, issus pour la plus part d’une 3ème générale, ont au moins un an de retard d’où une moyenne d’âge autour de 17 ans.

Selon Bouyx (1997, cité par Jellab, 2001) il existerait trois types de BEP :

Des BEP permettant un premier niveau d’accès à l’emploi comme les BEP industriels et ceux de la métallurgie ;
Des BEP « secondaires », le CAP restant le diplôme de base de référence pour les employeurs. C’est le cas des BEP du bâtiment par exemple ;
Des BEP orientés vers des études supérieures car n’ouvrant à aucun métier en particulier comme le BEP sanitaire et social et pour beaucoup de BEP du secteur tertiaire.

Le BEP comprend 36 spécialités réparties entre les filières du tertiaire, du sanitaire et sociale, de l’industrie et du bâtiment. Les filières « sanitaire et social, hôtellerie, vente et maintenance automobile » sont les plus demandées alors que d’autres filières offrant des places disponibles et des emplois sont très peu demandées (« mécanique, chaudronnerie, bâtiment », etc.). Il y a donc un décalage entre les souhaits des élèves, les places disponibles et les emplois réels. Mais les élèves se retrouvent tout de même dans ces dernières filières puisqu’ils se posent tardivement le choix du métier ; ils s’y inscrivent alors « par défaut ». Du coup un certain nombre d’élèves émettent le désir de changer d’orientation soit en fin de seconde BEP soit après l’obtention de celui-ci dans le cadre de la poursuite de leurs études en Bac Pro.

Les contenus des BEP se répartissent entre les enseignements généraux tels que français-histoire-géographie, langue vivante étrangère, mathématiques et sciences physiques, éducation familiale et sociale, éducation esthétique et d’éducation physique et sportive et les enseignements professionnels liés à la discipline choisie. Les enseignements généraux occupent 11-12 heures par semaine et les enseignements professionnels environ 17 heures. En plus trois heures par semaine se répartissent en fonction de leurs besoins. Enfin, en juin, les élèves ont trois semaines de stage à réaliser chez un employeur, afin de confronter au terrain leur savoir acquis en lycée.

Dans une recherche effectuée auprès de 200 élèves de CAP et de BEP scolarisés dans quatre lycées professionnels, Jellab (2001, 2003) a pu définir une typologie des formes de rapport aux savoirs de ces élèves. Il en recense quatre qui lui
‘« ont semblé constitutives de la variété des rapports sociosubjectifs aux savoirs scolaires et professionnels » (Jellab, 2001 : 192)’
La première forme est la « forme pratique » aux savoirs. Le rapport aux savoirs des élèves de cette catégorie est essentiellement professionnel : ils opposent très fortement les savoirs théoriques aux savoirs pratiques. Cependant, cette opposition n’est pas vécue de la même façon par tous, selon que ces élèves se pensent comme futurs professionnels en se projetant dans l’emploi direct ou dans la poursuite des études, ou selon qu’ils soient en attente d’une nouvelle orientation ou selon qu’ils identifient l’enseignement professionnel comme un pis-aller à l’école classique.

Une seconde forme est la « forme réflexive » de rapport au savoir. Contrairement aux valeurs véhiculées par la société, elle correspond aux élèves intéressés par les deux types de savoirs –théoriques et pratiques – mêmes s’ils s’impliquent davantage dans les savoirs généraux. Cette implication devient pour eux comme une seconde chance par rapport à leur scolarité antérieure au collège Ces élèves sont capables de réflexion et de recul face aux enseignements professionnels car ils s’aperçoivent qu’ils sont également capables de réussite dans l’enseignement général.

Il y a ensuite la « forme intégrative-évolutive » de rapport aux savoirs dans laquelle les élèves tentent de trouver une cohérence entre apprendre et savoir. Ils investissent de manière égale les deux types de savoirs (théoriques ou professionnels) tout en percevant que maîtriser des situations professionnelles c’est en même temps maîtriser des rapports sociaux. Cette forme, qui n’est manifeste que chez quelques élèves selon Jellab (2001), est
‘« intégrative au sens où les matières sont pensées dans leur enchevêtrement, dans leur confrontation et dans leur spécificité. Evolutive dans la mesure où cette forme donne à voir l’idée selon laquelle l’apprenant se pense comme auteur d’un « projet » et comme un sujet en devenir. » (Jellab, 2001 : 201)’
Enfin, une « forme désimpliquée » de rapport aux savoirs s’applique, selon l’auteur, à quelques élèves de LP en rupture aussi bien avec les savoirs scolaires que professionnels. Ce sont des élèves qui ne poursuivront pas leurs études dans ce type de structure : certains iront directement vers le marché de l’emploi à la recherche d’un poste quel qu’il soit, d’autres chercheront plutôt à intégrer, dans la même orientation, une formation en alternance dans un CFA (centre de formation par l’apprentissage), d’autres encore changeront complètement d’orientation.

Quoi qu’il en soit, même si tous les élèves n’investissent pas de la même façon les savoirs, ils ne sont pas pour autant voués à l’échec. Ainsi, bien que leur orientation soit souvent due à une impossibilité de continuer en général, et une fois la rupture consommée entre des fonctionnements différents - établissements généraux vs établissements professionnels -, les élèves de BEP se sentent valorisés au sein des LP par l’autonomie de travail et les responsabilités qu’ils acquièrent tout en sachant qu’ils pourront poursuivre leurs études au-delà de leur BEP (Jellab, 2001).