6.2 Hypothèses spécifiques

6.2.1 L’énonciation dans l’argumentation : un nouveau schéma argumentatif ?

En production orale comme en production écrite, Adam (1992a, 1996, 1999) définit des séquences, qui peuvent être narratives, descriptives, explicatives, argumentatives ou dialogales. L’organisation en séquences ne permet pas de rendre compte des différentes phases d’énonciation que nous pouvons trouver dans une production langagière, notamment argumentative. Chez Adam (1992a) il est bien quelquefois question de phases, lorsqu’il décompose une argumentation en termes de données de départ, d’arguments et de contre arguments et de conclusion. Mais cet agencement en phases fait abstraction des protagonistes réalisant cette argumentation. Selon nous, les arguments et contre arguments dont ils se servent renvoient au contenu de leur énonciation et non à la structure de celle-ci. Seul le modèle prototypique dialogal (Adam, 1992a) ou le modèle conversationnel de Kerbrat-Orecchioni (1990) prennent en considération la présence des interlocuteurs. Ces auteurs notent leur présence dans l’interaction au niveau des séquences phatiques et des séquences transactionnelles ou échanges.

Hypothèse Spécifique 1. Nous posons, en reprenant l’idée de ces auteurs, qu’il est possible, au sein des productions langagières orales et écrites en situation monogérées, de distinguer différentes phases énonciatives.

Mais nous avons aussi à mieux connaître comment ces différentes phases de l’énonciation du locuteur se manifestent et si elles s’organisent d’un point de vue argumentatif (étudié au niveau des opérations cognitives et de la nature des arguments) et psycholinguistique (étudié au niveau des indicateurs), en situation monogérée – orale et écrite. L’organisation en phases d’énonciation diffère-t-elle en fonction du statut du destinataire ? Et/ou diffère-t-elle en fonction de la production langagière (orale ou écrite) ?

Hypothèse Spécifique 2. Quelle que soit la production langagière (orale ou écrite) du locuteur, nous nous attendons à observer, en situation monogérée, trois phases dans l’énonciation encadrées par une introduction et une conclusion : une phase A de constat des difficultés qu'il rencontre du fait de la position de l'autre, une phase B de recherche de modification de la position de l'autre et une phase C proposant sa résolution du conflit.

La phase de constat permet au locuteur de poser le problème auquel il est confronté (phase A) du fait de la position de l’autre. Ensuite, le locuteur propose différents arguments afin de convaincre le destinataire de modifier ce qu’il préconise (phase B). Enfin, dans la phase de résolution (phase C), le locuteur avance sa solution face au problème énoncé dans la phase A et développé dans la phase B.

Hypothèse Spécifique 3. Nous nous attendons à ce que les trois phases de l’énonciation soient présentes, quel que soit le statut du destinataire et la modalité langagière (orale ou écrite).

Hypothèse Spécifique 4. Par ailleurs, le locuteur articulera, de manière autonome ou en interaction, ses arguments à l’intérieur de chacune des phases. Les arguments seront de nature – arguments du locuteur ou du destinataire - et de catégories – arguments de conséquence, de solution et d’implication personnelle du destinataire – différents, soutenus par des indicateurs psycholinguistiques repérables (formes modalisées ou axiologiques).