7.3.1 L’énonciation argumentative : une analyse en « proposition énoncée »

Chacune des productions langagières sera segmentée en « unité minimale de proposition énoncée » (Adam, 1992a, 1999) Pour préciser le contenu que nous donnons à la notion de proposition-énoncée, il nous faut la référer à d’autres notions proches, telles que celles de phrase et d’énoncé.

La phrase est définie par les linguistes comme une entité abstraite à la différence de l’énoncé qui est une entité réelle.

‘« Une phrase est une chaîne de mots qui obéit à des règles […] morphosyntaxiques [… et] lexicales. [Elle est] une pure construction linguistique et théorique […] pouvant se répéter à l’infini mais ne correspondant à aucune réalité ». (Schott-Bourget, 1994 : 31 et 58)’

La phrase peut devenir un énoncé lorsqu’il est émis par des interlocuteurs lors d’une énonciation dans un contexte particulier. Il vise à agir sur autrui car il est souvent chargé d’une intention. Et, en ce sens il diffère de la phrase

‘« […] un énoncé doit avoir été dit ou écrit pour communiquer, alors qu’une phrase peut n’être qu’un exemple de grammaire, parfaitement abstrait et hors situation. De plus, une phrase doit être bien formée d’un groupe nominal et d’un groupe verbal, alors qu’un énoncé peut être une phrase incomplète (Ciel ! mon mari…) » (Perret, 1994 : 9)’

La proposition énoncée a été définie par Adam (1999) comme étant

‘« […] d’une part, l’unité résultant d’un acte d’énonciation et, d’autre part, […] une unité liée, c’est-à-dire constituant un fait de discours et de textualité ». (Adam, 1999 : 50)’

La « proposition énoncée » est caractérisée par trois dimensions (Adam, 1992, 1999) : l’acte de référence, l’acte d’énonciation et le liage (Adam, 1992a) qui a fait place à l’acte de discours (Adam, 1999). La référence est la représentation discursive que le lecteur va se faire du texte en en prenant connaissance. L’énonciation est la prise en charge par le locuteur de son énoncé. L’acte de discours complète l’énonciation par sa visée argumentative. Le liage garde tout de même une place prépondérante puisqu’il permet la mise en relation des différentes propositions selon un double mouvement de connexité (liaison des propositions) et de séquentialité (organisation des propositions). Pour cet auteur, une proposition n’existe que parce qu’elle

‘« répond à une ou plusieurs autres et/ou en appelle implicitement une ou plusieurs autres » (Adam, 1999 : 50)’

Nous reprenons à notre compte la terminologie avancée par Adam (1992a, 1996, 1999) de « proposition énoncée » et de « macro-proposition énoncée » (cf. chapitre 1) constituée d’un regroupement de propositions énoncées.

Nous définirons les propositions énoncées (exprimées à l’oral ou à l’écrit) comme le produit de l’énonciation - le « quelque chose à dire » dans un cadre donné en direction d’un interlocuteur donné. En d’autres termes, la proposition énoncée est porteuse d’une information particulière (quelque chose à dire) dans un contexte particulier (le message ou le courrier) s’adressant à un interlocuteur particulier (le Préfet, le responsable de la boîte de nuit, le Maire ou le détenu). L’information ainsi amenée par la proposition énoncée pourra être :

  • Introductive. Exemple :« Je viens de recevoir ta lettre » (C2D - Morgan, LP).
  • Conclusive. Exemple :« En espérant un changement positif du comportement de vos amis » (C3D – David, LG).
  • De Développement. Exemple :« […]J’ai donc pris contacte avec le leader de ces jeunes Monsieur Paul Merlin que vous avez incarcéré.[…] » (C3M- Jean, LG).
  • Prémisse, lorsqu’elle servira de support à la proposition énoncée argument ;
  • Argument, lorsqu’elle apportera une prise de position de justification ou de négociation.

Les deux dernières propositions évoquées (prémisse et argument) fonctionnent en binôme et constituent des« macro-propositions énoncées ». La « macro-propositionénoncée » sera, dans notre cadre de recherche, constituée d’une ou de plusieurs proposition(s) énoncée(s) prémisse(s) et d’une ou de plusieurs proposition(s) énoncée(s) argument(s) :

[Macro-proposition énoncée [proposition(s) prémisse(s) et proposition(s) argumentative(s)]]

« […] En enlevant c’ette arette (1) cela depenaliserai le jeune n’ayant rien fais (2)[…] » (C3M - Morgan, LP).Nous comptons une macro-proposition énoncée ()constituée de deux propositions((1) et(2)) :la première((1)) servant de prémisse à la seconde((2)) qui prend valeur d’argument.

L’ensemble des productions langagières du corpus sera segmenté en propositions énoncées auxquelles seront attribuées un statut (introductive, conclusive ou de macro-proposition énoncée (proposition énoncée prémisse et proposition énoncée argumentative)) permettant de définir les différentes phases argumentatives.