Déjà en 1886 la théorie de Poincaré est extrêmement novatrice dans ses aspects qualitatifs et dans ses résultats. Dans cette approche, il faut souligner le renfort apporté par une théorie mathématique particulière : l’Analysis Situs ou géométrie de situation, ou encore topologie pour utiliser un terme plus contemporain. Comme le rappelle C. Gilain 77 , la géométrisation dans l’étude globale des solutions des équations différentielles n’est pas qu’une simple illustration géométrique de raisonnements analytiques. L’introduction de la géométrie au niveau des objets et de leurs relations a permis de dégager des propriétés essentielles, topologiques, des objets en question. Le XIXème siècle a été marqué par le recours massif aux théories analytiques en géométrie, mais il faut bien mesurer le rôle réciproque de la géométrie, de l’Analysis Situs dans le développement des théories analytiques. Poincaré en donne une illustration exemplaire.
Plusieurs ingrédients de l’Analysis Situs ont été mis en avant. L’indice d’une courbe, le genre p de la surface géométrique intervenant dans les raisonnements sur les points singuliers et déterminant la relation N+F-C=2-2p, font partie de la panoplie de l’Analysis Situs. Plus généralement, les développements de Poincaré reposent sur une intuition géométrique de la situation, analysée grâce à cette théorie. Le passage du local au global notamment, s’appuie sur une intelligence de la surface géométrique à la base du travail, sans laquelle il est impossible de réaliser le saut.
La théorie qualitative des équations différentielles de Poincaré s’est donc construite en rapport avec plusieurs notions de mathématiques, comme l’Analysis Situs, et en relation avec les interrogations de la Mécanique céleste. Elle prend une dimension nouvelle avec le concours du roi Oscar II, pour lequel Poincaré produit des résultats concernant spécifiquement les deux "grands" problèmes qu’il a déjà abordés : celui des trois corps et celui de la stabilité. Il inaugure l’étude des équations différentielles dites conservatives, sur la base de son vaste ensemble de mathématiques qualitatives.
[GILAIN, C., 1991], p. 236-237. Voir aussi [DAHAN, A., CHABERT, K., CHEMLA, K., 1992], p. 287-288.