a. Présentation des trois tomes

Dans le premier tome, paru en 1892, la plupart des méthodes analytiques sont exposées, la question des solutions périodiques est développée dans le détail, ainsi que les exposants caractéristiques, les solutions asymptotiques et l’existence des intégrales dans le problème des trois corps. Le mémoire de 1890 constitue la trame de cet ouvrage. Les solutions périodiques sont au cœur de l’étude et il en souligne toute l’importance. A propos des trajectoires générales il affirme ainsi :

‘"[...] on peut toujours trouver une solution périodique (dont la période peut, il est vrai, être très longue), telle que la différence entre les deux solutions [générale et périodique] soit aussi petite qu’on le veut, pendant un temps aussi long qu’on le veut. D’ailleurs ce qui nous rend ces solutions périodiques si précieuses, c’est qu’elles sont, pour ainsi dire, la seule brèche par où nous puissions essayer de pénétrer dans une place jusqu’ici réputée inabordable." 98

Sa forte conviction en la densité des trajectoires périodiques dans l’ensemble des trajectoires du système 99 est affichée et deux remarques s’imposent. D’une part, Poincaré ne démontre pas ce résultat qui est pourtant la clé de voûte de sa démarche ; il l’admet, comme il admet qu’une preuve serait indispensable pour l’utiliser rigoureusement. Mais, dans l’immédiat, il n’y a pas nécessité de le démontrer. D’autre part, Poincaré aborde par ce biais la question de l’utilisation pratique des solutions périodiques. Il a montré qu’il est improbable (au sens de la théorie des probabilités) qu’un système réalise les conditions initiales d’une solution périodique, limitant a priori leur intérêt pratique. Mais Poincaré montre ici qu’elles permettent d’approcher les solutions générales.

Le second tome, en 1893, insiste sur les séries utilisées par les astronomes. D’une manière générale, les Méthodes Nouvelles sont prises entre deux tendances : établir des résultats pour les astronomes et donner des résultats mathématiques, intéressant les mathématiciens, compréhensibles par des mathématiciens. Le tome 2 met à plat les incompréhensions et les divergences entre les définitions des notions de convergence de séries car la confusion sur ces points a induit bien des méprises. D’un point de vue théorique et pratique (c’est-à-dire pour les mathématiciens et les astronomes) il présente et discute les diverses méthodes de Delaunay, Gyldén, et les variantes de Bohlin (qui ont visiblement sa préférence). Et il réitère sa conclusion quant aux séries de Lindstedt qu’il prétend divergente en général, sans preuve définitive.

Le dernier tome s’éloigne des préoccupations des astronomes, qui peuvent puiser dans les deux premiers l’essentiel de ce qui est connu à l’époque. En 1899, Poincaré revient sur sa vision géométrique du problème des trois corps. Le troisième tome contient des retours sur la théorie des invariants intégraux, les solutions périodiques et la stabilité. Selon Poincaré la stabilité complète du problème des trois corps repose sur trois conditions :

‘"1° Qu’aucun des trois corps ne puisse s’éloigner indéfiniment ;
2° Que deux des corps ne puissent se choquer et que la distance de ces deux corps ne puisse descendre au-dessous d’une certaine limite ; (sic)
3° Que le système vienne repasser une infinité de fois aussi près que l’on veut de sa situation initiale. (sic)" 100

La dernière condition, si elle est assurée indépendamment des deux autres, s’appelle, selon la terminologie de Poincaré, la stabilité à la Poisson . Poincaré illustre le problème sur divers exemples, mais l’intérêt de cette définition pour nous, est d’éclairer la discussion finale sur les solutions doublement asymptotiques.

Notes
98.

[POINCARE, H., 1892a], p. 82 (nous mettons en évidence).

99.

La densité des trajectoires est exprimée dans la citation précédente, c’est-à-dire le fait qu’on puisse approcher aussi près qu’on veut, aussi longtemps qu’on veut, une trajectoire quelconque par une trajectoire périodique.

100.

[POINCARE, H., 1899a], p. 141.