Une réflexion sur le hasard et le déterminisme

Rappelons tout d’abord, que lorsqu’il écrit ce texte, Poincaré est professeur de physique théorique et calcul des probabilités. A ce titre il est intéressé par les mathématiques du hasard. L’article de 1907 est une réflexion philosophique sur la notion de hasard, une sorte de complément à ses ouvrages plus techniques 163 , reprise également dans son ouvrage de 1908, Science et méthode 164 .

"Le hasard" se présente comme une réflexion sur la question des "lois du hasard" (peut-on donner un sens à cela ?) et même plus simplement "qu’est-ce que le hasard ?". Poincaré souligne que les conceptions dominantes, à son époque, vont au déterminisme absolu (dans le monde inorganique) et développe ce que nous appelons le déterminisme laplacien (sans citer Laplace) dans lequel le hasard est la mesure de notre ignorance. A nos yeux, la réflexion de Poincaré est à mettre en correspondance directe avec les réflexions de Laplace, préliminaire à sa Théorie Analytique des Probabilités.

Poincaré adhère à l’idée de déterminisme laplacien 165 . En revanche, il rejette l’idée de hasard comme simple résultat de notre ignorance. Pour Poincaré cette conception est insuffisante car elle n’explique pas pourquoi il devrait exister des lois du hasard 166 . L’idée directrice est, comme chez Laplace, de justifier l’applicabilité du calcul des probabilités dans un monde qui est déterministe. Pour établir une définition admissible, Poincaré propose l’analyse de diverses situations, considérées communément comme "fortuites" 167 .

Notes
163.

Le texte est repris en introduction au Calcul des probabilités de 1912, [POINCARE, H., 1912a].

164.

[POINCARE, H., 1908].

165.

Elle est affirmée dès les premiers paragraphes ; en outre, l’expression "considérer comme fortuit" traduit ce sentiment.

166.

Poincaré explique que dans ce cas, dès qu’un phénomène peut se soumettre à une description scientifique notre ignorance se dissipe : le caractère aléatoire devrait expirer lui aussi et les lois du hasard disparaître avec le mécanisme mis en évidence. [POINCARE, H., 1907], p. 137.

167.

Poincaré donne trois séries de causes. En plus des deux débattues ici, un troisième point de vue lui paraît plausible : dans une enquête scientifique sur un phénomène, il est impossible de réunir tous ses antécédents. Seul un certain voisinage d’antécédents rentrera en ligne de compte. Dans cette sélection de circonstances, il se peut qu’on laisse de côté des éléments pourtant déterminants, ce qui pourrait être une cause de hasard. [POINCARE, H., 1907], p. 144-5.