De Maxwell à Boltzmann

A nos yeux, cette transition de Maxwell à Boltzmann constitue une rupture essentielle dans l’histoire des sciences. On ne peut pas comprendre les controverses autour de Boltzmann, les textes de Poincaré et la fin du XIXème siècle sans avoir cela présent à l’esprit. Il convient de bien préciser plusieurs points, car il subsiste quelques ambiguïtés dans les interprétations de Boltzmann et Maxwell.

Boltzmann est un partisan indéfectible de l’atomisme et du mécanisme. Ses analyses reposent sur des considérations de Mécanique et il recherche un analogue mécanique de la thermodynamique. Il est néanmoins un utilisateur des probabilités dans ses théories physiques. Son article de 1877 montre qu’on peut obtenir une entropie sur la base de deux démarches, construites sur deux hypothèses opposées : un processus microscopique purement probabiliste (combinatoire) d’un côté, un phénomène mécanique de l’autre.

Maxwell, lui aussi mécaniste, déterministe et grand utilisateur de modèles mécaniques pour ses théories, n’en est pas moins celui qui a introduit systématiquement les statistiques en physique. La meilleure illustration des problèmes engendrés par cette dualité entre mécanique et statistique, par l’accord entre une pensée mécanique au niveau microscopique et les principes d’une thermodynamique macroscopique est le Démon de Maxwell. Par cette expérience de pensée, Maxwell s’applique à donner son interprétation de l’irréversibilité et à fixer des limites au second principe de la thermodynamique 215  : le second principe est valable uniquement statistiquement.

Notes
215.

L’expérience imaginée par Maxwell est la suivante. Deux enceintes contenant des molécules d’un gaz : A est l’enceinte "chaude", B la "froide" ; elles sont reliées par un clapet. Un petit être intelligent est capable de discerner les vitesses des molécules. A l’approche de molécules de A dont la vitesse est inférieure à la moyenne des vitesses de B, il ouvre le clapet (sans dépense de travail). Il réalise l’opération inverse avec les molécules de B plus rapides que celles de A. L’énergie de l’enceinte A augmente, celle de B diminue ; autrement dit l’enceinte A a été chauffée en même temps que B a été refroidie, sans fournir de travail pour cela. L’intention de Maxwell est de montrer que le second principe ne repose que sur une certitude statistique et sur notre incertitude vis-à-vis des phénomènes microscopiques. [SKLAR, L., 1993], p. 38-39.