Le premier, appelé depuis "paradoxe de réversibilité 218 " (où "paradoxe de Loschmidt"), dont l’idée remonte en fait à Lord Kelvin en 1874 219 , affirme qu’un retournement instantané des vitesses des atomes d’un gaz devrait conduire, mécaniquement, à un retour en arrière du système et donc voir l’entropie décroître. Pour Loschmidt, il y a une contradiction avec le second principe. Au passage, notons la similarité avec un débat précédent de Boussinesq, au sujet des thèses de Ph. Breton sur la réversibilité. Pourtant, à notre connaissance, il n’existe pas de lien direct entre les deux argumentations 220 .
Ce premier paradoxe est crucial dans l’évolution des idées de Boltzmann. En effet, c’est en réponse à la réfutation de Loschmidt que Boltzmann va donner une tournure probabiliste à son interprétation du second principe, dans son article célèbre de 1877 221 , que nous considérons comme un tournant dans l’histoire de la physique.
Sa réponse à Loschmidt joue sur des distinctions entre états microscopiques et macroscopiques. L’entropie est, dans son esprit, une mesure de probabilité d’un système macroscopique. Dans la situation la plus courante d’un processus irréversible tendant vers l’équilibre, les états microscopiques peu probables (entropie faible) s’orientent vers les situations les plus probables (entropie élevée). Le renversement des vitesses, à l’équilibre, ne suffit pas à assurer le retour vers un état de non-équilibre. Il faut choisir une situation initiale microscopique qui soit elle-même le résultat de l’évolution d’un état de non-équilibre : or celles-ci sont très particulières dans l’ensemble des situations d’équilibre et ne sont que très peu probables, d’après Boltzmann.
Sur ce paradoxe, il est intéressant de constater que Boltzmann inverse l’objection et s’en sert comme levier pour son futur article de 1877 :
‘"La proposition de Loschmidt m’apparaît cependant très importante, car elle montre la liaison intime qui existe entre le second principe et le calcul des probabilités, dont au contraire le premier principe est tout à fait indépendant." 222 ’Boltzmann jongle avec la Mécanique, la statistique et les probabilités, et parvient à transformer des théories de type Mécanique analytique en un théorème de probabilités.
En allemand, Loschmidt le dénomme Umkehreinwand, littéralement "réfutation par réversion". Josef Loschmidt est un collègue viennois de Boltzmann.
[BRUSH, S.G., 1983], p. 90-91.
Les idées thermodynamiques ne sont que peu développées chez Boussinesq ; on ne trouve aucune allusion au second principe. L’irréversibilité du monde n’est guère plus qu’un constat empirique. (Voir p. 91 pour le texte de Boussinesq et sa réplique à Ph. Berton).
L’histoire de cette phase de transition est particulièrement bien analysée dans [DUGAS, R., 1959], p. 185 et après.
Cité dans [DUGAS, R., 1959], p. 191 (en italique dans le texte). Cette réflexion de Boltzmann date de 1877, quelques temps avant son article le plus connu.