Chapitre 3. Le chaos s’impose : 1975-1982

Le terme "chaos" apparaît dans le champ scientifique vers 1975 et sa diffusion y est très rapide au cours de l’année 1976. Dans la période 1975-82, de plus en plus d’auteurs emploient ce terme mais son utilisation n’est pas circonscrite, ni systématique : il renvoie à plusieurs conceptions différentes des scientifiques. L’analyse sociologique montre une convergence disciplinaire et l’émergence d’un champ d’investigation après 1975. Pour comprendre et expliquer ce mouvement, il est indispensable de produire une analyse des concepts, ce qui est l’objet des trois chapitres qui suivent. Nous proposons une analyse épistémologique approfondie des premiers travaux, articles et textes publiés à ce sujet, ce qui n’a jamais été entrepris encore, malgré l’abondance de discours sur cette étape déterminante.

Nous allons montrer que si, au niveau sociologique, il se produit une rencontre de perspectives diverses, les concepts de chaos sont les fruits de multiples interactions conceptuelles. Dans notre présentation nous avons introduit les aspects sociologiques avant le développement conceptuel : cela ne signifie aucune hiérarchie ni dépendance stricte de l’un par rapport à l’autre. La rencontre conceptuelle n’est pas une simple conséquence d’un dialogue interdisciplinaire, tout comme les rapprochements entre scientifiques ne tiennent pas uniquement aux développements intellectuels possibles à propos de chaos. La période 1975-82, autant que l’histoire antérieure à 1975, nous montrera les relations bilatérales entre les développements socio-institutionnels et conceptuels.

Dans ce premier chapitre, nous analyserons successivement le chaos selon le groupe de Li, Yorke et May, les conceptions de David Ruelle, puis les questions des systèmes conservatifs, pour montrer la marche de la conceptualisation dans ce champ émergent. La présentation séparée ne doit pas masquer les profondes relations des conceptions entre-elles. L’enjeu de ce chapitre est de montrer autant les nuances que les similitudes conceptuelles.