d. Entre le chaos selon Li et Yorke et la turbulence.

Questions de systèmes dynamiques

Tout d’abord, nous remarquerons que le travail de Li et Yorke, et les études des itérations plus généralement, ont leur place dans l’analyse de Ruelle : selon lui, ils permettent de mieux appréhender le système de Lorenz, à travers l’étude de ces orbites périodiques 437 .

D’un point de vue technique, le lien entre les résultats de Li et Yorke sur les itérations, d’une part, et les conceptions de Ruelle sur les attracteurs étranges et le système de Lorenz, d’autre part, est assuré par un outil mathématique : les sections de Poincaré (et l’application de premier retour construite sur la base d’une section). A un flot continu, comme une équation différentielle, correspond ainsi une itération. S’il s’agit d’une équation différentielle à trois variables (comme le système de Lorenz), l’application de premier retour sera une itération du plan (i.e. à deux dimensions). Li et Yorke se sont limités aux itérations unidimensionnelles, mais grâce à des approximations ou des cas limites d’applications à deux dimensions, il est possible d’utiliser marginalement leurs résultats.

Par ailleurs, il faut bien comprendre que le cadre général est celui des mathématiques des systèmes dynamiques : une équation différentielle ou une itération ne sont que des incarnations particulières de l’objet mathématique système dynamique. Ce cadre général, nous le verrons, est issu d’une longue tradition de mathématiques, dans laquelle Smale a eu une influence déterminante. Ceci explique les allers-retours, les inspirations cherchées dans l’un ou l’autre cas et les extensions proposées 438 .

Les perspectives d’étude de l’ergodicité sont également présentes dans les deux types de travaux. Fondamentalement, il s’agit d’étudier les caractéristiques statistiques des comportements dynamiques, pour les itérations dans un cas, pour les systèmes dynamiques du type des équations différentielles dans l’autre. Le lien entre la théorie ergodique, c’est-à-dire les moyens théoriques, mathématiques, de caractériser l’ergodicité des systèmes dynamiques, et le chaos dans les itérations est saisissant dans cette citation de 1977 :

‘"Les résultats rapportés pourraient éclairer le fait remarquable que de simples processus déterministes apparaissent comme étant chaotiques. Le chaos a besoin d’une description probabiliste. Il est donc nécessaire de trouver la connexion entre le processus dynamique et sa distribution de probabilité et corrélations." 439

Pour mieux saisir le rapport avec les notions de chaos de Li et Yorke, un rapide retour sur leur article s’impose.

Notes
437.

[RUELLE, D., 1975], p. 151. L’article de Li et Yorke [LI, T.-Y., YORKE, J., 1975] n’est pas encore publié, mais le résultat est connu de Ruelle.

438.

La grande familiarité de Ruelle avec ces objets se lit aussi dans ses propositions d’extension des propriétés des flots Axiome A (par exemple, leurs mesures invariantes et ergodiques, leurs attracteurs et bassins d’attraction) au cas d’un système dynamique différent, celui de Lorenz. Sa conviction repose en partie sur ces acquis.

439.

"The results reported may shed some light on the remarkable fact that simple deterministic processes may physically appear as being chaotic. Chaos needs a probabilistic description. It is then necessary to derive the connection between the dynamical process an dits probability distribution and correlations.", [GROSSMANN, S., THOMAE, S., 1977], p. 1362 (nous mettons en évidence). L’article traite des distributions statistiques des itérations discrètes à une dimension.