3.3. Le chaos dans les systèmes conservatifs

a. Systèmes conservatifs et systèmes dissipatifs

Une distinction très importante au sein des systèmes dynamiques a été reléguée en arrière-plan jusqu’à présent. Il s’agit de la différentiation entre les systèmes conservatifs et les systèmes dissipatifs. Les premiers sont caractérisés par l’existence d’une quantité, fonction des variables du système, se conservant au cours du mouvement ; les systèmes Hamiltoniens rentrent dans cette catégorie. D’ailleurs, à l’exception de quelques systèmes particuliers, ce sont les seuls systèmes conservatifs généralement considérés 466 .

En étant très schématique, nous dirons que les systèmes conservatifs sont au cœur de la Mécanique classique (Mécanique céleste en particulier) et de la Mécanique statistique, et que les systèmes dissipatifs sont appropriés à la description des phénomènes physiques où il y a justement des sources de dissipation d’énergie, par frottement par exemple. La turbulence, entre autres, telle que Ruelle la conceptualise, rentre dans cet ensemble.

En revanche, il faut souligner qu’une partie des théories mathématiques sous-jacentes au développement du chaos, à savoir la théorie des systèmes dynamiques, ne distingue pas a priori les systèmes conservatifs des systèmes dissipatifs. Ils sont traités avec les mêmes outils et tombent sous le coup des mêmes théorèmes, à moins que cela soit spécifiquement explicité. Ceci explique que la différence ait été passée sous silence jusque-là.

Pourquoi alors distinguer maintenant ces deux catégories ? La pertinence relativement à la problématique du chaos est très claire : il n’est pas question d’attracteur étrange dans le cas des systèmes conservatifs (il n’est même pas question d’attracteur du tout). Pourtant au moment où apparaissent les notions de chaos, on commence à évoquer un chaos pour ces systèmes également.

Nous analyserons deux articles de synthèse pour illustrer au mieux cette question : un texte de Boris Chirikov intitulé "A universal instability of many-dimensional oscillator systems", datant de 1979 et consacré exclusivement aux systèmes Hamiltoniens. Un second de Robert Helleman, "Self-generated chaotic behavior in non linear mechanics", publié en 1980 et dont l’enjeu principal est de montrer ce qu’est le chaos dans les systèmes mécaniques. Ce texte est divisé en deux grandes parties, les systèmes conservatifs / les systèmes dissipatifs, mais nous mettrons en avant ce qui transcende la dichotomie au sujet du chaos.

La distinction dissipatif / conservatif tient à des questions de physique ; les deux textes sont l’œuvre de physiciens. Boris Chirikov travaille à l’Institut de Physique Nucléaire à Novossibirsk en URSS et Robert Helleman est un physicien théoricien, établi aux Pays-Bas, à l’Université de Twente. A travers leurs réflexions nous allons montrer qu’il se constitue un "chaos conservatif", qui a ses spécificités, tout en étant corrélé très fortement au "chaos dissipatif".

Notes
466.

Le système conservatif, non-Hamiltonien, le plus connu est le système de Lotka-Volterra.