Robert Rosen (1934-98) : vers les systèmes dynamiques

L’intérêt prononcé de Rössler pour la dynamique a été fécondé par la rencontre, décisive, avec Robert Rosen lors de son passage aux Etats-Unis, à Buffalo, en 1969. Rosen cultive une affinité essentielle avec Rössler : un double intérêt pour les mathématiques et la Vie 539 . Rosen est un biomathématicien, issu de l’école de Nicolas Rashevsky (1899-1972) 540 , lui-même directement impliqué dans ces questions de biologie-mathématique. Il joue un rôle important dans la progression de Rössler, pour une raison principale. Nous pouvons dire, de manière très concise, que Rosen a fait découvrir et "inculqué" la théorie qualitative des systèmes dynamiques à Rössler. D’ailleurs ce dernier retient l’ouvrage Dynamical System theory in Biology de Rosen, publié en 1970, comme un des meilleurs sur la question des systèmes dynamiques 541 .

Ce traité est remarquable à plusieurs points de vue car son contenu est atypique pour l’époque et il l’est encore aujourd’hui. En 1970, les ouvrages consacrés aux systèmes dynamiques sont rares, et celui-ci est précieux car il traite déjà des potentialités pour la biologie théorique. La présentation de Rosen donne des clés originales pour la biomathématique et pour la théorie des oscillations, développée jusque là dans le cadre de la Mécanique et de l’électronique. L’intérêt pour Rössler est quasiment évident.

A son retour de Buffalo en 1970, Rössler élargit encore sa culture, à travers la lecture de Rosen et de quelques classiques de la théorie des oscillations : le Theory of oscillators d’Andronov, Vitt et Khaikin, le Nonlinear Oscillations de Minorsky 542 . On peut dire alors que sa formation théorique mathématique est relativement complète pour l’époque : théorie qualitative des équations différentielles, théorie des bifurcations, Mécanique non linéaire et théorie des oscillations 543 . Cet épisode est un cap déterminant dans la vie scientifique de Rössler : son intérêt pour la biogenèse, pour les oscillateurs chimiques s’intègre maintenant dans un cadre théorique mathématique, lui ouvrant la voie à des analyses approfondies.

Notes
539.

Son dernier ouvrage, Life itself : a comprehensive inquiry into the nature, origin and fabrication of life, traite de ce problème : [ROSEN, R., 1991].

540.

Rashevsky a été son directeur de thèse. Les théories de Nicolas Rashesky s’inscrivent dans deux courants : la biophysique et les mathématiques. Dans son ouvrage Mathematical Biophysics il montre l’intérêt de l’approche mathématique des phénomènes de la vie [RASHEVSKY, N., 1938]. Il est le chef de file de l’Ecole de Chicago, (où il enseigne) concentrée sur cette discipline, et édite d’ailleurs la revue Bulletin of Mathematical Biophysics. Voir [SEGAL, J., 1998], p. 164-168 pour plus de détails sur l’Ecole, ses études du fonctionnement du neurone et le lien avec les représentations logiques du cerveau.

541.

Encore aujourd’hui. Entretien avec O.E. Rössler, 14 août 2003, réalisé avec C. Letellier. L’ouvrage est : [ROSEN, R., 1970].

542.

Les ouvrages [ANDRONOV, A.A., VITT, A.A., KHAIKIN, S.E., 1966] et [MINORSKY, N., 1962].

543.

En sus, il faut mentionner que Rössler a eu un intérêt de jeunesse (depuis le lycée) pour l’électronique et la radio amateur. Sans en exagérer l’importance, il n’est pas impossible qu’une certaine intuition des circuits électroniques et de leurs oscillations ait pu lui être utile dans son approche des problèmes oscillatoires en général. Son intérêt pour les ouvrages d’Andronov et Minorsky s’explique également par leur composante électronique importante. Lettre de O.E. Rössler à l’auteur, 16 septembre 2003. Voir également [LETELLIER, C., à paraître].