Le contexte niçois

Pierre Coullet et Charles Tresser, tout comme Feigenbaum, sont imprégnés d’un environnement de physique statistique, où les questions de transition de phase, de phénomène critique et de groupe de renormalisation sont naturelles. Coullet a fait une thèse, à Nice, sur la théorie de la renormalisation en théorie des champs 730 . Il est recruté par le CNRS au sein du LPMC, où une équipe s’occupe en particulier de Mécanique statistique des fluides hors d’équilibre. La formation de Charles Tresser est plus variée : double maîtrise de mathématiques et de physique, DEA de physique théorique, puis une thèse au même laboratoire LPMC.

A cette culture de physique statistique, il faut ajouter leur intérêt pour les fractales, très en vogue et popularisées par Mandelbrot dans son ouvrage de 1975, auquel ils accèdent très tôt. En outre, un autre physicien de l’équipe, Jean Coste, formé à Paris, est en contact avec la recherche en physique théorique effectuée à l’Ecole Normale Supérieure à Paris, et en particulier avec Yves Pomeau, Albert Libchaber et Gérard Toulouse 731 .

Concernant la question de la transition vers le chaos, en étant très rapide nous serions tenté d’affirmer que le même environnement produit les mêmes théories. Coullet et Tresser, comme Feigenbaum, établissent une analogie entre la transition de phase et le doublement de période, en tant que transition vers un chaos. Nous commencerons par saisir les différences d’approches, parfois subtiles, toujours très révélatrices du processus de constitution de savoirs scientifiques. Le contexte dans lequel ils travaillent, leur culture de physicien et leur parcours dans les années 1977-81 nous donnerons les clés pour comprendre ces nuances. Enfin, le fait qu’ils ne soient pas entrés tout de suite en contact avec Feigenbaum offre un cas d’école à l’historien.

Notes
730.

Thèse plutôt formelle sous la direction de E. Tirapegui.

731.

Nous parlerons assez peu de Gérard Toulouse mais c’est un chercheur qui a son importance. Il avait déjà en tête des idées d’analogies entre phénomènes critiques et systèmes dynamiques, inspirées à la fois par Kenneth Wilson, pour ces théories de renormalisation et ses suggestions, et les succès du programme de classification des singuliarités de René Thom. Voir [AUBIN, D., DAHAN, A., 2002], p. 316-7.