Les itérations à Toulouse

Mira et Gumowski travaillent, dans les années 1970, à Toulouse, successivement au LAAS (Laboratoire d’Automatique et d’Analyse des Systèmes, laboratoire propre du CNRS), à la Faculté des Sciences ("Groupe systèmes dynamiques non linéaires"), puis à l’INSA de Toulouse ("Groupes d’études des systèmes non linéaires et applications") 798 . Mira est issu d’une formation d’ingénieur, Gumowski est un physicien (en activité au CERN de 1966 à 1976 notamment) ; ils se sont connus et travaillent ensemble à partir de 1958.

Quelles sont leurs motivations dans l’étude des itérations ? Elles ne sont pas exclusivement mathématiques. Le sujet des itérations leur vient d’abord des problématiques techniques, d’ingénieurs : le LAAS (anciennement le Laboratoire de Génie Electrique) est porté sur l’étude des systèmes électroniques, de l’automatisme et du contrôle. Les dynamiques de synchrotron font également appel à ce genre de systèmes itératifs 799 . L’analyse des itérations est courante à Toulouse depuis les années 1960 pour ces raisons. Aussi, n’est-il pas étonnant qu’un des colloques internationaux marquants sur le sujet ait été organisé à Toulouse par Mira et Jean Lagasse (directeur du LAAS) en 1973 800 .

L’étude du phénomène de doublement de période débute vers 1972 à Toulouse. Mais, comme le relate Mira, depuis 1968, la complexité des itérations unidimensionnelles lui est apparue progressivement, et, en 1969, un membre du laboratoire, Alain Giraud, avait mis en avant les premiers rangs d’un doublement de période, dans sa thèse de docteur-ingénieur sur les "Applications des récurrences à l’étude des systèmes de commande" 801 . Leurs réflexions sur ces comportements débutent donc bien avant 1975.

Outre les connaissances acquises par les longues études des itérations à deux dimensions, deux séries de travaux plus centrées sur les itérations unidimensionnelles ont autorisé un développement de résultats généraux pour ces itérations, leurs bifurcations et les classifications de leurs comportements. Il s’agit des résultats du mathématicien finlandais Pekka Juhana Myrberg (1892-1976), qui a reconnu le doublement de période et a cherché à le préciser, et de Alexander Sharkovsky, pour son ordination des cycles selon leur période et des méthodes d’études des systèmes itératifs. Mira est d’ailleurs entré en relation avec Sharkovsky et l’a rencontré à la conférence sur les oscillations non linéaires de Berlin, en 1975 802 .

Notes
798.

Mira a publié un texte très détaillé, une autobiographie scientifique, sur les recherches réalisées avec Gumowski : on peut le trouver dans [ABRAHAM, R., UEDA, Y., 2000], p. 95-197. Par ailleurs, le contexte instituionnel sera précisé au chapitre 11, centré sur le CNRS.

799.

Chirikov, physicien travaillant sur les machines de la physique nucléaire, utilise lui aussi les itérations (dans sa synthèse de 1979, il s’agit de l’application standard : [CHIRIKOV, B., 1979]). Gumowski qui travaille au CERN est coutumier de ces questions.

800.

Il s’agit du colloque "Transformations ponctuelles et leurs applications" dont les actes sont publiés dans [MIRA, C., LAGASSE, J., 1976].

801.

[GIRAUD, A., 1969].

802.

Voir [ABRAHAM, R., UEDA, Y., 2000], p. 151-154.