c. Des prolongements sur l’intermittence

L’interprétation de Pomeau et Manneville ouvre la voie à deux types de travaux : les expériences et la théorie. L’utilité de la démarche et l’utilisation des systèmes dynamiques suggérées par les premières expériences, sont prolongées dans d’autres réalisations expérimentales. Le cas de la cellule de Rayleigh-Bénard est repris en 1983, de manière à préciser, quantitativement, les données expérimentales 819 . Le thème de la réaction chimique de Belousov-Zhabotinsky 820 est également repris pour étude de l’intermittence.

Sur le plan théorique ensuite, deux tendances sont perceptibles. Un pan des études développées correspond au traitement direct de ces applications unidimensionnelles, en tant qu’applications, alors que Pomeau et Manneville recourraient aux applications unidimensionnelles dans l’optique d’illustrer le comportement dynamique des équations différentielles. Les calculs numériques et la formalisation se combinent pour étudier l’application logistique, dont les simulations mettent en lumière la propension au comportement intermittent. Elle relaie le modèle de Lorenz utilisé par Pomeau et Manneville 821 .

En parallèle, toujours sur la base de ces études, le formalisme tend à rapprocher les scénarios de l’intermittence de la cascade de doublements de période. Ainsi, une formulation en terme de groupe de renormalisation est construite à la fin de 1981, permettant de rendre compte de comportements universels pour l’intermittence.

Pour être plus précis, il est montré, mathématiquement, que l’équation du groupe de renormalisation donnée par Feigenbaum peut être utilisée pour les intermittences, en modifiant uniquement les conditions limites 822 . Il y a un même type d’universalité et des invariances d’échelles déduites des calculs de renormalisation, confirmant et prolongeant les intuitions de Pomeau et Manneville. La longueur t des phases laminaires varie en fonction du paramètre r à l’approche du point critique r T comme 823  :

Autrement dit, l’approche par le groupe de renormalisation unifie formellement les deux types de scénario. Sur le plan théorique, les deux scénarios sont donc cousins, mais, d’un point de vue pratique, que ce soit pour le numérique ou les expériences de laboratoire, ce sont les outils mathématiques adaptés par Pomeau et Manneville qui sont effectivement opératoires.

Notes
819.

[DUBOIS, M., RUBIO, M.A., BERGE, P., 1983]. Ce travail fournit des résultats quantitatifs, sur la distribution des durées des phases laminaires par exemple, montrant un très bon accord avec ce qui avait été imaginé théoriquement. Ils montrent, dans le cas de Rayleigh-Bénard, un cas d’intermittence de type III. Voir [FRANCESCHELLI, S., 2001], p. 156-7 pour une explication du contenu de l’article.

820.

Une intermittence de type 1 est détectée dans la réaction. On notera la présence de Pomeau pour cadrer ce résultat : [POMEAU, Y., ROUX, J.C., ROSSI, A., BACHELART, S., VIDAL, C., 1981].

821.

Par exemple [HIRSCH, J.E., HUBERMAN, B.A., SCALAPINO, D.J., 1982].

822.

[HIRSCH, J.E., NAUENBERG, M., SCALAPINO, D.J., 1982], p. 392.

823.

z est la "classe d’universalité", l’ordre du maximum de l’application unidimensionnelle. [HIRSCH, J.E., NAUENBERG, M., SCALAPINO, D.J., 1982] fournissent les lois d’échelles dans le cas le plus standard (z=2, comme dans le cas de l’application logistique) ; ils expliquent le constat de [POMEAU, Y., MANNEVILLE, P., 1979], p. 2. Pour les classes plus générales, le résultat se trouve dans [HU, B., RUDNICK, J., 1982], suivant de quelques mois à peine le précédent.