1932 : la théorie ergodique et la transitivité métrique

Les perspectives sur l’ergodicité vont évoluer par la confrontation autant "scientifique" que personnelle entre Von Neumann et Birkhoff. En premier lieu, il faut signaler que Von Neumann, peut-être froissé de ne pas avoir eu la priorité de publication, fait paraître un texte intitulé "Physical applications of the ergodic hypothesis" 1067 en 1932 dans lequel il prétend que seul son théorème à une réelle signification pour la physique.

Le texte consécutif de Birkhoff et Koopman, "Recent contributions to the ergodic theory" 1068 , est une sorte de réponse à ces affirmations. Il apporte également une première définition de la "théorie ergodique", comme le titre le suggère, alors qu’il n’était question que de théorème ou d’hypothèse ergodique auparavant. En outre, il propose une première reconstruction de l’histoire très récente de la question de l’ergodicité, en insistant particulièrement sur le travail des Ehrenfest, bien qu’il ne semble pas qu’il fût vraiment directement déterminant dans le résultat obtenu par Birkhoff. Plus logiquement, Poincaré y trouve sa place (et plus encore dans un autre article de Birkhoff de 1932 1069 ). Birkhoff et Koopman aboutissent, naturellement, à la formulation du "théorème ergodique", qui, bien sûr, n’est autre que le théorème de Birkhoff (par opposition au "théorème ergodique en moyenne" de Von Neumann). Dans ce texte intervient surtout la notion de transitivité métrique qui vient remplacer la forte transitivité et la condition établie par Von Neumann pour avoir ergodicité :

‘"Si (P→Pt) est un groupe, à un paramètre, continu d’automorphismes de l’espace métrique Ω, il est dit métriquement transitif si et seulement si Ω ne peut pas se décomposer en deux sous-ensembles de mesure plus grande que zéro, en étant chacun invariant sous toute transformation du groupe." 1070

La substitution est habile car elle permet de mettre sa nouvelle hypothèse en perspective avec les considérations sur les transformations du plan, que Birkhoff a étudié avec Paul Smith 1071 en 1928 et où cette notion était apparue pour la première fois. A la fin du texte, il n’y a aucune ambiguïté au sujet de la transitivité métrique : "il peut être affirmé, en conclusion, que le problème remarquable et non résolu dans la théorie ergodique est la question de la véracité ou fausseté de la transitivité métrique pour des systèmes Hamiltoniens généraux" 1072 . En d’autres termes, "L’Hypothèse Quasi-ergodique a été remplacée par sa version moderne : l’Hypothèse de Transitivité Métrique" 1073 . Précisons bien qu’ils ne montrent pas l’équivalence des deux versions, mais procèdent à un échange : la théorie ergodique nouvellement définie est articulée par la question de la transitivité métrique.

Notes
1067.

[VON NEUMANN, J., 1932b].

1068.

[BIRKHOFF, G.D., KOOPMAN, B.O., 1932].

1069.

"Probability and physical systems", [BIRKHOFF, G.D., 1932b].

1070.

"If (P→Pt) is a continuous one-parameter group of automorphisms of the metrical space Ω, it is said metrically transitive if and only if Ω cannot be decomposed into two subsets each of mesure greater than zero, and each invariant under every transformation of the group.", [BIRKHOFF, G.D., KOOPMAN, B.O., 1932], p. 280.

1071.

Nous renvoyons au chapitre 6, page 392 (note 880 en particulier), pour plus de détails sur cet aspect des mathématiques de Birkhoff.

1072.

"It may be stated in conclusion that the outstanding unsolved problem in the ergodic theory is the question of the truth or falsity of metrical transitivity for general Hamiltonian systems", [BIRKHOFF, G.D., KOOPMAN, B.O., 1932], p. 282.

1073.

"The Quasi-Ergodic Hypothesis has been replaced by its modern version : the Hypothesis of Metrical Transitivity", [BIRKHOFF, G.D., KOOPMAN, B.O., 1932], p. 282 (en italique dans le texte).