Critique de l’ergodicité

Le cheminement de Krylov pour en arriver à ce point peut se résumer en quelques grandes inspirations. Avant tout, plutôt que de suivre la perspective des Ehrenfest sur le principe ergodique, Krylov examine, dans sa thèse, une question qu’il juge plus pertinente, celle du processus de relaxation d’un système vers son état d’équilibre. L’observation expérimentale physique atteste qu’il est caractérisé par un temps de relaxation, fini 1110 . De cette manière Krylov réintroduit la physique dans la question des fondements de la Mécanique statistique, qui a été cantonnée, pendant quelques années, à des recherches mathématiques. Selon Krylov, les études sur l’ergodicité ont "jusqu’ici fait très peu de progrès dans l’objectif fixé par la Mécanique statistique" 1111 . L’ergodicité a montré qu’elle était "bien insuffisante pour les buts de la statistique, en particulier, pour définir le concept de base de relaxation". En outre, les résultats des recherches sur l’ergodicité "n’ont pas rendu possible de donner une description physique de ces systèmes couverts par les définitions mathématiques qui ont été introduites" 1112 . En quelques mots, Krylov condamne assez sévèrement les recherches bornées aux mathématiques car il les juge limitées sur le plan de la physique. Par ailleurs, la réduction au problème de transitivité métrique laisse complètement ouverte la question de savoir quels systèmes vérifient cette hypothèse 1113 .

En fait, la critique de Krylov a un caractère plus général : pour lui, il est impossible de fonder la Mécanique statistique sur la seule Mécanique classique. L’ergodicité ne serait donc qu’une illustration de cet écueil. Comme il l’explique dans sa thèse, "tous les schémas construits sur la Mécanique classique [...] sont, de manière inhérente, incapables de laisser s’introduire des concepts de probabilité, de manière non-contradictoire [...]" 1114 . Ce qui renvoie à la première difficulté du problème des fondements de la Mécanique statistique.

Notes
1110.

Introduction de Migal et Fock, [KRYLOV, N.S., 1979], p. xvii.

1111.

"[…] studies on ergodicity ,which so far have made very little progress in reaching the aim set by statistical mechanics.", [KRYLOV, N.S., 1979], p. 193

1112.

"On the other hand, mechanical ergodicity has, in the first place, turned out to be quite insufficent for the purposes of statistics, specifically, to define the basic concept of relaxation ; in the second place, the results of research on ergodicity have not made it possible to give a physical description of those systems that are covered by the mathematical definitions that have been introduced.", [KRYLOV, N.S., 1979], p 193-4 (nous mettons en evidence).

1113.

Voir le paragraphe examinant les études d’ergodicité : "studies on ergodicity", ibid., p. 207-9.

1114.

"[…] all schemes based on classical mechanics, to which the results we have described are also closely related, are inherently capable (sic) of allowing probabilistic concepts to be introduced into them in a non-contradictory manner in the sense that no probabilistic statement relating to a moment t can be a necessary consequence of any statement relating to a moment t0 unless it is identically contained in it.", [KRYLOV, N.S., 1979], p. 209. (vu le sens général du paragraphe, il faut lire "incapable" plutôt que "capable").