b. Le Colloque de Porquerolles, 1951 

Pour saisir l’évolution vers les méthodes topologiques, il est pertinent d’analyser les travaux du premier colloque international sur les oscillations non linéaires, après la guerre, en 1951. Il est organisé en France, sous l’égide de l’IUTAM (Union Internationale de Mécanique Théorique et Appliquée) et de l’Union Internationale de Radio-Science. Joseph Pérès, patron de la Mécanique en France, est le président du colloque et du comité d’organisation. Quelques grands noms du non linéaire s’y retrouvent : Haag 1324 , Van der Pol, Minorsky ; Von Karman ne peut pas s’y rendre 1325 , et l’URSS n’est pas représentée 1326 . L’introduction de Pérès est significative d’un domaine de recherche institué, avec ses "fondateurs" et quelques idées "paradigmatiques" :

‘"Les problèmes que pose la Physique sont, en général, non linéaires et leur linéarisation n’a qu’une valeur de première approximation, correspondant à une schématisation plus ou moins satisfaisante des lois naturelles, schématisation rendue nécessaire par l’insuffisance de nos moyens d’analyse et d’expérimentation." 1327

Les intentions sont là :

‘"Les développements théoriques à ce sujet ont leur origine dans l’oeuvre de Henri Poincaré, tant en ce qui concerne les méthodes du calcul des perturbations que pour l’utilisation de considérations topologiques." 1328

On peut imaginer que Minorsky, dans le comité d’organisation, a peut-être soufflé ce mot à Pérès, lequel n’a vraisemblablement que peu de connaissances dans ce domaine. Il est surtout frappant de constater le décalage entre cette déclaration et la réalité des travaux présentés à Porquerolles : seuls Minorsky et Th. Vogel utilisent ces méthodes 1329 . L’inertie des années 1930 prime encore, et le qualitatif n’a pas modifié les perspectives générales, sauf dans les discours 1330 . Les exemples sont rares et nous nous proposons d’éclairer deux contextes où se développent effectivement les oscillations non linéaires : le cas de Vogel, en France, et les travaux des japonais Hayashi et Ueda, à Kyoto. Cela nous montrera que lorsque les mathématiques de Poincaré sont appréhendées dans la pratique, elles le sont en rapport avec le calcul analogique.

Notes
1324.

La publication du colloque est dédiée à Haag, décédé quelques temps après le colloque, en 1952.

1325.

[PERES, J., 1951], p. I.

1326.

D’autres sont présents, par exemple : J.J. Stoker (Du Courant Institute), J.P. LaSalle (du groupe de Lefschetz).

1327.

[PERES, J., 1951], p. I (en italique dans le texte).

1328.

Ibid., p. II.

1329.

Un troisième, Luc Gauthier, sans discuter de méthodes qualitatives, aborde ouvertement le sujet. [PERES, J., 1951], p. 257-260.

1330.

Peut-être faut-il rapprocher cela de la "militarisation" du sujet et la nécessité d’avoir des résultats opérationnels sur des systèmes concrets. La maîtrise du qualitatif n’est pas encore suffisante, sauf pour quelques individus comme Minorsky ou Lefschetz, pour transférer ces méthodes vers la technique. L’armée américaine surtout est présente (ONR, US Air Force et le David Taylor Model Basin où travaillait Minorsky).